Archives par étiquette : Claude Bartolone président de l’Assemblée Nationale

36/36 – Les artistes fêtent les 80 ans des congés payés

© Peter Klasen - Liberté 36

© Peter Klasen – Liberté 36

2016 commémore les 80 ans de la loi du 20 juin 1936 sur les congés payés, édictée par le Front Populaire. Pour fêter cet anniversaire, 36 peintres, dessinateurs et photographes créent une œuvre originale célébrant l’imaginaire des loisirs et des vacances, à L’Assemblée Nationale-Paris.

Dans un contexte de conflit social et de grèves sur la question du droit du travail et la revendication pour l’obtention de congés payés, Léon Blum annonçait dès le lendemain de son élection un projet de loi dont l’objectif était d’abord de mettre un terme à l’occupation des usines. Les congés payés y figuraient. La Chambre des députés adopta ce projet de loi le 11 juin 1936 – par 563 voix pour, une contre -. La loi fut promulguée le 20 juin, ses décrets d’application pris dès le 1er août. Un sous-secrétariat d’Etat à l’organisation des sports et des loisirs fut immédiatement créé et confié à Léo Lagrange, tandis que Jean Zay fut nommé à la tête de l’Education Nationale : des personnalités marquantes. Cette loi permit de développer la créativité populaire et l’émergence de nouveaux espaces de loisirs en termes de sport, de tourisme et de culture, et fut la première esquisse d’une politique sociale et culturelle. Camping, auberges de jeunesse, guinguettes, bicyclettes, colonies de vacances, billets populaires de congés payés changèrent le cours de la vie et la philosophie du travail. Les mots liberté et laïcité furent inscrits sur les frontons.

80 ans plus tard, les œuvres de 36 artistes d’aujourd’hui renvoient en écho leurs commentaires sur ce moment emblématique. Elles sont regroupées en une exposition itinérante, conçue et imaginée par la Compagnie Internationale André Trigano et la revue Art Absolument. Les artistes : Jacques Bosser, François Bouillon, Nabil Boutros, Marie Bovo, Mark Brusse, Pierre Buraglio, Damien Cabanes, François Cante-Pacos, Coskun, Jean Gaudaire-Thor, Anne Geritzen, Gérard Guyomard, Serge Hélénon, Pierre-Yves Hervy-Vaillant, Jerk 45, François Jeune, Claire-Jeanne Jézéquel, Peter Klasen, Rachid Koraïchi, Jean Le Gac, Frédérique Lucien, Najia Mehadji, Jean-Michel Meurice, Franck Moëglen, Philippe-François Nault, Yazid Oulab, Biagio Pancino, Stéphane Pencréac’h, Ernest Pignon-Ernest, Emmanuelle Renard, Assaf Shoshan, Vladimir Skoda, Barthélémy Toguo, Claude Viallat, Jan Voss, Kimiko Yoshida – y participent. Effeuillons quelques oeuvres, au passage :

Ernest Pignon-Ernest présente la photographie d’un pastel bleu sur toile, intitulée Petit hommage au plus grand, le plus grand étant Picasso, et il s’explique : « Dès qu’il s’agit d’images de bonheur, le soleil, la mer, les femmes, je pense Picasso. » A la question posée par Art Absolument, il répond : « L’année 36 et les congés payés évoquent l’extraordinaire force émancipatrice et créatrice du peuple uni. » Rachid Koraïchi réalise une peinture acrylique sur bâche faite de milliers de pleins et de déliés, Du bleu au coin de tes yeux. « Pour la majorité des salariés, les congés payés sont le carré de lumière qu’ils attendent au bout de tant et tant d’efforts » dit-il. Claire-Jeanne Jézéquel mêle les techniques avec encre, peinture glycérophtalique et scotch aluminium, pour un ciel embrasé et de nuages rouges intitulé Vers quel horizon. Sa définition de 36 : « Liberté. Egalité. Fraternité. Pas un souvenir. Pas une utopie, mais un impératif : faire front – populaire. » Jean Gaudaire-Thor offre un Cerf-volant aux couleurs lumineuses, assemblage de toiles peintes. Pour lui 36 « C’est peut-être l’Eternité dont parle Rimbaud dans la dernière strophe de son poème de mai 1872 : Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité. C’est la mer allée avec le Soleil. » Nabil Boutros élabore une composition photographique intitulée Corps à corps où se côtoient clichés d’hier et images d’aujourd’hui, et définit 36 comme « une explosion joyeuse et populaire, un étrange moment de bonheur collectif, une parenthèse effervescente, une bouffée d’air. » Stéphane Pencréac’h propose 2050, une bâche réalisée avec huile et bombe aérosol où deux mondes se télescopent et traduit 36 par ces mots : « Les congés payés, c’est le front populaire, dernier éclair d’humanisme et de génie politique avant l’horreur. » Chaque artiste a sa démarche, son regard sur cette période du Front Populaire et les premiers congés payés qu’il met en vis à vis avec ses inquiétudes d’aujourd’hui.

L’exposition prend la route du 17 juin au 10 septembre 2016 et s’arrête dans sept lieux de villégiature, en France. Son point de départ et première escale fut le Palais Bourbon sous l’égide du Président de l’Assemblée Nationale, Claude Bartolone, venu, le jour de l’ouverture, dialoguer avec les artistes, sur leur perception et interprétation de l’événement. L’escale suivante est La Rochelle. La dernière sera la Fête de l’Humanité le 10 septembre, séance au cours de laquelle les œuvres seront vendues aux enchères, au bénéfice de deux associations caritatives dédiées aux vacances des enfants de milieu déshérité.

Un fructueux partenariat a permis la réalisation de l’exposition, et son itinérance. Trigano a offert aux artistes les supports – des toiles de tentes recyclées, hautement symboliques, toutes de même format (160 x 200) -. Pascal Amel, directeur de la rédaction de la revue Art Absolument, a assuré le commissariat, et propose un parcours emblématique à partir de la question posée 36 fois : Qu’évoquent pour vous l’année 36 et les congés payés ? Les 36 artistes ont répondu par leurs œuvres, donné leur représentation et traduction de ce nouvel imaginaire collectif des loisirs et des vacances. Les réponses sont très diversifiées, les images, les matériaux et les techniques aussi, c’est la richesse de l’exposition.

L’idée même de cette exposition qui mêle le contemporain à l’Histoire est judicieuse et salutaire, l’actualité frondeuse d’aujourd’hui n’évoque-t-elle pas le climat social qui présidait au Front Populaire ? Au-delà de l’illustration, ou de la nostalgie de ces petits bonheurs d’un moment, elle est une réinterprétation, par 36 artistes, de l’énergie vitale qui, un temps, a irrigué le pays.

Brigitte Rémer, 24 juin 2016

Du 17 juin au 10 septembre 2016 – Paris, Assemblée nationale : 17 au 20 juin – La Rochelle, L’Oratoire : 26 juin au 3 juillet – Sens, Marché couvert : 8 au 18 juillet – Gruissan, Palais des Congrès : 23 au 31 juillet – Thonon-les-Bains, Espace Les Ursules : 13 au 22 août – La Ciotat, Chapelle des Pénitents Bleus : 26 août au 4 septembre – La Courneuve, Fête de l’Humanité, vente Pierre Bergé & Associés : 10 septembre 2016.

Les Editions Art Absolument publient le catalogue de l’exposition, ainsi qu’un dossier, dans la Revue n° 71 de mai/juin 2016 – Site : 36-36.artabsolument.com