We wear our wheels with pride and slap your streets with color

© Jérôme Séron

We said bonjour to satan in 1820… Conception et chorégraphie Robyn Orlin et la compagnie Moving into Dance Mophatong –  à Chaillot-Théâtre national de la Danse, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

C’est un hommage rendu par Robyn Orlin aux Zoulous d’Afrique du Sud qui tiraient les rickshaws dans les rues de Durban, ces pousse-pousse personnalisés et hauts en couleurs, où prenaient place les maîtres blancs au temps de l’apartheid, dans les années 70.

Robyn Orlin se souvient. Avec leurs tuniques multicolores et leurs coiffes ornées de cornes de vache, signe de puissance autant que d’asservissement, ces hommes noirs « semblaient danser, le corps suspendu dans les airs. » Quelques images projetées à la fin du spectacle les montrent dans leur technique magistrale, leur grâce et leur dignité, marchant au trot comme les chevaux, – leur surnom en zoulou, amahashi -. Quand il est dit que leur espérance de vie ne dépassait pas trente-cinq ans, on se glace.

© Jérôme Séron

Née à Johannesburg, la chorégraphe met en récit les Zoulous – dont le nom vient de l’expression amaZulu, le Peuple du ciel – l’urbanisation en avait attiré un grand nombre vers les villes au cours du XXe siècle. Traités comme des bêtes de somme ils ont des pouvoirs magiques, et par la médiation d’un sorcier et de leurs rituels de divination, communiquent avec le monde spirituel et invoquent leurs ancêtres. On les trouve ici sur scène avec leurs emblématiques masques d’animaux.

Les jeunes danseurs de la Moving into Dance Mophatong leur donnent corps et les font vivre au rythme des propositions musicales et vocales inventives et puissantes du duo uKhoiKhoi composé du musicien et compositeur Yogin Sullaphen et de l’éblouissante chanteuse Anelisa Stuurman, à la tessiture vocale de grande amplitude. Pour saluer ces héros anonymes, les danseurs déploient une incroyable vitalité et construisent un alphabet qui, par moments, fait penser à un opéra bouffe ou à la Commedia dell’arte.

Ils convoquent Molière et les esprits, invitent le public à bouger et chanter, plaisantent avec Jean-Marc, à la lumière. C’est ludique, plein de vie, de couleurs et de talent. En même temps ils frappent fort et sans grands discours par de petits mots lancés en cœur de cible, colonisateurs, entre autres…  Sur scène, une rampe avec des canettes en métal de différentes couleurs marque une frontière… Les costumes sont de teintes vives, de splendides tissus traditionnels circulent. Une natte virevolte, telle un fouet. Des chants de révolte se lèvent.

© Jérôme Séron

Danseuse et chorégraphe sud-africaine de danse contemporaine, Robyn Orlin évoque ici un thème qui lui est cher et comme toujours lié aux drames et injustices sociales de son pays, l’Afrique du Sud, dont elle se fait la chambre d’écho. A travers la chorégraphie elle apporte une théâtralité teintée d’humour et de gravité, mêle musique, vocal, théâtre, vidéo, arts plastiques et interactivité des spectateurs. La France la connaît bien, elle avait ouvert la saison sud-africaine en 2013 avec Beauty remained for just a moment then returned gently to her starting position puis en 2018, repris la mise en scène de Pygmalion de Rameau à l’Opéra de Dijon où elle était en résidence, avec Emmanuelle Haïm à la direction musicale.

© Jérôme Séron

Des Zoulous, elle disait :« Quand nous allions à Durban sur le front de mer il y avait ces hommes qui avaient une allure incroyable. Je les prenais toujours pour des anges, je me demandais constamment pourquoi les anges s’envolaient ainsi et réatterrissaient, et ne se contentaient pas de courir comme les gens normaux… Cela a été une expérience très importante pour moi… » De son regard et de son inventivité est né ce spectacle de grande intensité.

Brigitte Rémer, le 12 novembre 2022

Avec Sunnyboy Motau, Oscar Buthelezi, Eugene Mashiane, Lesego Dihemo, Sbusiso Gumede, Teboho Letele. Vidéo Eric Perroys – costumes Birgit Neppl – lumières Romain de Lagarde – musique uKhoiKhoi, avec Anelisa Stuurman et Yogin Sullaphen.

Du 9 au 12 novembre 2022 – Chaillot-Théâtre national de la Danse, 1 place du Trocadéro. 75116. Paris.  Tél. : 01 53 65 30 00 – site : theatre-chaillot.fr – métro : Trocadéro.