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Pluie dans les cheveux

D’après le texte de Tarjei Vesaas, traduit du nynorsk par Marina Heide, Guri Vesaas et Olivier Gallon – dramaturgie Jean-Louis Besson – mise en scène Alain Batis, Compagnie La Mandarine Blanche, au Théâtre de l’Épée de Bois.

© Patrick Kuhn

Nous sommes dans les brumes des paysages norvégiens tels que le grand écrivain et poète Tarjei Vesaas aimait à les traduire à travers sa langue et ses observations. Fils de paysan destiné à prendre la succession de la ferme familiale, c’est l’écriture qu’il choisit et s’exprime en nynorsk, une langue autrefois connue sous le nom de langue rurale. On connaît Tarjei Vesaas (1897-1970) pour ses romans-phares, notamment Les Oiseaux (1957) et Palais de glace (1963) parfois adaptés au théâtre.

Écrite en 1958 et longtemps restée inconnue, la pièce Pluie dans les cheveux, nous mène dans la forêt pour une promenade nocturne à l’occasion de la Fête du Printemps. Elle s’intéresse aux souterrains de la sensibilité adolescente et parle de la naissance de l’amour chez des adolescents (es) de leurs désirs, de leurs visions.

© Patrick Kuhn

Valborg (Romane Wicker) quitte le bal et s’enfonce dans la forêt, seule, pour mieux savourer la sensation de l’étreinte qu’elle a eue avec Per, le temps d’une danse. Elle y croise différentes figures qui se cherchent les unes les autres : Björn, son ami d’enfance, amoureux d’elle, et qui la cherche à vélo et se fait éconduire ; Kari (Mélina Fagot), exaltée, car amoureuse de Knut, un jeune homme timide ; Siss (Victoria Fagot) mi-déesse mi-âme errante, silencieuse et énigmatique, vêtue de rouge et portant diadème, (costumes Jean-Bernard Scotto), Siss qui convoite Björn et exprime sa jalousie.

Ces romances et espérances se croisent au cœur du silence de la forêt et du clair-obscur, magnifiquement traduits par la scénographie de bouleaux et de mousse (Sandrine Lamblin), et les lumières sur fond de bruine, (Nicolas Gros et Noémie Viscera). L’odeur de la terre nous parvient ainsi que l’odeur de la pluie dans les cheveux. Au pupitre, côté jardin et face à la scène, le musicien Guillaume Jullien, à l’écoute des variations norvégiennes comme les silences et les murmures, la marche dans les sous-bois et la danse, les voix qui reviennent en écho.

Les chemins se cherchent et se croisent dans les sous-bois, entre secrets et premiers émois, avec beaucoup de simplicité et d’élégance, dans un certain onirisme. La fin de la promenade nocturne se fait sous la baguette magique de Siss qui délace ses rubans, pose son diadème, retire son manteau et attache ses cheveux pour se métamorphoser en la mère de Valborg et ramener les jeunes à la réalité. Valborg lui raconte mais sa mère n’entend son récit que comme une fantaisie « une plume dans les cheveux… »

© Patrick Kuhn

Il y a beaucoup de doigté et délicatesse dans la mise en scène d’Alain Batis et la direction des actrices et acteurs. Issus du Conservatoire de Metz-Nancy ils cheminent depuis quelque temps avec la Compagnie La Mandarine Blanche, implantée à Metz. Leur précision et professionnalisme sont à saluer. Créée en 2002, la Compagnie a à son actif une vingtaine de spectacles dont un certain nombre sous forme itinérante. Avec Pluie dans les cheveux elle s’est engagée dans un nouveau cycle pour les années à venir autour du thème : « À qui parlons-nous lorsque nous nous taisons. » La prochaine étape, en 2026, sera La Dame de la mer d’Henrik Ibsen, suivi, en 2027, d’un dyptique de Fredrik Brattberg, jeune auteur dramatique norvégien héritier de Bob Fosse et d’Ibsen. À suivre de près !

Brigitte Rémer, le 21 décembre 2025

© Patrick Kuhn

Avec : Victoria Fagot, Mélina Fagot, Yann Malpertu, Romane Wicker – composition et musique in situ : Guillaume Jullien – scénographie Sandrine Lamblin – costumes Jean-Bernard Scotto – création et régie lumière Nicolas Gros et Noémie Viscera – chorégraphie Amélie Patard – assistants mise en scène Alexandra Terlizzi et Esteban Bidet – Le texte de Tarjei Vesaas, traduit du nynorsk par Marina Heide, Guri Vesaas, Olivier Gallon, est publié aux Éditions La Barque.

Production : Compagnie La Mandarine Blanche – Avec le soutien de la Région Grand Est, la SPEDIDAM, Bliiida et le Conservatoire à Rayonnement Régional Eurométropole de Metz.  La Mandarine Blanche est conventionnée par la DRAC Grand Est – Ministère de la Culture, la Région Grand Est, le Département de la Moselle et la Ville de Metz.

Du 4 au 21 décembre 2025, jeudi au samedi à 19h, samedi et dimanche à 14h30 – au Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, Route du Champs de Manœuvre. 75012 Paris – métro Château de Vincennes, puis bus 219, arrêt Cartoucherie – sites :  www. epeedebois.com et www.lamandarineblanche.fr