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Histoires croisées Gae Aulenti, Ada Louise Huxtable, Phyllis Lambert

Exposition sur l’architecture et la ville – commissaire Léa-Catherine Szacka, commissaire associée Catherine Bédard – exposition au Centre culturel canadien à Paris, jusqu’au 17 février 2025 – Derniers jours.

© Centre culturel canadien (1)

Une exposition remarquable sur trois femmes nées dans les années 1920 et qui ont marqué le domaine de l’architecture va bientôt refermer ses portes. Le Centre Culturel Canadien à Paris, propose une vision de leurs parcours et croisent leurs regards.

Deux d’entre elles sont architectes, Gae Aulenti (1927/2012) et Phyllis Lambert, née en 1927, et qui, à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans est toujours active. La troisième, Ada Louise Huxtable (1921-2013), est critique en architecture. Ces trois pionnières comptent parmi les figures les plus influentes de l’architecture et du design de l’après-guerre, elles ont su s’imposer dans un métier d’hommes.

On connaît Gae Aulenti, architecte et designer, pour avoir transformé la Gare d’Orsay en musée du XIXème siècle et de l’Impressionnisme. De nombreux dessins sont ici montrés sur les étapes du projet. Née en Italie et formée au Politecnico de Milan, elle a eu pour objectif de transformer les bâtiments historiques en musées, tout en respectant leur histoire. Elle en garde la structure et réinterprète le patrimoine urbain. Ainsi le Palazzo Grassi à Venise et le Musée d’Art de Catalogne, à Barcelone. Sa polyvalence et son talent lui permettent aussi de concevoir du mobilier et des luminaires. La lampe Pipistrello, qu’elle conçoit en 1965, est devenue un objet phare du design industriel. Sa sensibilité politique est tournée vers la gauche, elle donne du sens à son travail architectural par ses engagements culturels et sociaux.

Née à Montréal dans une famille fortunée, Phillys Lambert fait des études en Histoire de l’Art au Vassar College, dans l’État de New-York, avant de s’installer comme artiste à Paris où elle reste quelques années. De retour au Canada, elle seconde son père pour la construction du Seagram Building, et choisit Mies Van der Rohe, pionnier du modernisme, comme architecte. Elle s’engage alors dans des études d’architecture et se passionne pour ce qu’elle fait. C’est une militante qui se lance dans la défense de Montréal, pour que l’identité et la mémoire de la ville, construite dans une pierre grise très spécifique et venant des carrières de calcaire alentour, ne s’effacent pas. Elle fonde Sauvons Montréal et Heritage Montréal pour préserver les bâtiments historiques de la ville et signe la conception et la réalisation du très important Centre canadien d’Architecture, à Montréal, en 1973.

© Centre culturel canadien (2)

Née à New-York, Ada Louise Huxtable devient la première critique d’architecture et travaille pour le New-York Times. Son style, connu et reconnu, sensibilise le public aux enjeux architecturaux et urbains. Elle a ainsi vivement réagi à la destruction de la Pennsylvania Station à New-York en 1963, une gare monumentale ornée de colonnades construite en 1910 et qui s’inspirait des thermes de Caracalla à Rome. Elle n’a cessé d’attirer l’attention sur l’importance du patrimoine en termes d’identité de la ville et comme porteur d’Histoire. Par la force de sa plume, elle a su convaincre et a sans doute permis d’éviter pas mal de destructions.

Au cœur d’un bel espace lumineux, éclairé par un puits de lumière, au sous-sol du bâtiment – une ancienne cour, couverte et donnant sur le ciel – sont posées au sol des panneaux et palissades recouverts de documents photographiques, articles et magazines. On pourrait être sur une sorte de chantier organisé. Chaque créatrice a son espace et l’on peut voir leurs réalisations, c’est très bien documenté. Des enregistrements d’interviews accompagnent le visiteur. Au centre, une pièce dérobée, sorte de mastaba où se croisent les lignes du temps et de la vie des trois artistes, chronologies mêlées. Signée du studio Pitis e Associati, de Milan, la scénographie permet une lecture fluide, libre et vivante des trois femmes et de leurs œuvres. Au premier étage, la section réservée aux bâtiments en pierre grise de Montréal, avant d’arriver devant un mur d’images qui témoignent, interviews filmés où elles s’expriment sur le sens de qu’elles cherchent et réalisent.

© Centre culturel canadien –  (3)

Léa-Catherine Szacka commissaire invitée et historienne de l’architecture, et Catherine Bédard, commissaire associée et directrice adjointe du Centre culturel canadien ont réalisé un remarquable travail d’archéologie à travers différents pays d’une part pour rassembler les documents, d’autre part pour croiser les destins et trajectoires de ces trois visionnaires de l’architecture, d’abord influencées par les grands maîtres du modernisme – Franck Lloyd Wright, Le Corbisuer, Mies Van Rohe, Gropius créateur du Bauhaus et Rogers. Leur évolution est remarquable, elles n’ont pas craint ensuite de les remettre en question et de se passionner pour les défis sociaux, urbains et esthétiques de leur époque.

Histoires croisées. Gae Aulenti, Ada Louise Huxtable, Phyllis Lambert, sur l’architecture et la ville est encore visible quelques jours et jusqu’au 17 mai 2025, courez-y !

Brigitte Rémer, le 2 mai 2025

Commissaire d’exposition Léa-Catherine Szacka – commissaire associée Catherine Bédard – scénographie du studio Pitis e Associati, Milan – Un livre, publié en bilingue aux éditions Skira, accompagne l’exposition (144 pages, 50 illustrations). Visuels : (1) © Phyllis Lambert, Espace en négatif, New York City – 1968 (tirage chromogénique) – (2) New-York Times, le journal dans lequel Ada Louise Huxtable devient la première critique en architecture. (3) – © Aulenti-Gae-Museo-d_Orsay-Prospettiva-1980-86-©AGA-1261×1024.

Au Centre Culturel Canadien 130, rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008. Paris – tél. : 01 44 43 21 90 – métro Saint Philippe-du-Roule ou Miromesnil – site : www. canada-culture.org – Ouvert du lundi au vendredi de 10h à 18h