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L’Amante anglaise

Texte de Marguerite Duras, mis en scène par Jacques Osinski – avec Sandrine Bonnaire, Frédéric Leidgens, Grégoire Oesterman – Compagnie L’Aurore Boréale, au Théâtre de l’Atelier.

© Pierre Grosbois

À la douceur du jardin dans lequel Claire Lannes regarde pousser la menthe anglaise, fait face une violence intérieure, celle du meurtre reconnu de sa cousine, vivant à demeure, tronçonnée, et dont la tête n’a pas été retrouvée.

La pièce de Marguerite Duras, qu’elle avait elle-même adaptée à partir de son roman homonyme écrit en 1967, double geste littéraire par rapport à un acte criminel, puise dans un fait réel datant de 1949 : le meurtre d’un mari tyrannique et le dépeçage de son cadavre par Amélie Rabilloud, qui en avait jeté les morceaux du dessus d’un viaduc dans différents trains.

© Pierre Grosbois

Marguerite Duras avait repris ce macabre événement une première fois dans sa pièce, Les Viaducs de la Seine-et-Oise, puis dans l’Amante anglaise, (avec un drôle de jeu de mot). Elle place l’intrigue dans une ville inventée, Viorne et installe un dialogue entre un Interrogateur anonyme dont on ne connaitra pas la fonction, et chaque personne d’un couple, Pierre et Claire Lannes, liée au crime perpétré puis au dépeçage et à la dispersion du corps. La disparue est la cousine de Claire Lannes, Marie-Thérèse Bousquet, jeune femme sourde-muette qui était chez eux à demeure et s’occupait du ménage, qui avait pu avoir une relation avec un homme de Cahors, mais qui n’était pas en mauvais terme avec eux.

Dans la mise en scène de Jacques Osinski, on assiste à l’interrogatoire d’abord de Pierre Lannes (Grégoire Oesterman), assis à l’avant-scène au centre du plateau, rideau de fer fermé. Face à lui, dissimulé au premier rang, dos au public, on ne le repère pas tout de suite, l’Interrogateur, (Frédéric Leidgens) sorte de médiateur entre l’homme et la femme, entre elle et le passage à l’acte. Plus tard, il montera sur scène, faisant peser ses questions sur leurs épaules. Noué, Pierre Lannes semble répondre en toute honnêteté aux questions relatives à son épouse, Claire, avec qui il vit depuis vingt-quatre ans et dont il avait été amoureux, épouse qui lui est devenue étrangère, inexpliquée, envahie d’une sorte de « folie tranquille » et répond aussi aux questions techniques notamment de leur mariage sous le régime de la « séparation de biens. » Sur Marie-Thérèse la disparue, cousine de sa femme, peu de choses, si ce n’est qu’il avait rêvé l’avoir étranglée. Il ne prête aucun mobile à sa femme qui puisse justifier d’un tel acte, ce que Claire Lannes confirmera elle-même ensuite.

© Pierre Grosbois

Claire (Sandrine Bonnaire, bouleversante, dans son retour au théâtre) est installée sur cette même chaise, rideau de fer levé, grand plateau désespérément vide derrière elle, une sorte d’absence magnétique, tant devant la justification de l’acte que dans le vide sidéral de sa vie, seulement peuplée de cette menthe anglaise qu’elle regarde pousser. Comme le confirmait Pierre, « elle ne s’est jamais accommodée de la vie » et leur relation s’était vidée de sa substance. En position d’accusée elle parle de l’enfance, de sa mère « femme de service à la communale » des marches de nuit qu’elle a toujours affectionnées, de la présence de Marie-Thérèse car « elle aidait et ça ne coûtait rien » ajoutant que la propreté tenait beaucoup de place à la maison, d’Alfonso de Cahors, l’obscur ami de sa cousine qui lui aurait menti un jour.

