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Transmission impossible

Un projet du Festival d’Avignon et de Mathilde Monnier – coordination artistique et accompagnement pédagogique Mathilde Monnier – en complicité avec Ahmed El Attar, metteur en scène, Mehdi Moradpour, dramaturge, auteur dramatique et traducteur, Bouchra Ouizguen, chorégraphe – à la Villa Créative de l’Université d’Avignon, dans le cadre du Festival d’Avignon.

© Brigitte Rémer

Programme d’immersion à l’attention des jeunes artistes émergents venant de partout dans le monde, le Festival d’Avignon a réuni autour de Mathilde Monnier une trentaine d’entre eux dans un esprit de laboratoire et de recherche. Ils se sont approchés, ont noué des liens et dans le temps record d’une dizaine de jours, créé des formes théâtrales et dansées de l’ordre de la performance, chacun selon son background.

Ils ont ouvert leurs portes pour quelques moments de restitution, les 13 et 14 juillet dans le grand jardin de l’Université d’Avignon où se trouve la Villa Créative, lieu patrimonial née de la volonté d’ouvrir l’Université à la Cité, de faire Université en dehors de l’Université, un lieu de transmission pour ce qui touche à l’art et aux industries créatives.

© Brigitte Rémer

Les jeunes artistes impliqués dans ce projet ont investi tous les espaces du lieu, dedans et dehors, tous les pavillons attenants. C’est le public qui se déplace de lieu en lieu, à sa guise, à la recherche de toutes les propositions et dans les moindres recoins. La performance débute dans le jardin où des enregistreurs émettent des signaux, où un performeur imite les fameuses trompettes du compositeur Maurice Jarre qui résonnent avant chaque représentation au cours du Festival, où trois artistes chantent et exécutent une chorégraphie de leur composition et des gestes symboles, sur les marches, devant le bâtiment. Un performeur est assis à une table sur laquelle il a posé une branche d’olivier, il offre ses olives.

© Brigitte Rémer

Dans l’un des pavillons, un artiste coréen et une artiste coréenne croquent la même pomme, comme dans la Genèse, et composent une gestuelle singulière, tendue et concentrée, par approche et retrait. La jeune femme enchaîne sur une seconde proposition solo. Plus loin, trois performeurs/euses sont au sol et exécutent des figures combinées. « Ensemble, on est l’humanité » énoncent-ils. De l’autre côté trois jeunes femmes artistes dessinent au sol et parlent dans leurs différentes langues, en arabe, japonais et espagnol. On entend les sonorités de l’alphabet arabe dans une autre pièce. Un homme porte une pancarte, un autre exécute la danse du keffieh palestinien كوفية venant de l’extrême-fond du jardin. Free Palestine appelle-t-il ! Le final rassemble tous les performeurs qui dessinent des figures, par petits groupes, se retrouvent et se séparent. Les groupes se font et se défont, il y a beaucoup de fluidité entre eux, et une grande liberté.

© Brigitte Rémer

La résidence proposée aux artistes émergents participe de la transmission et d’une forme d’insertion. Accompagnés par Mathilde Monnier, qui a dirigé pendant vingt ans le Centre chorégraphique national de Montpellier succédant à Dominique Bagouet et qui a notamment travaillé avec les danseurs et chorégraphes burkinabés Salia Sanou et Seydou Boro. Figure centrale de la danse française contemporaine elle a dirigé le Centre national de la Danse pendant six ans ; Ahmed el-Attar, metteur en scène égyptien, directeur du Festival pluridisciplinaire D’Caf/Downtown Contemporary Arts Festival et d’un lieu de formation et de résidence pour les jeunes artistes, au Caire ; Mehdi Moradpour, auteur, interprète et traducteur du farsi, dari et espagnol, né à Téhéran de parents azerbaijanais et qui vit et travaille comme dramaturge en Allemagne ; Bouchra Ouizguen, danseuse et chorégraphe marocaine  qui a présenté au Festival d’Avignon, sur le Parvis du Palais des Papes, They always come back, spectacle réalisé avec des amateurs du territoire avignonnais (cf. ubiquité-cultures du 12 juillet 2025 ).

