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Festival d’Avignon 2022 – 76ème édition

© Jean Couturier

La soixante-seizième édition du Festival d’Avignon se tiendra du 7 au 26 juillet 2022, dernière édition pilotée par l’équipe en place, Olivier Py directeur et Paul Rondin directeur délégué annoncent le programme en conférence de presse. Pour cette dernière édition qu’il pilote après deux mandats de cinq ans, le directeur du Festival d’Avignon remercie les tutelles engagées dans son financement – ministère de la Culture, ville d’Avignon, Communauté d’Agglomération du Grand-Avignon, Région et DRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, département et préfecture du Vaucluse, ministère de la Justice, ministère de l’Éducation Nationale, de la Jeunesse et des Sports notamment par les collèges et lycées de la ville.

Il remercie ensuite les publics qui lui ont fait confiance et égrène la liste de ses collaborateurs – dont les 750 saisonniers chaque année – et celle des partenaires qui l’ont accompagné dans sa mission de direction depuis dix ans. « Je n’ai tenu en rien à faire un Festival récapitulatif ou commémoratif » prévient-il d’emblée. Il garde la ligne définie dans les autres éditions et son engagement, le travail mené pour défendre la place des femmes et leur identité, l’intérêt qu’il a toujours manifesté pour d’autres cultures, notamment le Moyen-Orient et l’Afrique, l’ouverture vers le jeune public et la décentralisation du Festival à travers le territoire.

L’édition 2022 s’étend sur 20 jours, présente 46 spectacles et prévoit 270 levers de rideau, 120 000 billets à la vente et 25 000 entrées libres. En comptant lectures et débats ce sont plus de 400 rendez-vous, qui sont proposés aux festivaliers dans les différents lieux de la ville dont l’opéra rénové qui ré-ouvre cette année avec Iphigénie, de Tiago Rodrigues qui succédera en 2023 à Olivier Py, spectacle mis en scène par Anne Théron (7 au 13 juillet).

Beaucoup de découvertes, fidélités et retrouvailles sont à l’affiche. Le Moine noir, d’après Anton Tchékhov du metteur en scène russe Kirill Serebrennikov ouvre le Festival dans la Cour d’honneur du Palais des papes (7 au 15 juillet), Miss Knife et ses sœurs d’Olivier Py le clôture le 26 juillet sur la scène de l’Opéra d’Avignon en compagnie des Dakh Daughters, artistes ukrainiennes et d’Angélique Kidjo. Olivier Py met aussi en scène Ma Jeunesse exaltée, dialogue entre deux générations, au Gymnase Aubanel (8 au 15 juillet) tandis que dans la Cour d’Honneur, Jan Martens présente Futur proche avec le Ballet de Flandres (19 au 24 juillet) et Kae Tempest un spectacle de poésie et musique, The line is a curve (le 26 juillet).

Survivre au chaos du monde est un thème que défend Olivier Py, autour de la résilience. En transit, d’Amir Reza Koohestani, d’après Anna Seghers, témoigne de la déportation (7 au 14 juillet, au Gymnase du Lycée Mistral) ; Via Injabulo, spectacle de danse raconte les townships d’Afrique du Sud (10 au 17 juillet, Cour minérale de l’Université). Quatre spectacles du Moyen-Orient sont programmés : de Palestine, Milk de Bashar Murkus (10 au 16 juillet, à Vedene, l’autre scène du Grand Avignon), Et la terre se transmet comme la langue, d’après Mahmoud Darwich (14 juillet, cour du Collège Joseph Vernet), Elias Sanbar son traducteur et ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco en est le récitant, des musiciens l’accompagnent dont le compositeur de jazz et vibraphoniste Franck Tortiller ; quatre poétesses de différents pays du Maghreb et du Moyen-Orient sont présentées par Henri Jules-Julien dans un spectacle intitulé Shaeirat (16 au 19 juillet, Gymnase et Jardin du Lycée Saint-Joseph) ; Ali Chahrour de Beyrouth dansera Du temps où ma mère racontait (21 au 26 juillet, Cour minérale de l’Université).

