D’après Intérieur de Maurice Maerterlinck – texte et mise en scène Charles Chemin – Teatro della Pergola/Florence (Italie) – dans le cadre des Chantiers d’Europe du Théâtre de la Ville / Espace Cardin – spectacle en italien, anglais et français surtitré.
Douze jeunes acteurs issus de l’école Orazio Costa du Teatro della Pergola à Florence devaient préparer leur spectacle de sortie d’école avant de se lancer dans la vie professionnelle. Mais le Covid s’est invité, suspendant leur projet. Avec leur professeur, Charles Chemin, ils se sont inventés d’autres méthodes de travail par écrans interposés – écrits, images et vidéos. Ainsi est né le spectacle Interno / Esterno, entre théâtre, danse et arts visuels où, au-delà de l’adaptation du texte de Maeterlinck et l’enserrant, se joue une part d’improvisation-audition à travers un long prologue et un épilogue.
C’est en 1894 que l’auteur belge d’expression française, Maurice Maeterlink écrit cette courte pièce, d’abord conçue pour marionnettes. Une atmosphère lourde qu’on connaît par ses autres drames comme Pelléas et Mélisande, Les Aveugles, L’Oiseau bleu, La Mort de Tintagiles, somptueusement montés par Claude Régy et laissant une impression de songe. Dans Intérieur un vieil homme vient de sortir de l’eau une jeune femme morte, noyée. Il se tient dans l’ombre du jardin de la maison où il lui revient d’annoncer la terrible nouvelle à la famille, mais bute et n’ose entrer. Il reste un long temps comme sidéré, à observer les mouvements de la maison éclairée : le père assis au coin du feu, la mère un jeune enfant endormi dans les bras, les deux soeurs vêtues de blanc brodant sous la lampe.
Ici le texte se répartit entre les jeunes acteurs dont les hésitations et points de vue s’expriment entre le fait de devoir annoncer cette mort, telle celle d’Ophélie et la nécessité d’attendre afin de reculer le moment où la famille va entrer dans le chagrin et peut-être se désintégrer. On est entre la vie et la mort, la nuit et la lumière, le rêve et le cauchemar. L’étrangeté et la distance sont marquées par le contraste entre la pénombre du jardin et des séquences aux couleurs irréelles, violet, bleu, rose contrastant avec le sombre de la nouvelle à annoncer.
Depuis 2008 Charles Chemin construit ses spectacles en dialogue avec des plasticiens et des compositeurs. Son travail passe par une rencontre fondamentale avec Robert Wilson avec qui il a été interprète et co-metteur en scène. Ici chaque jeune comédien trace le chemin d’un personnage qu’il s’invente, le geste est chorégraphié et choral, esquissé ou tracé à gros traits dans l’autodérision et le loufoque de l’introduction et de la conclusion d’un spectacle où, au-delà de Maeterlinck, s’écrit le paradoxe du théâtre.
Au moment de se jeter dans la vie professionnelle, après un temps de suspension dû à la pandémie, on comprend les peurs et les rêves, la solitude, les fragilités et les doutes, le sentiment de la mort et l’appétit de créer.
Brigitte Rémer, le 23 mai 2022
Co-écrit et interprété par Maria Casamonti, Pietro Lancello, Annalisa Limardi, Giacomo Lorenzoni, Alberto Macherelli Bianchini, Costanza Maestripieri, Sofia Menci, Elena Meoni, Giovanna Chiara Pasini, Marco Santi, Federico Serafini, Emanuele Taddei – Commaboration artistique Marcello Lumaca – environnement sonore Dario Felli – collaboration aux lumières Samuele Batistoni – costumes Elena Bianchini – habilleuse Eleonora Sgherri – répétiteur vocal Marco Toloni.
18 et 19 mai 2022, Théâtre de la Ville / Espace Cardin – 1 avenue Gabriel, 75008. Paris – site : www.theatredelaville-paris.com – tél. : 01 42 74 22 77.
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