May B de Maguy Marin, de Sainte Foy-lès-Lyon à Rio de Janeiro, une Fraternité – Chorégraphie de Maguy Marin – Avec les interprètes de l’École Libre de danse de Maré de Lia Rodrigues – Musiques Franz Schubert, Gilles de Binche, Gavin Bryars.
Créé par Maguy Marin au Théâtre Municipal d’Angers en 1981, May B est un spectacle mythique qui a tourné dans le monde entier. La pièce est aujourd’hui recréée pour et avec les stagiaires danseurs de l’École Libre de Maré que dirige Lia Rodrigues dans le cadre du passage de témoin et de la transmission. « Depuis plusieurs années, nous avons avec Lia un rêve : celui de transmettre la pièce May B à ses étudiants de la Maré. La pièce, qu’elle a vu naître, se révèle être le lieu d’une transmission particulièrement sensible en direction de jeunes danseurs amateurs et professionnels. »
Maguy Marin a débuté sa carrière professionnelle en 1976 et fut vite repérée par le Concours chorégraphique international de Bagnolet avec Nieblas de Niño. Elle a dirigé d’importantes structures chorégraphiques et monté une quarantaine de pièces. Sa compagnie est installée depuis trois ans dans une ancienne menuiserie de Sainte-Foy-lès-Lyon avec un ambitieux projet, Ramdam, un Centre d’Art, en coopération avec des compagnies partenaires. Lia Rodrigues travaille avec elle depuis le début des années 80. Danseuse, elle fut interprète de May B dans sa version originelle et se rappelle : « J’ai pu apprendre comment la rigueur et la discipline pouvaient être combinées avec la créativité et l’invention. » Elle a fondé en 1990 une compagnie, à Rio de Janeiro, puis en 2011 une école de danse dans la favela de Maré où vivent plus de cent quarante mille habitants, travaille avec des amateurs et rassemble une petite troupe. Artiste associée au Cent Quatre-Paris elle y a présenté plusieurs de ses pièces dont Pour que le ciel ne tombe pas, en 2016. Cette nouvelle version de May B est une histoire de danse et d’amitié entre Maguy Marin et Lia Rodrigues dans laquelle les enjeux esthétiques et économiques sont important pour la poursuite du travail de Lia au Brésil dans un contexte financier exsangue. Elle est aussi l’occasion d’éviter toute nostalgie en donnant du sang neuf et un nouveau visage à la pièce.
May B témoigne de l’univers de Samuel Beckett, des éléments théâtraux y sont agrégés et le style du spectacle n’est pas sans rappeler Pina Bausch et le Tanztheater. C’est un récit gestuel surgi de nulle part dans une dramaturgie de déambulations et de récurrences entre le mouvement et la suspension. On ne sait si l’on plonge dans l’univers de la vieillesse aux petits pas ou dans celui de la folie, dans une cérémonie de retournement des morts chez les Malgaches, au purgatoire ou en enfer. Les personnages créés par chacun des dix danseurs semblent dans un état de demi-conscience. Visages d’argile et costumes grossiers, ils forment une sorte de magma et composent des figures, faisant front tantôt collectivement tantôt par petits groupes. Dans leur errance et leur mise en abyme ils élaborent des façons singulières de se mouvoir, sont au corps à corps, se fondent en un ensemble minéral couleur terre, se déplacent en diagonale, en cercle et cisèlent leur espace. Ils font vivre des personnages beckettiens, entre persévérance et renoncement, torpeur, excitation et panique, prêts au départ valise à la main. On y trouve Hamm de Fin de Partie, aveugle et dans un fauteuil roulant, qui tyrannise Clov, le couple Pozzo-Lucky d’En attendant Godot, le premier maltraitant le second qu’il tient en laisse, Molloy ce vieux solitaire amnésique, qui raconte des bribes de sa vie, premier roman éponyme d’une trilogie. Pour Maguy Marin May B est une pièce fondatrice. « Je n’ai pas arrêté depuis de travailler sur ce qu’elle mettait en jeu : la fragilité du corps, la question du silence et de l’immobilité, celle du chœur aussi, cette somme d’individualités qui agissent pourtant dans un espace commun. » Elle est portée par les chants mélodiques poignants de Franz Schubert, les musiques de Gilles de Binche et l’obsédant Jesus Blood never failed me yet de Gavin Bryars.
La force de la chorégraphie où le corps collectif prime, est entière. Son extrême théâtralisation n’est pas sans évoquer Tadeusz Kantor ou Josef Nadj. Fruit d’une collaboration poétique et politique entre Maguy Marin et Lia Rodrigues, May B est chargé. « À cette époque où partout dans le monde l’on construit de plus en plus de murs et de grilles, où les territoires sont férocement délimités, où les frontières sont imposées et rigoureusement défendues, le projet de transmission de May B à la Maré propose de faire le mouvement inverse afin de découvrir de nouvelles possibilités de partages, dialogues et collaborations » dit Lia Rodrigues. Les danseuses et danseurs brésiliens y font un travail éblouissant qui appelle l’admiration.
Brigitte Rémer, le 5 mai 2018
Avec : Audrey Da Silva Pereira – Diego Farias Alves da Cruz – Jeniffer Rodrigues da Silva – Karolline da Silva Pinto – Larissa Lima da Silva – Luciana Barros Ferreira – Luyd de Souza Carvalho – Marllon dos Santos Araujo – Raquel Alexandre David Silva – Ricardo de Araujo Xavier. Lumières Alexandre Beneteaud – costumes Louise Marin – artiste chorégraphique pour la transmission Isabelle Missal – répétitrice Amalia Lima – directrice de tournée Astrid Toledo – responsable technique pour les décors Christian Charlin – régie générale et régie lumières Magali Foubert – Production déléguée ArGes Jacques Segueilla – diffusion Thérèse Barbanel.
Le 2 mai, Théâtre Jean Vilar de Vitry, 1, place Jean-Vilar – 94400 Vitry-sur-Seine – tél : 01 55 53 10 60 – Site – www.theatrejeanvilar.com – Ramdam, un Centre d’Art : contact@ramdamcda.org tél. +33 (0)4 78 59 62 62 et tél. +33 (0)9 83 03 22 80 – mail : buro@compagnie-maguy-marin.fr
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