Plusieurs spectacles évoquent la nature, l’écologie et le rapport au cosmos comme A l’orée du bois de Pierre-Yves Chapalain (8 au 26 juillet, dans treize communes du Grand Avignon) et Dans ce jardin qu’on aimait, d’après Pascal Quignard et Siméon Pease Cheney, mis en scène de Marie Vialle (9 au 16 juillet, Cloitre des Célestins). Beaucoup d’autres spectacles sont à l’affiche, drôles, parfois cruels, pour jeune public, en interdisciplinarité, propositions en danse, musique, théâtre et performance. La programmation est riche et pour toutes les sensibilités, tous les goûts.

Deux grandes expositions s’inscrivent dans cette soixante-seizième édition : First but not last time in America de Kubra Khademi, réfugiée afghane qui a dessiné l’affiche, à la Fondation Lambert ; les photographies de Christophe Raynaud de Lage, L’œil présent/ photographier le Festival d’Avignon au risque de l’instant suspendu, à la Maison Jean Vilar. De nombreux événements, rencontres et débats apportent au Festival une dimension sociale, poétique et intellectuelle dont le cinéma à l’Utopia, les activités de la Maison Jean Vilar, France Culture et la Grande Table, les conversations du Syndicat de la critique, les Ateliers de la pensée, des dialogues acteurs/spectateurs aux CEMEA, Artistes en exil et Amnesty International…

« C’est cela le théâtre populaire, la connaissance de ce désir du peuple d’être plus grand que les étiquettes qui lui sont collées sur le front. Il n’y a pas de Démocratie il n’y a pas de Liberté, il n’y a pas d’Égalité sans l’éducation et la culture… » écrit Olivier Py dans son éditorial, lui qui, après Vilar, créateur du Festival en 1947, fut le premier artiste à le diriger. Il le quittera à la fin juillet 2022 et d’ores et déjà lui souhaite « d’être toujours le lieu de la jeunesse, de la parole et de ce qui vient. »

Brigitte Rémer, le 3 avril 2022

Festival d’Avignon, Cloître Saint-Louis, 20 rue du Portail Boquier, 84000 Avignon – tél. : 33 (0) 4 90 27 66 50 – site : festival-avignon.com – Ouverture de la billetterie par internet le 21 mai 2022 à 14h, 10 000 places mises à la vente, le 7 juin par téléphone, le 11 juin aux guichets.

73e édition du Festival d’Avignon

Visuel © Miryam Haddad

Pendant vingt jours, du jeudi 4 au mardi 23 juillet 2019, le Festival d’Avignon battra son plein avec 2 expositions, 43 spectacles et 280 levers de rideau. Une jauge de 112 000 entrées et autant de billets mis à la vente.

Annoncé par son directeur, Olivier Py – lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 28 mars à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, après celle d’Avignon, la veille – le programme traverse les océans sur le thème de l’Odyssée, des Odyssées, du voyage précise-t-il. C’est d’altérité qu’on va parler, de l’Autre, des traversées en Méditerranée, de l’Étranger et de l’exil. La question de l’imaginaire européen et de l’héritage sera à l’ordre du jour, ainsi que la manière dont la grande Histoire croise la petite. Et pas d’Odyssée sans Homère, un feuilleton théâtral lu sous la direction de Blandine Savetier, tous les jours à midi.

Le visuel du Festival en ses profondes couleurs chromatiques en même temps que lumineuses, est signé d’une jeune artiste d’origine syrienne, Miryam Haddad qui a quitté Damas en guerre en 2012, alors qu’elle était étudiante en art. Elle a poursuivi ses études à l’École des Beaux-Arts de Paris, elle en est diplômée. Elle expose dans le cadre de la Fondation Lambert pendant tout le Festival, sur le thème Le Sommeil n’est pas un lieu sûr.  

Les trois disciplines, théâtre, danse et musique se croiseront dans la Cour d’Honneur : Pascal Rambert ouvrira le banc le 4 juillet, avec Architecture, sur un texte qui parle de l’Europe au début du XXème ; la troupe du chorégraphe Akram Khan y dansera du 17 au 21 juillet, Outwitting the devil/Tromper le démon ; Arnaud Rebotini et le Don Van Club y présenteront le 23 juillet une soirée musicale, d’après un texte de Jean-Luc Lagarce, 120 battements par minute.