Face au crime, l’Interrogateur taraude de questions : « c’était Marie-Thérèse ou moi » dit-elle. « Pourquoi vous ? » reprend-il, et insistant : « Pourquoi n’êtes-vous pas partie ? » Beaucoup de questions restent sans réponse et Claire-Sandrine Bonnaire ressemble à une petite musique de nuit. « J’aime cette tristesse » avoue-t-elle face à cette fin d’un monde qui s’effeuille devant elle. « J’aurais aimé être intelligente… Je me sens folle, quelquefois… » ajoute-t-elle avant que la lumière ne baisse et que les personnages ne s’enfoncent dans leur nuit. Ne reste que le vertige et les hallucinations de l’âme.

© Pierre Grosbois

Il faut beaucoup d’habileté pour accompagner les acteurs, assis et comme pétrifiés face au public, sans autre planche de salut que les mots et l’expression du visage, vulnérables dans leur intériorité partagée. Jacques Osinski est de ces accompagnateurs virtuoses. Il fonde sa première compagnie à l’âge de vingt-trois ans, se passionne pour la littérature nordique, met en scène les grands auteurs comme Georg Büchner, August Strindberg, Odön von Horváth, Anton Tchekhov, Stig Dagerman, Shakespeare et Molière, dirige le Centre dramatique national des Alpes à Grenoble, de 2008 à 2013. Il est un homme des fidélités théâtrales et mène des opérations chirurgicales de haut niveau sur ses personnages : l’auteur Samuel Beckett en est une, l’acteur Denis Lavant en est une autre et il croise les deux. Il avait rencontré l’acteur dès 1995 autour de La Faim, de Knut Hamsun et l’a mis en scène dans plusieurs textes de Beckett qui font date, dont en 2017 Cap au pire, en 2019 La Dernière Bande, en 2022 L’Image, en 2023 Fin de partie qui s’est vu attribuer le prix Laurent Terzieff du Syndicat de la critique.

Le discours porté tant par Pierre Lannes que par Claire, son épouse, répondant à l’Interrogateur-sublime grand Inquisiteur, les rend envoûtants et nous envoûte. Et ils répondent aux questions lancinantes avec une grande justesse : Pierre Lannes, sans animosité et dans une certaine tendresse, Claire, femme brisée, dans le trouble de son identité et de son intégrité : a-t-elle vraiment tué, ou est-ce pour elle une façon d’en finir ? De grandes actrices ont porté le rôle, dont Madeleine Barrault et Suzanne Flon. À son tour, Sandrine Bonnaire se glisse dans le rôle de l’accusée avec une certaine lumière et gravité.

De cette Amante anglaise mise en scène par Jacques Osinski émerge un certain nombre de mots-clés, dont : énigmatique, simplicité, incandescence, profondeur. Les émotions des personnages, leur intériorité, et cette intensité à outrance, mènent le spectateur vers une certaine fascination, à la lisière de la vérité et du mensonge où se perdent ses références.

Brigitte Rémer, le 7 novembre 2024

Mise en scène Jacques Osinski – Avec Sandrine Bonnaire, Frédéric Leidgens, Grégoire Oesterman. Lumières Catherine Verheyde – costumes Hélène Kritikos – dramaturgie Marie Potonet. Le spectacle a été créé le 19 octobre 2024 au Théâtre de l’Atelier. Le texte est publié aux Éditions Gallimard.

Du 19 octobre au 31 décembre 2024 inclus, au Théâtre de l’Atelier, du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 15h, 1 place Charles Dullin. 75018. Paris. Métro : Anvers, Pigalle ou Abbesses. Tél. : 01 46 06 49 24 – site : theatre-atelier.com – email : billetterie@theatre-atelier.comEn tournée : du 9 au 11 janvier 2025, Théâtre Montansier de Versaillesle 14 janvier 2025, Théâtre Auditorium de Poitiersles 16 et 17 janvier 2025, Châteauvallon-Liberté, Scène nationale de Toulon le 8 février 2025, Les Franciscaines, Deauville.

La Douleur

© Ros Ribas

Texte Marguerite Duras, mise en scène Patrice Chéreau et Thierry Thieû-Niang – avec Dominique Blanc, sociétaire de la Comédie-Française – Athénée/Théâtre Louis Jouvet.

