The Idiot

© Abe Akihito

De et avec Saburo Teshigawara et Rihoko Sato, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris et de  Japonismes 2018, à Chaillot/Théâtre National de la Danse.

A la base de l’inspiration pour cette pièce dansée intitulée The Idiot, le roman de Dostoïevski, dans un lointain arrière-plan. Nous ne sommes pas dans la vision du tableau du peintre Hans Holbein le Jeune qui avait tant ému l’auteur russe, Saburo Teshigawara chorégraphe et danseur, créateur lumières et costumes, concepteur du montage musical, donne son interprétation du prince Mychkine. Il est accompagné de la danseuse Rihoko Sato dans le personnage de Nastassia Filippovna, sa fiancée. Seuls liens visibles au texte, les crises d’épilepsie du Prince ainsi que la mort de Nastassia, dans le roman, assassinée par Rogojine. « Je savais qu’il était impossible de créer une chorégraphie tirée d’un tel roman, mais cette impossibilité a été la clef pour approcher et créer quelque chose de complètement neuf. Une danse qui existe seulement dans l’instant présent » dit le chorégraphe.

Dans la vision très personnelle du chorégraphe, tout est danse, mouvement, grâce et maîtrise. Il crée le trouble dès le début du spectacle dans un travail plasticien, accrochant sur écran en fond de scène, un astre blafard mi-lune, mi-soleil au coucher. La lumière qu’il compose vacille pendant toute la pièce, comme l’esprit du Prince et les duos succèdent aux solos, créant l’ambigüité du double. Troublant cette belle harmonie à un moment donné et comme un cauchemar du Prince, une silhouette au masque de rat traverse subrepticement le plateau.

Le travail du corps et la gestuelle chez Saburo Teshigawara sont éblouissants, ses mains sont volubiles comme des papillons, il sculpte l’air et décline tous les registres, de la danse au butō, de l’esquisse au mimodrame. Rihoko Sato, sa complice depuis plus d’une vingtaine d’années, apparaît et disparaît dans un tourbillon de la vie, vêtue de robes noires de toute beauté, voile, satin et coton ajusté, qu’il a réalisées. Rihoko Sato dégage une grâce dans ses déplacements arabesques, ses bras ondulent et cisèlent l’espace. Tous deux forment une sorte de Janus, jouent des équilibres et dialoguent avec sensibilité. « Nous sommes comme deux miroirs qui se renvoient la lumière » dit-il en parlant de leur collaboration. Et « chaque mouvement a sa raison d’être » ajoute le chorégraphe.

Peintre et sculpteur, Saburo Teshigawara a fondé sa compagnie, Karas – qui signifie Corbeau –  en 1985 et s’inscrit dans le mouvement de la danse contemporaine de manière forte et singulière. Sa danse est incandescente et hypnotique même si l’assemblage des musiques enregistrées faisant alterner voix, musique classique et rythmes contemporains manque ici de couleur et sature, malgré la valse n°2 de Chostakovitch. Ses œuvres précédentes, Flexible Silence avec l’Ensemble Intercontemporain, Glass Tooth ou Miroku, témoignaient déjà de sa créativité. Le Festival d’Automne l’invite cette année et Chaillot-Théâtre National de la Danse l’accueille, dans le cadre de Japonismes 2018. Saburo Teshigawara a créé plusieurs pièces pour le Nederlands Dans Theater, le Ballet de l’Opéra de Paris, le Ballet de Frankfurt à l’invitation de William Forsythe et bien d’autres. Il nous introduit ici dans son Empire des signes, chargé de signifiants à décoder, notamment dans son rapport à Dostoievski.

Brigitte Rémer, le 6 octobre 2018

Avec Saburo Teshigawara et Rihoko Sato – direction, lumières, costumes, collage musical, Saburo Teshigawara – collaboration artistique Rihoko Sato – coordination technique, assistant lumières Sergio Pessanha – assistant lumières Hiroki Shimizu – habilleuse Mie Kawamura.

Du 27 septembre au 5 octobre 2018, à Chaillot/Théâtre National de la Danse, 1 place du Trocadéro. 75116 Paris – Tél. : 01 53 65 30 00 – www.theatre-chaillot.fr