Parmi les grands événements de cette édition, Outside, sur l’histoire de l’autodidacte chinois Ren Hang, qui s’est suicidé en 2017, une création de Kirill Serebrennikov, artiste qui reste assigné à résidence, en Russie ; et, venant de Pékin, La Maison de Thé de Lao She, poète qui s’est suicidé durant la Révolution culturelle, en 1966, dans une mise en scène de Jinghui Meng.

En partenariat avec l’Odéon, Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlink mise en scène par Julie Duclos et O agora que demora/Le présent qui déborde, de Christiane Jatahy d’après Homère, seront à l’affiche. Côté théâtre Clément Bondu mettra en scène Dévotion, dernière offrande aux dieux morts avec l’École supérieure d’art dramatique de Paris ; Ontroerend Goed, théâtre et performance de Gand, £Y€S/EYES ; Alexandra Badea Points de non-retour/Quai de Seine ; Maëlle Poésy Sous d’autres cieux de Kevin Keiss, d’après Virgile ; Roland Auzet, Nous, l’Europe, Banquet des peuples, avec une quinzaine d’enfants, du Chœur d’Avignon ; François Gremaud révise Phèdre ; Jean-Pierre Vincent L’Orestie, d’Eschyle ; Henri Jules-Julien présente Mahmoud et Nini, un spectacle franco-égyptien ; Macha Makeïeff Lewis versus Alice d’après Lewis Caroll, ainsi qu’une exposition  à la Maison Jean Vilar ; Daniel Jeanneteau monte Le reste, vous le connaissez par le cinéma, de Martin Crimp ; Tommy Milliot La Brèche de Naomi Wallace, pièce d’une grande violence, qui a reçu le prix Impatience ; Rimini Protokol présente Granma, les trombones de La Havane sur le ressenti des gens ordinaires lors de la Révolution Cubaine ; Tamara Al Saadi, auteure franco-irakienne parle de l’étranger à la recherche de légitimité avec Place, spectacle pour lequel elle avait le prix Impatience 2018.

Le théâtre jeune public n’est pas laissé pour compte, Olivier Py y veille. Il met lui-même en scène un spectacle musical, L’Amour vainqueur. Michel Raskine présente Blanche-Neige histoire d’un Prince, de Marie Dilasser ; Yacouba Konaté Le Jeune Yacou, un conte musical réalisé en partenariat avec l’Atelier des Artistes en Exil ; Céline Schaeffer qui a notamment travaillé avec Valère Novarina, La République des abeilles, d’après Maurice Maeterlinck.

Avignon décentralisé se poursuit avec Amitié d’Eduardo de Filippo et Pier Paolo Pasolini mise en scène d’Irène Bonnaud, en itinérance. La danse est représentée par Kukai Dantza avec Oskara, échos du Pays Basque ; par Céliaz Gondol et Nina Santes avec A Leaf travail sur la synesthésie ; par Salia Sanou dans un partenariat Burkina Faso/Montpellier, avec Multiple-s- et la participation de Germaine Akogny, Nancy Huston et Bab-x ; par Wayne McGregor et son Autobiography venant de Londres ; par Faustin Linyek,  danseur et chorégraphe congolais né au Zaïre avec son Histoire(s) du Théâtre II, autre volet de son Indiscipline.

De la musique brésilienne complète ce copieux menu avignonnais avec Milagre dos Peixes de Tigana Santana et La Nuit des Odyssées, spectacle visuel et poétique présenté par la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton à la Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon. Comme chaque année, un tourbillon de propositions complète la programmation comme les Ateliers de la Pensée, les Territoires cinématographiques en partenariat avec Utopia, les écrits, conversations, conférences, émissions etc…

L’art et la culture en 2019 seront en densité, intensité et émotions et sauront mêler gravité et festivité. Tous les publics peuvent y puiser et l’édition est prometteuse. L’étude des publics réalisée pendant chaque festival confirme l’ouverture à tous et l’attention aux spectateurs. 20% de festivaliers se situent sous le seuil du salaire médian et 19% ont moins de trente ans, dit l’étude 2018 et la variation du prix du billet s’adapte aux différentes catégories sociales et classes d’âge, comme 4 spectacles pour 40 euros pour les moins de 26 ans, petit clin d’œil au Cac 40 version Olivier Py qui, comme depuis toujours, s’engage : « Notre impatience d’une société plus juste, d’un rapport au monde plus sain, d’une parole mieux partagée, est le plus haut désir politique. Et pour cela, il faut désarmer les solitudes » déclare le directeur du Festival.