C’est un texte écrit entre 1946 et 1948, dans le deuxième Cahier de la guerre rédigé par Marguerite Duras et qui ne sera publié qu’en 1985 – l’ensemble de ses Cahiers couvrent les années 1943 à 1949 -. « J’ai retrouvé ce Journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château. Je n’ai aucun souvenir de l’avoir écrit… » dira-t-elle plus tard.

Robert Antelme son époux, écrivain et résistant, dans le texte Robert L, a été arrêté puis déporté à Dachau en 1944. L’année précédente ils avaient emménagé au 5 rue Saint-Benoît, à Saint-Germain des Prés, leur appartement était alors le quartier général d’intellectuels comme Edgar Morin, Claude Roy, Maurice Nadeau, Dyonis Mascolo, très ami avec Robert Antelme – que Marguerite Duras épousera en 1947 et dont elle aura un enfant. Elle, en l’absence de Robert L, consigne ses émotions, son interminable attente, sa douleur au moment de sa disparition et par petites touches esquisse le chaos de l’époque. À la Libération, les camps se libèrent, petit à petit. Robert Antelme en sort, il est dans un état critique.

L’Athénée remet à l’affiche La Douleur dont Patrice Chéreau, disparu en 2013, avait signé la mise en scène cinq ans auparavant, avec Thierry Thieû-Niang. C’est sous le regard de ce dernier que la vertigineuse Dominique Blanc, qui avait obtenu le Molière de la meilleure comédienne, en 2010 pour ce texte, le reprend. Sociétaire de la Comédie-Française depuis 2016, l’actrice avait auparavant travaillé avec de nombreux grands metteurs en scène entre autres Luc Bondy, Jean-Pierre Vincent, Antoine Vitez, Deborah Warner. C’est en 1981 qu’elle avait rencontré Patrice Chéreau et joué pour la première fois sous sa direction dans Peer Gynt d’Ibsen, avant de tourner dans deux de ses films, La Reine Margot et Ceux qui m’aiment prendront le train. « Je suis née au théâtre en 1981 avec Peer Gynt au TNP de Villeurbanne » dit-elle « huit heures de théâtre et la folie des mots d’Ibsen : être soi ! » En 2003 la Phèdre qu’elle interprète dans la mise en scène de Chéreau fait date.

Dans son préambule à La Douleur, Marguerite Duras écrit : « La douleur est une des choses les plus importantes de ma vie… » Dominique Blanc nous la fait percevoir avec beaucoup de finesse. Robert L, est absent, l’auteure tourne dans la maison. Elle aime la vie et la vie se suspend. « Face à la cheminée, le téléphone, il est à côté de moi. À droite, la porte du salon et le couloir. Au fond du couloir, la porte d’entrée. Il pourrait revenir directement. Il sommerait à la porte d’entrée… » L’actrice est assise à la table, son sac sur les genoux, le téléphone tout près d’elle. De l’autre côté, une rangée de chaises. Tout est simple, dépouillé, évident et douloureux, son cœur mis à nu.

Le retour est terrible. « Dans mon souvenir, à un moment donné, les bruits s’éteignent et je le vois. Immense. Devant moi. Je ne le reconnais pas. Il me regarde. Il sourit. Il se laisse regarder. » Le corps doit se remettre en marche. Se réalimenter. Éliminer. « La lutte a commencé très vite avec la mort. » Quelques-unes des pages portées par Dominique Blanc à la fin du spectacle sont rudes, toute la crasse des camps et la noirceur de la situation semblant ressortir par tous les orifices, jusqu’au jour où il put dire enfin : « J’ai faim. » Dominique Blanc restitue un texte en sa plus simple expression, dans toutes les nuances de l’attente, de l’angoisse, de la douleur, de l’espoir et lui donne une grande force. Un magnifique travail !

Brigitte Rémer, le 4 décembre 2022

Sous l’œil de Thierry Thieû-Niang – création et régie lumière Gilles Bottachi – régie générale Paul Besnard – production : Les Visiteurs du Soir – Le texte de Marguerite Duras, La Douleur, est publié chez P.O.L.