Transmission impossible est une initiative permettant aux jeunes artistes l’amorce de rencontres artistiques et interdisciplinaires, une opportunité de recherches en toute liberté dans le domaine des arts de la scène. Le retour d’expérience auquel nous avons été conviés est porteur d’énergie et d’espoirs, c’est un temps d’expérimentation ouvert sur le monde et qui laisse à chacun des espaces de création dans l’affirmation de ses identités artistiques.

Brigitte Rémer, le 31 juillet 2025

Avec 32 jeunes artistes de Belgique, Corée du Sud, Égypte, Espagne, France, Libye, Lituanie, Maroc, Palestine, Portugal, Rwanda, Suisse, Taïwan et Tunisie : Islam Al Arabi, Meriem Amiar, Alice Azevedo, Romain Beltrão Teule, Ayat Ben Yacoub, Eva Carrera Garcia, Hung-yang Chen, Maudie Cosset-Cheneau, Azani Ebengou, Imane Elkabli, Yi-po Hung, Rhim Hyun, Emna Kallal, Ayse Kargili, Timéa Lador, Maï Juli Machado, Marwa Manai, Josué Mugisha, Justina Mykolaityte, Amandine Ngindu, Arnau Perez, Kevin Perrot, Jaber Ramezani, Simon Roth, Nowwar Salem, Claudia Noëlla Shimwa, Judit Waeterschoot, Tyra Wigg, Jiann Woo, Salah Zater, Najim Ziani, Kenza Zourdani – et avec la participation des artistes et créateurs et créatrices, techniciens et techniciennes de la 79ème édition du Festival d’Avignon.

© Brigitte Rémer

Un projet du Festival d’Avignon et de Mathilde Monnier – coordination artistique et accompagnement pédagogique Mathilde Monnier – en complicité avec : Ahmed El Attar, metteur en scène – Mehdi Moradpour, dramaturge, auteur dramatique et traducteur – Bouchra Ouizguen, chorégraphe – Production Festival d’Avignon – coproduction Adami, (France) – Association MM, Calouste Gulbenkian Foundation (Lisbonne) – Fondation Culture et Diversité (France) – Pro Helvetia/Fondation suisse pour la culture – Fonds de dotation Porosus (France), INAEM – Ministerio de Cultura (Espagne), Institut Français du Rwanda – Korea Arts Management Service (KAMS) (Corée du Sud), NTCH National Theatre and Concert Hall (Taiwan) – Avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès.

 

© Brigitte Rémer

 

© Brigitte Rémer

© Brigitte Rémer

Réalisation du projet, du 5 au 15 juillet 2025, portes ouvertes les 13 et 14 juillet à 17h et 19h – Villa créative, Avignon Université, 33 bis rue Pasteur, Avignon – Festival d’Avignon : tél. : +33 (0)4 90 14 14 60 Billetterie au guichet, en ligne ou par téléphone : +33 (0)4 90 14 14 14 – site : www.festival-avignon.com

They always come back / دائمَا مَا يعًودون

Performance participative dans une chorégraphie de Bouchra Ouizguen, avec la participation d’amateurs venant d’Avignon et alentours – Création Festival d’Avignon, dans l’espace public, au Parvis du Palais des Papes.

© Christophe Raynaud de Lage

Danseuse et chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen travaille à Marrakech et participe depuis plus d’une vingtaine d’années au développement d’une scène chorégraphique locale. Elle est l’artiste des expériences intenses et aime rencontrer les publics dans des lieux atypiques. Elle avait participé au Festival d’Automne à Paris il y a une dizaine d’années et présenté Corbeaux, chorégraphiant un grand groupe de femmes.