Brigitte Rémer, le 2 avril 2019

Festival d’Avignon, du jeudi 4 au mardi 23 juillet 2019 – Ouverture de la billetterie le 8 juin et par internet le 11 juin 2019 – Tout le programme sur : www.festival-avignon.com

72ème édition du Festival d’Avignon

L’édition 2018 du Festival d’Avignon se tiendra du 6 au 24 juillet, sous l’égide du soleil et du petit vin local, dans la Cité des Papes. Singularités, en est le thème.

Après une énumération à la Pérec de tous les financeurs et partenaires, Olivier Py, directeur du Festival, rend hommage à ses équipes en énonçant un long générique. Il fait un rapide bilan de l’édition passée : 20 % de spectateurs âgés de moins de 30 ans, 16% venant pour la première fois au Festival, un budget de treize millions d’euros et des subventions de sept millions deux cent mille. L’étude sur les retombées économiques du Festival, réalisée par l’Université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, confirme les liens positifs entre les champs culturel et économique. Cent treize mille billets sont à la vente cette année.

47 spectacles dont 8 sujets à vif en partenariat avec la SACD, une répartition équitable entre spectacles étrangers et spectacles français, différentes disciplines – théâtre, musique, danse, expositions – se partagent l’affiche. Trente-cinq d’entre eux sont des créations. Côté théâtre, les classiques sont de retour avec Iphigénie, montée par Chloé Dabert et Tartuffe, par le metteur en scène lituanien Oskaras Korsunovas. Thomas Jolly donnera le coup d’envoi dans la Cour d’Honneur, avec Thyeste, de Sénèque.

Le thème du genre sera mis en exergue avec ses Singularités, car derrière la notion de trans-identité, se profile « une autre façon de penser le monde et la démocratie » dit Olivier Py. « L’artiste est important s’il est singulier, c’est sa marque du réel, son combat » ajoute-t-il. Didier Ruiz, travaillant entre Paris et Barcelone prépare un spectacle intitulé Trans (Més Enllà) ; Phia Ménard présentera Saison sèche ; Mickaël Phelipeau Ben et Luc, une chorégraphie venant du Burkina Faso ; Jan Martens, travaillant à Anvers, Ode to the attempt.

Le Festival porte une attention particulière à la jeunesse, à commencer avec l’affiche du Festival, réalisée cette année par la plasticienne Claire Tabouret. Des enfants nous regardent, empreints d’une certaine gravité : « Dans quel monde allons-nous vivre » semblent-ils questionner ? De nombreuses actions à l’attention des jeunes sont proposées : un volet de théâtre tous publics avec beaucoup d représentations et d’ateliers, un guide du jeune spectateur, un travail de sensibilisation en amont pour préparer la venue des jeunes aux spectacles, un partenariat avec les CEMEA, avec les collèges et lycées d’Avignon – travail qui se développe aussi pendant l’année entre deux festivals avec l’Éducation Nationale, à raison de huit-cents heures d’interventions, ce qui donne plus de sens encore à l’action artistique menée – un passeport Jeunes proposant quatre spectacles pour 10 euros, la participation des maitrises de l’Opéra d’Avignon et de l’Opéra comique.

Le Festival sort aussi de ses remparts et se décentralise dans un rayon de trois kilomètres autour de la ville, seize lieux du Département sont associés. Ainsi le spectacle Ahmed revient – après Ahmed le subtil – d’Alain Badiou, monté par Didier Galas, circulera. Le Centre pénitentiaire Avignon-Le Pontet sort de ses murs pour présenter dans un nouveau lieu, “La Scierie”, Antigone de Sophocle à partir du travail mené dans l’année avec les prisonniers par Olivier Py et Enzo Verdet. Olivier Py présentera dans ce même lieu son spectacle, Pur présent.