Du 23 novembre au 11 décembre 2022 à 20h, dimanche à 16h – Athénée/Théâtre Louis Jouvet, 2/4 square de l’Opéra. 75009. Paris – métro : Opéra, Havre Caumartin – tél. : 01 53 05 19 19 – Site : athenee-theatre.com. En tournée 2022/23 : du 13 au 18 décembre, Théâtre des Bernardines, Marseille – mardi 23 mai 2023 Maison des Arts, Thonon-les-Bains – jeudi 25 mai, Le Mail, Soissons – 30/31 mai La Coursive, La Rochelle – 2/3 juin, Théâtre National de Nice – 6 au 8 juin MC2, Grenoble – mardi 13 juin, Anjou Festival, Angers – vendredi 16 juin, Perugia (IT), Teatro del Umbria, Perugia Festival.

Les Imprudents

© Marie Clauzade

D’après les dits et écrits de Marguerire Duras – conception et mise en scène Isabelle Lafon, compagnie Les Merveilleuses – au Théâtre de la Colline.

Ils sont trois et entrent sur le plateau très naturellement, comme on marche dans la rue. Deux s’installent à la grande table où se trouvent textes et verres d’eau comme pour une répétition et se mettent à parler entre eux de Marguerite Duras comme on en parlerait au café, entre amis. La troisième, Isabelle Lafon, qui signe le spectacle, devise avec le public avant de les rejoindre. La voix de Duras, si particulière, nous est donnée en ouverture : « Il faut être plus fort que ce qu’on écrit… C’est écrire qui est exceptionnel. » Femme scandaleuse ? Littérature scandaleuse revendiquée, indécence ? « Ce qu’on cache, je le fais comme au grand jour. » Indiscrétion, engagement politique…  « Je veux déplaire » déclare-t-elle.

Les acteurs ont travaillé sur les textes de Duras collectés dans les archives, notamment audiovisuelles. Ils en ont tiré des séquences d’interviews qu’elle avait réalisées dans les différents coins du territoire français pour une émission de télévision, dans les années 65. À la lisière du récit ils se métamorphosent en personnages, dessinant les contours du portrait :

Dans les corons du Pas-de-Calais, à Harnes, on entend le témoignage d’un mineur de fond, André Fontaine, devenu extracteur dans une mine à 120 fosses. Il était chargé de la bibliothèque de la fosse 4 et se raconte, répondant aux questions de l’intervieweuse Duras, venue non pas pour leur parler mais pour les écouter dit-il encore avec admiration. Et elle leur avait lu des poèmes de Michaux et le célèbre Discours sur le colonialisme de Césaire. C’est là que « quelque chose a commencé pour nous » avait-il ajouté, ému qu’elle ait pris du temps avec eux, les mineurs.

On entend, par les acteurs, l’enquête que mène Marguerite Duras sur les lectures et centres d’intérêt des élèves du Lycée Jules Ferry de Versailles ; on l’entend parler avec des prisonniers ; on l’entend questionner la streap-teaseuse Lola Pigalle, sur ce que viennent chercher les clients : l’illusion, sans doute, répond-elle. De loin en loin sa voix se mêle à celle des acteurs. Ses questions, elle les pose haut et fort. « Écris dans ton coin… Quelle année, quel mois, quelle heure, comment tu t’appelles ? » Quelques textes émanent du groupe de la rue Saint-Benoît, là où elle vivait avec Robert Antelme et où ils recevaient nombre d’intellectuels et amis comme Dyonis Mascolo, Edgar Morin, Maurice Nadaud, Claude Roy et d’autres. Ils étaient alors communistes et voulaient changer le monde, ils croyaient en un idéal et en cette utopie : « nous étions scandalisés par le monde… » disait Duras. Sa rencontre avec Pierre Dumayet, pionnier des premiers programmes télévisés, animateur notamment de Lecture pour tous du temps de l’ORTF, au moment où elle venait de publier Le ravissement de Lol V. Stein en 1964, l’a marquée. Elle avait demandé à revoir l’interview vingt-cinq ans plus tard et y avait trouvé beaucoup de sincérité de la part du journaliste.

Le spectacle est un canevas de situations et de questions qui vont et viennent et qui traversent le temps. Il y a ce que dit Duras et ce qu’elle ne dira pas, peut-être par pudeur. Pour elle, la puissance de l’écriture c’est de faire revenir quelqu’un, de faire revenir un mort. On « rappelle » quelqu’un.