C’est avec un grand groupe d’hommes cette fois, des amateurs du territoire, qu’elle a cheminé jusqu’à présenter ce spectacle, They always come back dans l’espace public d’Avignon. Elle a choisi le Parvis du Palais des Papes, il est vrai que l’échelle humaine face à ce majestueux monument est en soi un signe ardent et un vrai défi. Ses thèmes de recherche touchent à l’altérité, à la part de l’étrange dans l’autre et dans chacun de nous, à la mémoire et à l’oubli. Bouchra Ouizguen tord les frontières et déplie la danse, sous le pont d’Avignon.

© Brigitte Rémer

Elle raconte des histoires. Elle raconte son histoire, par des signes, des traces, des gestes, des traversées. Roland Barthes parlait de l’épaisseur des signes… Autour d’elle et autour d’eux, le public forme un large demi-cercle face au Palais et s’assied sur les pavés. La cloche sonne les sept coups de dix-neuf heures. À peine voit-on entrer le premier danseur dans son étrangeté, le visage recouvert d’un voile, le corps caché sous un grand tissu blanc. Il fait figure de Christ recrucifié. L’homme se blottit contre la muraille dans une attitude fermée, comme s’il voulait que le minéral l’avale.

Au loin, les tambours battent le rythme du temps qui s’est arrêté un instant. Apparaissent un à un du haut du Palais des Papes, avec solennité et simplicité, les participants en chemises ou t-shirts noirs, pantalons noirs. Guidés par les chants de pénitents et confréries, de manière lancinante, ils descendent lentement les marches à l’est comme à l’ouest entre cour et jardin et se répartissent dans l’espace, rejoignant l’homme drapé de blanc qui s’est découvert et qui, avec les mains, dessine ses paysages intérieurs. Des dynamiques se créent entre eux, ils courent formant un grand cercle qui les rapproche.

© Christophe Raynaud de Lage

Un jeune violoniste et une flûtiste s’avancent, les danseurs dessinent des signes dans l’air en solos, duos ou trios, ils imaginent des figures dans une complémentarité fraternelle, travaillent le déséquilibre, cherchent le rapport au sol. Un vocal perce l’air de ses aigus, l’énergie monte et communique. On voyage entre d’extrêmes solitudes et des passerelles qui s’élaborent. Il y a quelque chose d’animal et de brut dans les propositions gestuelles, gauches parfois. Tous sont en mouvement, s’inventent et se déstructurent. Une grande chaîne se forme, les danseurs sautillent, renaissent, jusqu’à dégager de la joie de vivre.

© Brigitte Rémer

Le vocal, le bendir, les crotales sonnent et se croisent et Bouchra Ouizguen dévale la pente pour rejoindre les danseurs dans un final énergique et collectif, avec ce plaisir de faire groupe. Le Parvis du Palais des Papes a le cœur qui bat. Un poème du XVIème siècle signé de Muzaffar Ali, offert par un participant à la chorégraphe dès le début des rencontres a accompagné ce travail sensible, qu’il faut chaleureusement féliciter : « Elle est si proche, ton âme, de la mienne, que ce dont tu rêves je le fais… » Ensemble / معاً la devise du Festival d’Avignon cette année, ils l’ont fait !

Brigitte Rémer, le 10 juillet 2025

Avec : Alain Alfonsi, Jean-Daniel Bieler, Patrick Brasseur, Diego Colin, Samy Devaud, Jeffrey Edison, Sébastien Gontir-Gilly, Mathieu Goulmant, Pascal Hamant, Léna Ledieu, Vincent Ledieu, Nathanaël Ledieu, Vincent Ledieu, Jean-Marc Lopez, Pierre-Alban Mochet, Frédéric Quay, Christian Riou, Julien Ronzon, Jacques Touzain – Chorégraphie Bouchra Ouizguen – Production Compagnie O – Production déléguée Festival d’Avignon – Représentations en partenariat avec France Médias Monde

Avant-première le 4 juillet – spectacle les 5 et 6 juillet, Place du Palais des Papes, Avignon –  (entrée libre) – Création Festival d’Avignon – site : www.festival-avignon.com