La richesse de la programmation, française et étrangère, se fait l’écho d’un réel travail de réflexion. 36, avenue Georges Mandel, spectacle de Raimund Hoghe, venant de Dusseldorf, parle de La Callas, à partir de la dernière adresse où elle a vécu. Des spectacles venant entre autres d’Iran, d’Egypte, de Syrie, du Liban, du Portugal sont présentés et côtoient la création en VF. L’École du Nord, de Lille, dirigée par Christophe Rauck, présentera un « arrangement » du Pays lointain, d’après Jean-Luc Lagarce avec un groupe d’apprentis acteurs ; David Bobbée animera sur un mode ludique le feuilleton théâtral de midi au Jardin Ceccano : Mesdames, Messieurs et le reste du monde.

De nombreuses propositions partenaires sont à l’affiche du Festival dont Les Ateliers de la pensée en collaboration avec l’Université sur son site Pasteur, France Culture et Arte ; des débats sur les neurosciences, en partenariat avec le Conseil Régional Provence Alpes Côte-d’Azur ; les Rencontres Recherche et Création en Avignon avec l’Agence Nationale de la recherche ; les Nouvelles écritures dramatiques européennes avec la participation de plusieurs écoles de théâtre dont celle du Théâtre national de Strasbourg et la Maison Antoine Vitez-Centre international de la Création théâtrale autour des auteurs haïtien Guy Régis Junior et congolais Tchicaya U’Tamsi ; les Territoires cinématographiques en partenariat avec les cinémas Utopia ; Le cloitre Saint-Louis reste le lieu emblématique du Festival pour les professionnels du domaine artistique et culturel.

Au-delà de la réalisation de l’affiche, Claire Tabouret présentera ses Peintures à l’Église des Célestins et à la Collection Lambert. Une exposition sur Jeanne Moreau, une vie de théâtre sera proposée et Une histoire du Festival d’Avignon en 72 affiches, pour cette 72ème édition. Le Festival d’Avignon 2018 s’annonce ouvert et passionnant, il promet de belles émotions. « Nous avons l’espoir d’un changement de genre politique qui n’assigne plus notre devenir à la nécessité économique et aux dieux obscurs de la finance » écrit Olivier Py dans son introduction à la présentation de programmation, « nous apprenons à désirer autre chose pour que les générations à venir conservent l’ivresse du possible. »

Brigitte Rémer, le 5 avril 2018

Conférence de presse du 72ème Festival d’Avignon, le 28 mars à La FabricA d’Avignon, le 29 mars à Chaillot-Théâtre national de la Danse. Le programme complet sera disponible début mai sur le site : www. festival-avignon.com – la billetterie ouvrira le 11 juin 2018 sur ce même site.

 

Festival d’Avignon, édition 2016

Affiche créée par Adel Abdessemed

Affiche créée par Adel Abdessemed

Au cours des conférences de presse qui se sont tenues à Avignon et à Paris, Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon, a dévoilé le programme de la 70ème édition qui se tiendra du 6 au 24 juillet 2016.

Par sa programmation, il pose un geste politique et dans son édito fait référence à la fonction historique du Festival, qu’il fait sienne aujourd’hui: « Quand Jean Vilar a imaginé un pacte entre les artistes et la république, il savait ouvrir un asile aux volontés utopiques, aux rassemblements de diversités et à l’amour des possibles. Nous insistons, avec l’engagement de l’artiste, dans la conscience du poète. Nous désirons hautement que le triste spectacle du monde et de notre impuissance trouve une contradiction sur la scène faite d’émerveillement et de courage. »

Le Festival affirme ses priorités à travers cinquante et un spectacles – dont la moitié créés en France – présentés dans quarante-cinq lieux d’Avignon comprenant la ré-ouverture de la Carrière de Boulbon et de Châteaublanc ; trente-six créations dont les deux tiers réalisées en coproduction et quarante textes d’auteurs vivants ; vingt-six spectacles de théâtre, sept chorégraphiques, quatre musicaux et quatorze s’inscrivant dans l’indiscipline comme le dit Olivier Py, c’est-à-dire l’interdisciplinarité.

