Trace

© Celina Bensart

Texte Nicole Couderc – mise en scène Gilles David – compagnie La Gaillarde, à la Maison des Arts de Créteil, dans le cadre des Théâtrales Charles Dullin.

« Trace ta route… Aujourd’hui maman est morte » sont les mots qui ouvrent le spectacle. C’est Julie, dix-sept ans, qui délivre ce terrible message, sa mère vient de se suicider en se jetant du huitième étage. La jeune femme va faire l’apprentissage de la solitude et du silence de la maison, du face à face avec son père, directeur d’un supermarché et qui travaille beaucoup.

Autour d’elle, on suit la chronique de la cité urbaine, de la vie à affronter sans pare feu et du regard des autres, de celui de ses copains-copines, Pauline, Sabrina, Tristan, et autres, génération mobiles, musiques, langages jeunes. L’auteure, Nicole Couderc, dessine la vie du quartier et croque des personnages autour du parking d’un supermarché. Certains éléments viennent de sa biographie, précise-t-elle. On y voit les gens qui vont et viennent et se croisent sans se regarder, la dame du 117 au regard d’aigle, bus qu’elle attend tous les jours à 14 heures. Dans le bus monte aussi Danièle la femme au béret, pas vraiment dans le coup et qui travaille dans un centre pour handicapés, qui se déplace toujours avec sa mère et parle à tout le monde, qui chante à la chorale. Pascal y travaille aussi. A la maison il y a le père et son chagrin, les livres qui se mettent en caisse, les vêtements de la mère qu’il ne supporte pas de voir sur sa fille, la référence à des jeux, à une croisière. Il y a aussi la femme de ménage et son repassage, sa famille africaine qui débarque, sa fille qui rame avec les études. Il y a Julie qui interroge son père, les lieux, les dossiers et cherche à reconstituer des bribes de vie heureuse.

La Trace est ce rouge indélébile sur le buisson du trottoir où est tombée sa mère et dans la tête de Julie, c’est en même temps son leitmotiv pour avancer : Trace, trace ta route à toute allure, la vie doit continuer ! C’est sa démarche pour se reconstruire et donner du sens à sa vie au milieu d’informations diverses et contradictoires, de faits divers plutôt sinistres, du trajet du bus 117.

Ce texte de Nicole Couderc a été lauréat pour l’aide à la création d’Artcena en 2019. Il nous emmène dans un quotidien de la vie et sa monotonie, vers les toutes petites choses de la vie où faire un pas en avant mérite tant d’efforts, dans un milieu aux vies cabossées et loin des privilèges, dans une vie où le regard des jeunes se pose sur l’avenir et sur les adultes. Si la partie n’est pas encore jouée, en pointillés elle est conditionnée par ce qui est vécu. Julie porte la robe rouge de son deuil, elle a besoin qu’on sache et sa question finale, Et toi tu sais où tu es ? appelle la difficulté à s’inscrire dans un parcours de vie où une partie de l’essentiel, la mère, s’est absentée.

Le plateau est sobre – décor, lumière, mise en scène, jeu des acteurs, costumes – géré aussi simplement que le propos et cela est bien, (la mise en scène est de Gilles David). Pas besoin de chichi autour d’une vie quotidienne plutôt grise, la vie comme elle va, de la mort d’une mère et des variations autour d’une jeune femme qui ramasse les morceaux du passé et mène son combat avec le réel. L’équipe d’acteurs présente sur le plateau a globalement l’âge des rôles et donne le rythme. Mention spéciale pour l’actrice qui interprète Julie et sait porter ce sujet délicat avec justesse.

Brigitte Rémer, le 26 décembre 2022

Avec : Éléonore Alpi, David Brémaud, Lucie Épicureo, Émilie Lacoste, Marie-Camille Le Baccon, Milla Nizard, Léonce Pruvost, Marion Träger, Rony Wolff. Scénographie Clara Georges Sartorio – création lumière Lison Foulou – costumes Audirna Groschêne – musique et création son Pascal Humbert – régie générale Alexandre Boghossian – avec le soutien du dispositif d’insertion professionnelle de l’Ensatt.

Du 8 au 10 décembre 2022 – Maison des Arts de Créteil, Place Salvador Allende, 94000 Créteil – tél. :  01 45 13 19 19 – Site : www.maccreteil.com