Aujourd’hui, on rappelle Duras, par ce spectacle qui semble démarrer de rien et qui prend toute sa puissance au fil du travail d’archéologie mené par Isabelle Lafon et ses coéquipiers, Johanna Korthals Altes et Pierre-Félix Gravière. Les trois acteurs sont très justes dans la liberté et la simplicité restituées. Au fil des portraits Isabelle Lafon s’approche de Duras. On est dans sa chambre, elle soulève le bras du tourne-disque et une chanson de l’époque se fait entendre, Capri c’est fini, d’Hervé Vilar, le couple danse. On entend le nom d’Anne-Marie Stretter, sorte d’archétype de la femme dans la littérature de Duras. On entend la nuit, la peur du silence, de la solitude et de la folie. « Je n’aime pas la nuit, la nuit, je lis ». Côté cour, un piano, comme chez Duras, sur lequel Johanna Korthals Altes joue quelques notes.

Née Donnadieu, près de Saïgon, Marguerite Duras (1914/1996) se fixe à Neauphle-le-Château où elle acquiert une grande maison, son lieu de vie privilégié à partir de 1958. Elle y tournera notamment Nathalie Granger avec Jeanne Moreau et Gérard Depardieu. C’est là que se termine le voyage théâtral. Isabelle et son chien Margo, star du spectacle, qui, à la fin, traverse le plateau, lui rendent visite. Margo et son double. A la fin, Isabelle Lafon raconte. Elle est Duras, dans sa voix et ses attitudes. Réminiscences d’enfance avec le camion du cinéma qui passait devant chez elle ; un brin d’amertume sur la dernière partie de sa vie : « Maintenant je passe dans la rue et on ne me voit pas. Je suis la banalité. » Le doute contient la solitude, l’alcool, l’écriture, « L’écriture, une sauvagerie d’avant la vie » dit-elle… Détruire, dit-elle, du nom de son roman et du film qu’elle avait tourné en 1969… A Neauphle, elle était moins seule, mais se disait plus abandonnée… « Je représente ce que toute une partie de vous refuse : l’incohérence, l’indiscrétion, l’orgueil, la vanité, l’engagement politique naïf, la violence désordonnée, le refus catégorique, le manque de managements, la méchanceté. Je pourrais ne pas m’arrêter. Avec tout ce bordel que je trimballe, je fais des livres » écrivait-elle à Alain Resnais en janvier 1969, dix ans après avoir écrit le scénario du célèbre film qu’il réalisera, Hiroshima mon amour.

Isabelle Lafon-Duras ne force pas le trait, elle fait apparaître Marguerite en creux à travers les différents récits portés par les acteurs, avec beaucoup de pertinence, de sensibilité et d’audace. C’est le quatrième portrait de femme qu’elle réalise : en 2016, à travers un spectacle intitulé Deux ampoules sur cinq, elle faisait le portrait d’Anna Akhmatova, poétesse admirée depuis la publication de son premier recueil, Soir, en 1912, portrait en dialogue avec celui de son amie, l’écrivaine Lyda Tchoukovskaïa. En 2017 elle présentait L’Opoponax, de l’auteure et militante féministe, Monique Wittig. En 2018 elle s’attaquait au Journal de Virginia Woolf, à travers son spectacle Let me try. Le spectacle Les Imprudents devient le quatrième lieu porteur de mémoire d’’une grande dame de la littérature, ici, Marguerite Duras, spectacle présenté par la compagnie, Les Merveilleuses, qui sait aussi diversifier sa palette et prendre d’autres directions.

Brigitte Rémer, le 12 janvier 2022

Avec Pierre-Félix Gravière, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon – lumières Laurent Schneegans – assistanat à la mise en scène Jézabel d’Alexis – administration Daniel Schémann

Du 6 au 23 janvier 2022, Théâtre nationale de la Colline, le mardi à 19h, du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h, 15 rue Malte-Brun. 75020. Métro : Gambetta – Site : www. colline.fr