Dans la Cour d’Honneur, le spectacle Les Damnés d’après le scénario de Luchino Visconti, marque le coup d’envoi du Festival et le retour de la troupe de la Comédie Française après de nombreuses années d’absence. Ivo Van Hove en donne sa lecture, non pas tant sous l’angle historique du national socialisme et de la corruption qu’au regard de ce que cela nous renvoie aujourd’hui. Place des héros, (Heldenplatz) de Thomas Bernhard, lieu du discours d’Hitler sous les acclamations des Autrichiens au moment de l’annexion de leur pays par l’Allemagne, en 1938, est mis en scène par le polonais Krystian Lupa et présenté par le Théâtre national de Vilnius, en lituanien. Familier de l’univers de Thomas Bernhard, Lupa a monté plusieurs de ses textes dans une écriture scénique forte et personnelle. Le réalisateur de cinéma et metteur en scène russe, Kirill Serebrennikov présente Les Âmes mortes d’après Nicolaï Gogol faisant la part belle à la musique ; FC Bergman d’Anvers qui travaille sur l’interdisciplinarité et mêle le cultuel et le culturel, présente Het Land Nod ; le Blitztheatregroup d’Athènes propose le thème de l’effondrement de l’humanité à partir d’un prologue de Friedrich Hölderlin et présente 6 am how to disappear completely ; Raoul Collectif, de Bruxelles découvert lors du Festival Impatience qu’avait créé Olivier Py quand il dirigeait l’Odéon-Théâtre de l’Europe – et qui, pour encourager la jeune création, remet cette année un prix du même nom – donne à voir Rumeur et petits jours, dernière émission d’une radio, le temps d’une utopie ; Marco Layera qui avait présenté en France il y a deux ans une pièce satirique sur la dictature au Chili affûte son regard, sociologique et amusé, sur le phénomène des bobos, avec un spectacle intitulé La dictature de la cool.

Un focus sur le Moyen-Orient se trouve au cœur de la programmation, avec plusieurs spectacles et metteurs en scène invités : Ali Chahrour, chorégraphe de Beyrouth, travaille sur les figures féminines et présente Fatmeh et Leïla se meurt ; Omar Abusaada de Damas propose Alors que j’attendais, parabole sur cet entre-deux de la vie et de la mort, avec un texte de Mohammad al Attar ; Amir Reza Koohestani de Téhéran, parle de mensonge et de dénonciation à partir de l’interrogatoire de deux jeunes filles, avec Hearing, ; Amos Gitaï présente dans la Cour d’Honneur au cours d’une unique soirée, une version théâtrale du film qu’il avait tourné sur Yitzhak Rabin : chronique d’un assassinat, remontant l’enquête et marquant la fin de l’espoir pour la paix ; une exposition de photographies est présentée en écho à la Fondation Lambert. Des cycles de films en partenariat avec les cinémas Utopia ainsi que des lectures complètent ce regard sur le Moyen-Orient.

Les femmes sont à l’honneur en cette édition, Olivier Py a veillé à mettre de la parité dans sa programmation : Maëlle Poésy, évoque l’impuissance politique et la thématique de la démocratie, mettant en scène Ceux qui errent ne se trompent pas, de Kevin Keiss ; Madeleine Louarn présente Ludwig, un roi sur la lune, de Frédéric Vossier – sur Louis II de Bavière, légendaire roi fou à la recherche d’un monde sublimé – avec des comédiens handicapés et médite sur la notion de normalité, la composition musicale est signée de Rodolphe Burger ; Bérangère Vantusso et sa quinzaine de marionnettes présentent L’Institut Benjamenta d’après Robert Walser, avec un anti-héros apprenti-domestique qui étudie au cours de sa formation, la notion de subordination. A l’affiche aussi, des metteuses en scène venant d’ailleurs : d’Espagne, Angelica Lidell avec ¿ Qué haré yo con esta espada ? sur la recherche d’amour absolu ; de Suède, Sofia Jupither avec Tigern sur le thème de la peur de l’autre et avec 20 november à partir d’un texte de Lars Noren, sous un angle plus visionnaire ; d’Autriche, Cornelia Rainer, avec Lenz, traite de la folie et de la mort de Lenz d’après des textes de Lenz, Büchner et Oberlin ; de Belgique, Anne-Cécile Vandalem qui, à travers l’évocation d’une île, présente un spectacle nommé Tristesses.

