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Mountain Dawn / L’Éveil de la montagne

Spectacle musical et chorégraphique du collectif taïwanais, le U-Theater – directeur artistique Huang Chih-Chun – à l’auditorium du musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Théâtre Claude Lévi-Strauss.

© U-Theater

C’est une représentation de toute beauté mêlant virtuosité musicale, percussions traditionnelles, arts martiaux, danse et méditation. Fondée en 1988 par Madame Liu Ruo-Yu, la troupe est connue et reconnue au plan international. Collectif emblématique en Asie, sa venue en France est un événement.

À sa création, le U-Theater a puisé dans les techniques théâtrales de Jerzy Grotowski, basées sur la préparation physique, plastique et psychologique des acteurs, « au-delà de la douleur » disait le Maître polonais. Huang Chih-Chun, percussionniste et directeur artistique depuis 1993 y a adjoint la méditation et les interprètes sont formés au tai-chi-chuan. La troupe est installée sur les collines de Taïpei, propices à la concentration, la rigueur et l’écoute. L’Éveil de la montagne est une ode à la nature environnante, là où est établi leur centre d’apprentissage, la montagne Laoquan.

© U-Theater

Les instruments de musique, principalement des tambours et des gongs dont certains, petits comme accrochés à des arbres, forment une scénographie de toute beauté. Pieds nus, les interprètes, musiciens et danseurs pour certains, portent de longues tuniques blanches d’une grande élégance. En soi, la disposition des tambours – que les musiciens déplacent pendant le spectacle, ils sont posés sur roulettes – est chorégraphique et la gestuelle du frappé aux baguettes entrainant les bras haut levés, très ritualisée, l’est tout autant. Dans les gradins faisant face au public, des gongs tout en haut, et du côté cour, réparties sur différents niveaux, les instrumentistes solistes comme flûte droite ou traversière, violon, violoncelle, hautbois, vibraphone, petites cymbales, cithares, triangle, musiciennes vêtues de noir, donnent le change dans le dialogue avec les tambours et sont un parfait contrepoint. La parité dans la troupe permet de rassembler autant de batteuses que de batteurs. Le maître tambour, instrument le plus imposant en taille est battu par un homme, dos au public, il y faut une grande force.

Le frappé du tambour sorti de la montagne est impressionnant de précision, touchant la membrane ou le bois, cliquetis, claquements ou marche rythmée, les batteurs dialoguent avec énergie et maîtrise dans une chorégraphie du geste. Parfois ils éteignent le son de la main. On entend la nature, on capte la montagne, calme ou en fureur. Parfois un ou une danseuse se détache pour un court solo, parfois tous forment comme un quadrille et tournent, bras, corps, émettant comme des signes. Entre symétrie et asymétrie, crescendo et décrescendo, rien n’est laissé au hasard, tout est maîtrisé, les mains sont papillons.

© U-Theater

Les lumières, raffinées, portent ce mystère de la nature. Les ombres des instruments, des bras et des baguettes de bois parfois s’affichent sur les murs, les entrées et sorties deviennent sculptures. Cri, course, montée de l’intensité, descente de l’escalier, abrupte, danse pivotante comme celle des derviches. Du haut de la montagne, le travail de la diagonale, la lumière bleue d’accompagnement, donnent de la profondeur de champ.

À genoux au sol, dos au public, les musiciens font résonner le gong. Comme un cérémoniel, L’Éveil de la montagne dessine une écriture de gestes et de sons d’une grande densité. Concentration, émotion, correspondances entre les tambours, mystique et transcendance, entourent le spectacle.

La flûte et le hautbois apostrophent la montagne, ou le ciel. La musique, savante, cisèle l’espace, les mains racontent, le balancement des bras balaie l’horizon. La chorégraphie est millimétrée. Corps, rythme et souffle, corps et esprit s’y conjuguent en une expression d’une rare intensité et subtilité où apparaissent les premières lueurs du jour et le cycle de la vie sur la montagne Laoquan. Une grande poésie et une introspection, entre la puissance rythmique des tambours, gongs et instruments et la poésie visuelle apportée par le geste et la chorégaphie.

Brigitte Rémer, le 14 décembre 2025

© U-Theater

Avec les danseurs et musiciens du U-Theater – Danseurs : Yu-Wen Yao, Yu-Ting Huang, Ching-Sheng Lin, Chun-Tsung Chou, Shu-Chih Liu, Yu-Xuan Su, Ya-Lun Chang, Kui-Lan Ou, Ching-Fang Hsu, Ping-Tsen Liu – Musiciens : Pei-Yun Tsai, Ya-Chi Wang, Nien-Tzu Hung, Ying-Ti Huang, Hsi-Yen Lo – Régisseur lumières, Wang-Ling Lee – Régisseur plateau, Yi-Shan Lai – Régisseur son Ting-Kai Lin – Percussions et orchestre traditionnels – Le U-Theatre bénéficie du soutien du ministère de la Culture et du ministère des Affaires étrangères de Taïwan dans le cadre du programme Taiwan Culture in Europe 2025. 

Spectacle présenté à l’auditorium du musée du Quai Branly-Jacques Chirac, Théâtre Claude Lévi-Strauss, les samedi 13 décembre 2025, à 17h et 20h et dimanche 14 décembre, à 15h et 18h (la représentation du dimanche à 15h est labellisée Culture Relax) – 37 quai Branly. 75007. Paris – métro : Alma-Marceau ou Bir-Hakeim – site : www.quaibranly.fr – tél. : 01 56 61 70 00 –spectacle présenté en écho à l’exposition Dragons en cours, et jusqu’au 1er mars 2026