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La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro

Pièce de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais – adaptation et mise en scène Léna Bréban – avec Philippe Torreton dans le rôle de Figaro – à La Scala – Paris.

© Ambre Reynaud

C’est vraiment une Folle journée, dans ses rebondissements et pétillances, ses amours et désamours, ses espiègleries et faux-semblants, ses révélations, à laquelle nous convie Léna Bréban à La Scala-Paris, autour de Philippe Torreton, Figaro-ci Figaro-là.

Se dessine autour de lui le cynique jeu des castes sur fond d’abus et quiproquos, de rapports de pouvoir et de domination, de droit de cuissage. Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, le Beaumarchais au départ horloger, puis anobli par le roi en 1761, incarcéré à certains moments, fondateur en 1777 de la Société des auteurs dramatiques s’en donnait à cœur joie pour montrer la désagrégation de la société, fin XVIIIème, juste avant la Révolution. Sous ses dehors légers mais parfois cruels, les textes de Beaumarchais évoquent la lutte des classes, la domination des plus riches, la corruption et l’hypocrisie.

@ Louie Salto

La Folle Journée ou Le Mariage de Figaro – qui met en scène les aspirations de la bourgeoisie montante, fut créée en 1784 à la Comédie-Française malgré l’opposition du roi, et remporta un vif succès. C’est la seconde pièce de La Trilogie de Figaro, la première étant Le Barbier de Séville, ou la Précaution inutile (1775) et la troisième L’Autre Tartuffe, ou la Mère coupable (1792).

Valet né de parents inconnus, Figaro (Philippe Torreton) est sur le point d’épouser Suzanne, dite Suzon (Marie Vialle), camériste de la comtesse (Grétel Delattre) mais son époux, Comte d’Almaviva (Grégoire Ostermann) qui pourtant la délaisse en a décidé autrement et traque la jeune femme, pensant n’en faire qu’une bouchée. Il fomente un plan d’enfer pour que Figaro épouse Marceline (inénarrable Annie Mercier !) qui a une dette d’argent envers elle et s’est à moitié engagé, elle qui le convoite tant tout en s’affichant avec Bartholo, médecin de Séville (Jean-Jacques moreau) ; que Chérubin, (Antoine Prud’homme de la Boussinière) un grand dadais un peu benêt qui tourne autour des femmes dont la Comtesse, dégage – il l’envoie aux armées – que Basile, maître de clavecin de la Comtesse (Éric Bougnon, Pascal Vannson, en alternance) qui espère Marcelline cesse de prendre ses désirs pour des réalités ; que Fanchette (Salomé Dienis Meulien) arrête de souffler sur les braises ; qu’Antonio, jardinier du château (Jean-Yves Roan), oncle de Suzanne et père de Fanchette lui fiche la paix et que Don Gusman Brid’oison, lieutenant de Justice de la ville et juge au tribunal puisse faire son travail (Éric Bougnon, Pascal Vannson, en alternance).

© Ambre Reynaud

La scénographie transpose ce monde en décomposition avec une grande toile de Jouy à l’arrière, plutôt défraichie et de guingois, trois bouts de bois offerts par la comtesse avec lesquels Figaro est censé dresser le lit nuptial, une porte donnant sur l’escalier montant chez la Comtesse. Côté jardin, un énorme tableau, portrait du Comte régnant en maître, comme il se doit chez ls gens bien, la comtesse, seconde partie du tableau étant dissimulée… L’ensemble est mobile et se combine autant que de besoin pour traverser les cinq actes de la pièce et épouser les événements.

Léna Bréban signe une Folle Journée drôle et rythmée qui, derrière la mascarade, s’ancre dans l’aujourd’hui par les valeurs qu’elle défend sous forme d’un négatif photo. Superbe dans ce rôle, Philippe Torreton donne de l’épaisseur au personnage, dans son côté terrien et futé qui ne s’en laisse pas conter. Autour de lui, les personnages déjouent les pièges, les femmes tenant les hommes à distance, avec intelligence, eux s’embourbant dans leurs faux-pas et galimatias. La fin surprend et amuse dans le rapport des âges et des rôles, un atout de plus qui montre qu’au théâtre, tout est possible et que parfois on rit de la noirceur.

Brigitte Rémer, le 15 septembre 2025

Avec : Philippe Torreton, Marie Vialle, Éric Bougnon, Pascal Vannson (en alternance), Grétel Delattre, Salomé Dienis Meulien, Annie Mercier, Jean-Jacques Moreau, Grégoire Œstermann, Antoine Prud’homme de la Boussinière, Jean-Yves Roan – assistante à la mise en scène Ambre Reynaud – scénographie Emmanuelle Roy – costumes Alice Touvet – lumières Denis Koransky – Compositeur Victor Belin – perruque Julie Poulain – création sonore Victor Belin et Raphael Aucler

Du 6 septembre 2025 au 4 janvier 2026, à La Scala Paris, 13 boulevard de Strasbourg. 75010. Paris – métro : Strasbourg Saint-Denis – tél. : 01 40 03 44 30 – site : www.lascala-paris.fr