De nombreux metteurs en scène montreront le fruit de leur travail actuel : Julien Gosselin avec 2666 présente une version scénique de l’immense roman de Roberto Bolaño – d’origine chilienne, décédé en 2003 à Barcelone – et pose la question de l’Europe, de la répétition des horreurs et des destructions collectives ; EspÆce d’Aurélien Bory, à partir d’Espèces d’espaces de Georges Perec, se balade entre cirque, danse, littérature et théâtre, évoquant le problème de l’espace, comme un doute : « Vivre, c’est passer d’un espace à un autre, en essayant le plus possible de ne pas se cogner » dit Pérec ; Karamazov de Dostoïevski, monté par Jean Bellorini à la Carrière de Boulbon, puise dans les derniers chapitres du roman et met en scène les funérailles d’Ilioucha ; Thomas Jolly présente Le Radeau de la Méduse de Georges Kaiser, sur le thème de la violence, avec les élèves de l’école du TNS ; Nicolas Truong avec Interview parle de l’objet zéro du théâtre ; Pascal Quignard en scène et au piano avec Marie Vialle, présente une « performance de ténèbres » avec La Rive dans le noir, inédit qui a pour source la mort de Carlota Ikeda avec qui il avait présenté le butô en tournées, pendant plusieurs années.

D’autres spécificités encore impriment une belle dynamique à l’édition 70 du Festival : un spectacle itinérant d’Olivier Py, Prométhée enchaîné. Eschyle, pièces de guerre sans décor ni costume, qui tournera dans les villages alentours, seul spectacle que présente le directeur-metteur en scène cette année. Un feuilleton théâtral, Le ciel, la nuit et la pierre glorieuse – chroniques du Festival d’Avignon de 1947 à 2086 – réalisé à partir des archives, lu tous les jours à midi par la Piccola Familia. Un programme jeunesse, complémentaire au partenariat qui s’élabore toute l’année entre le Festival et l’Education Nationale, pour convaincre et donner l’envie aux jeunes de devenir le public de demain, et se former pour : Arnaud Meunier présente Truckstop pour les 10/13 ans un roman de l’impuissance face à la misère, Clara Le Picard avec De l’imagination travaille sur le thème de la peur ; Eric Thieû Niang présente à la Chartreuse Au cœur, fruit du travail mené avec des adolescents, sur le thème de la chute.

En danse, Marie Chouinard, de Montréal, présente Soft virtuosity et travaille sur l’origine de la danse ; Lisbeth Gruwez, d’Anvers – interprète de Jan Fabre – lie l’angoisse et la respiration à travers sa chorégraphie We are pretty ; Sidi Larbi Cherkaoui et Damien Jalet, d’Anvers et de Bruxelles présentent Babel 7.16 avec une trentaine de danseurs qui au fil des ans ont tous dansé avec Cherkaoui ; Caen amour de Trajal Harrell, de New-York, est une danse érotique mi défilé de mode mi chorégraphie. Côté musique : Serge Teyssot-Gay, avec Kit de survie, Marc Nammour avec 99, DJ Pone et le Festival Résonance et Prima Donna avec l’Orchestre régional Avignon-Provence sont à l’affiche. Deux expositions sont également présentées dans le cadre du Festival : D’une chute d’Ange de Johny Lebigot, à l’Amirande et Surfaces, à l’Eglise des Célestins, œuvres inédites d’Adel Abdessemed, artiste plasticien franco-algérien qui signe aussi l’affiche du Festival. Une foison de propositions tout au long du Festival complète cette belle programmation, avec entre autre, les Sujets à vif et XS en partenariat avec les SACD de France et de Belgique, les Ateliers de la Pensée avec l’Université d’Avignon, avec des lectures, des projections et des débats.

La liste des partenaires est longue, tant publics que privés, qui participent de la réalisation du Festival et oeuvrent à sa réussite. Au cœur de l’actualité et par les différentes facettes de son programme, le Festival d’Avignon sous la houlette d’Olivier Py marque sa place dans une cité en perte de repères. Il participe, avec les forces artistiques rassemblées, à la lutte contre les totalitarismes et la montée des nationalismes. Son geste politique nous est précieux.

Brigitte Rémer, le 9 avril 2016

Du 6 au 24 juillet 2016 – 70ème édition du Festival d’Avignon. Programme complet à partir de la mi-mai – Ouverture de la billetterie le 13 juin – Site : festival-avignon.com