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Chroniques d’une ville qu’on croit connaître – Braveheart

Publication de deux pièces de l’auteur syrien Wael Kadour : Chroniques d’une ville qu’on croit connaître, traduit de l’arabe (Syrie) par Nabil Boutros et Braveheart traduit par Simon Dubois, aux éditions L’Espace d’un instant/maison d’Europe et d’Orient.

1ère de couverture

Auteur, dramaturge et metteur en scène, Wael Kadour a quitté la Syrie où il est né en 1981, au début de la Révolution de 2011. Diplômé de l’Institut Supérieur d’Art Dramatique de Damas en 2006, il part en résidence de dramaturgie au Royal Court Theatre de Londres l’année suivante et monte des projets dans plusieurs pays du Moyen-Orient, notamment en Syrie, Jordanie et au Liban. C’est en Jordanie où il reste quatre ans qu’il conçoit ses Chroniques d’une ville qu’on croit connaître et où il monte des pièces de Samuel Beckett, Edward Albee, Caryl Churchill, Saadallah Wannous, Mudar Al Haggi. Il s’installe en France en 2016. De là il part en résidence à Berlin en 2017, au Sundance Institute of Playwrights, puis au Lark Theatre Lab de New York en 2018. Il co-signe la mise en scène de sa pièce, Chroniques d’une ville qu’on croit connaître, avec Mohamad Al Rashi en 2019, créée à La Filature-scène nationale de Mulhouse, dans le cadre du festival Les Vagamondes et qu’il a ensuite présentée au Théâtre Jean Vilar de Vitry (cf. notre article du 20 avril 2019). Ensemble, ils avaient auparavant mis en scène une autre de ses pièces, Les petites chambres, créée à Beyrouth et Amman en 2014 et éditée en arabe et en français par Elyzad, dans une traduction de Wissam Arbache et Hala Omran.

4ème de couverture

En 2021, Wael Kadour reçoit le soutien de Ibsen Scope Fondation en Norvège pour écrire et produire la pièce Up-There, basée sur les témoignages d’anciennes détenues politiques ayant monté La Dame de la mer de Henrik Ibsen, à la prison pour femmes de Douma (Syrie) en 1991. En 2024, avec Mohamad Al Rashi et en partenariat avec l’association Perseïden, il amorce la mise en scène de son texte Bravehear, second texte de l’ouvrage édité par L’Espace d’un instant. Publiées dans plusieurs langues – en arabe, anglais, français, italien – ses pièces sont mises en scène par des metteurs en scène de différents pays – dont le Liban, l’Italie, l’Allemagne, l’Égypte où Hassan El-Geretly, directeur du théâtre El-Warsha, l’a présentée. Wael Kadour est membre de l’atelier des artistes en exil – fondé et dirigé par Judith Depaule – qui fait un magnifique travail d’accueil des artistes réfugiés, exilés, et de présentation de leurs expressions artistiques, dans tous les domaines.

Chroniques d’une ville qu’on croit connaître, pièce pour six personnages, publiée en arabe aux éditions Mamdouh Adwan, à Damas, en 2018 – traduite en français par Nabil Boutros, artiste scénographe et photographe qui vit entre deux langues, l’arabe égyptien et le français, langues qu’il aime à faire passer d’une rive à l’autre – s’appuie sur une histoire réelle, vécue à Damas : le suicide d’une jeune femme, Nour, une nuit de l’été 2011, au début de la révolution. La pièce interroge l’absence, dans un contexte politique en ébullition qui voudrait contredire le manque d’espoir, alors que le pays se met en marche vers plus de démocratie. L’auteur tente de retracer le parcours de la jeune femme et de chercher la source de son désarroi. Roula, qu’elle avait rencontrée et avec qui elle s’était liée, raconte, sa famille s’interroge. L’enquêteur la taraude avec perversité pour une enquête menteuse et truquée, sous pression et chantage. La pièce démonte le système politique, social, économique et religieux, qui règne depuis des décennies, décrit la guerre, pillant l’intimité et montrant la violence morale exercée quotidiennement, tant dans la sphère privée que publique : la verticalité homme/femme, les interdits, le contrôle, l’engagement pour son pays, l’activisme, la dénonciation, les amours défaites, les rapports de classe et les rapports de force dans la société.

Chroniques d’une ville… © Nabil Boutros *

Braveheart/Cœur vaillant, pièce traduite par Simon Dubois – chercheur à l’Institut Français du Proche-Orient, spécialisé dans la jeune production théâtrale syrienne – a remporté le Prix d’écriture dramatique dans la région arabe, attribué par l’Ensemble Theatre Foundation, en 2021. Elle devrait être créée prochainement dans une mise en scène de Wael Kadour et Mohamad Al Rashi. La pièce part, là aussi, d’un événement réel : un avocat syrien, Anwar al-Bunni, vivant à Coblence, en Allemagne, reconnaît un homme qui s’est avéré être un bourreau aux bottes du régime. Wael Kadour s’empare de l’histoire et met en face à face Aline et Mohammad, tous deux Syriens résidant dans une petite ville française inconnue, et interroge l’écriture en exil. Aline tente de mettre en forme des éléments d’écriture et se trouve confrontée à son passé, et au manque d’avenir. Elle est à la recherche de vérité et de justice, et tente de faire face aux réalités du non-retour, dans son pays volé par un despote et qui se désagrège. Aline comprend, petit à petit que l’homme dont elle est tombée amoureuse travaillait en fait dans le renseignement. La pièce nous place dans un entre-deux comme le fait justement remarquer Monica Ruocco – professeure de langue et littérature arabe moderne et contemporaine à l’université de Naples L’Orientale – qui en a écrit la préface, où « pour le dramaturge, Damas est désormais trop lointaine et la France, son nouveau lieu de résidence, n’est pas encore si familière. »

Chroniques d’une ville… © Nabil Boutros *

Les deux pièces de Wael Kadour publiées par L’Espace d’un instant ont été traduites avec le soutien de l’association Perseïden, de la Maison Antoine Vitez et de l’Office national de diffusion artistique et l’ouvrage a été édité avec l’aide du Centre national du livre, en février 2023. Elles nous mènent aux frontières de la réalité et de l’imaginaire et touchent à la mémoire individuelle et collective. À travers ses migrations et ses exils, l’auteur interroge la violence de la guerre et la radicalité, la fracture artistique, le déplacement, l’altérité.

Brigitte Rémer, le 23 juillet 2024

Chroniques d’une ville qu’on croit connaître, traduit de l’arabe (Syrie) par Nabil Boutros et Braveheart traduit par Simon Dubois, sont publiées aux éditions L’Espace d’un instant, un projet de la Maison d’Europe et d’Orient (Dominique Dolmieu) – site : www.parlatges.org – email : agence@parlatges.org – tél. : +33 (0)9 75 47 27 23 –

*Les photographies de Nabil Boutros ont été prises en 2019 à La Filature-scène nationale de Mulhouse, lors de la création en France de Chroniques d’une ville qu’on croit connaître, dans une mise en scène co-signée de Wael Kadour et Mohamad Al Rashi.