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Triade – Moving Parts – Me.You.We.They.  

Trois pièces chorégraphiques de Benjamin Millepied, L.A. Dance Project, Le Balcon – musique Nico Muhly, direction Maxime Pascal et le collectif Le Balcon – orgue Alexis Grizard – à la Philharmonie de Paris-Cité de la Musique /La Villette.

Me.You.We.They.© Antoine Benoit-Godet

C’est une histoire d’amitié entre deux artistes qui se sont rencontrés en 2006 – Benjamin Millepied, chorégraphe, réalisateur et danseur, directeur de la compagnie L.A. Dance Project et Nico Muhly, compositeur – en même temps qu’un moment chorégraphique et musical intense. Ensemble, au fil de leurs parcours, ils ont notamment réalisé pour l’American Ballet en 2007, Theatre From Here On Out/À partir de maintenant ; pour l’Opéra de Paris en 2008, Triade ; pour le Dutch National Ballet en 2010, One Thing Leads to Another ; pour L.A. Dance Project en 2012, Moving Parts. Et ils ont fondé en 2022 avec Qatar Creates et Qatar Museums, un festival de danse international, Festival in Motion.

Benjamin Millepied et Nico Muhly présentent aujourd’hui dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris une nouvelle version de Triade et de Moving Parts, et ils signent ensemble une nouvelle création, Me.You.We.They. sous la direction musicale de Maxime Pascal et du collectif Le Balcon, qu’il a fondé.

Triade © Antoine Benoit-Godet

Triade, la première pièce du programme, fut créée en 2008, en hommage à Jérôme Robbins qui dirigea le New York City Ballet où Benjamin Millepied dansa, de 1995 à 2011, chorégraphe qui l’inspira. Écrite pour quatre danseurs, cette pièce fait alterner les sons cristallins de sonnailles aux variations de type asiatique – enregistrés sur une bande son – avec les mélodies des trombones, le décalé et les suspensions du piano. Tout est rythme. Un premier danseur vêtu de noir s’élance en solo et se déploie comme un gerfaut en plein vol, multipliant pirouettes et saltos avec beaucoup de grâce. Il est suivi d’un second danseur en débardeur rouge, dégageant une certaine puissance. Un dialogue s’engage entre eux avant que ne s’avance une danseuse vêtue d’une mousseline courte couleur brun-roux, formant un duo qui bientôt devient jeu à trois, portés de l’un à l’autre au son du piano qui monte de plus en plus et rythme la séquence. Une seconde danseuse, short et haut de dentelle, noirs, se fond dans la danse. Le danseur la regarde, une chorégraphie à quatre s’élabore, suivie d’une danse en duos. Légère comme une plume dans les portés et défiant les lois de la gravité, le duo vêtu de noir s’envole sur notes répétitives du piano solo. Puis vient un autre duo sur fond de jeux de la séduction, avant que tous dansent sur piano forte. Arrivent les trombones, entre énergie et ralentis, qui accompagnent les deux duos, interprétés de manière plus fantaisiste et acrobatique. Puis le dialogue avec le piano reprend et telle une sculpture, les danseuses retrouvent le sol. De toute beauté, cette pièce apporte une impression de fragilité-cristal.

Moving Parts © Antoine Benoit-Godet

La seconde pièce du programme, Moving Parts a été créée en 2012 pour six danseurs et se dessine à travers des praticables-murs qui roulent et voyagent à divers endroits du plateau formant différentes figures. Recouverts d’écritures, de lettres et de chiffres, de clés de sol type graffitis ces structures permettent construction – déconstruction, apparitions -disparitions (installation visuelle Christopher Wool). Elle débute par le solo d’un danseur, pantalon noir, gilet clair, qui vole et tourne avec vivacité au son de la clarinette sur lequel se greffent orgue et violon. Puis apparaît une danseuse portant une robe argentée et un danseur, ils dansent au sol en duo, sur une variation de musiques douces ; leurs gestes sont vifs. Suit un splendide solo pour orgue, on aperçoit le musicien placé très haut, face au public, dans cette grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris aménagée pour la danse. Un homme, un cri, un appel, le groupe est au sol et exécute un remarquable travail des bras similaire aux battements d’ailes. Puis s’enchaîne, sur un morceau de violon sans archet, un duo puissant interprété par deux danseurs, suivi d’un solo homme puis d’un solo femme sur clarinette, auxquels se joignent les autres danseurs sur la musique d’orgue, lancinante et créative. Alexis Grizard, organiste, se produit régulièrement en solo, avec ensemble de musique de chambre ou avec orchestre, il a participé entre autres en 2021 à l’enregistrement d’une intégrale de l’œuvre d’Olivier Messiaen à la cathédrale Saint-Étienne de Toul.

Me.You.We.They. © Antoine Benoit-Godet

Après un entracte, la seconde partie de la soirée donne à voir et à entendre en création mondiale Me.You.We.They. pièce pour dix danseurs et orchestre de chambre – ici le collectif Le Balcon dirigé par Maxime Pascal – construite sur la base d’un tempo uniforme et de figures musicales qui reviennent et se répètent, comme un ressac. « Tout est parti d’une conversation avec Benjamin Millepied alors que nous arpentions ensemble le désert du Qatar : nous imaginions la pulsation d’une note unique explosant ensuite en différentes variations » dit Nico Muhly le compositeur, qui souligne cette note avec un trio de vents et ajoute : « Un choral assez développé confié à deux vibraphones et un célesta accompagne la ligne soliste des vents. Suit une dernière section beaucoup plus épineuse qui explose en une conclusion à la joie presque menaçante. »

Me.You.We.They. © Antoine Benoit-Godet

Alignés au fond du plateau le long du rideau noir de scène, une dizaine de musiciens, noir sur noir, avec leurs instruments dont un grand tambour. Salutations des danseurs aux musiciens. Cela commence par des percussions cristallines sur un duo. Répartis de chaque côté du tapis de danse, de cour à jardin, les danseurs sont assis au sol, attendant le moment de leurs entrées et sorties. Trios et duos, pieds nus ou pas, sur flûtes et vents, légers, tour à tour, puis tous, précis et libres. Les costumes sont de couleur gris-vert foncé (costumes Camille Assaf pour les trois pièces). Entre dans le mouvement, en contrepoint, une danseuse, élégante jupe plissée sur envers jaune qui tourne de manière ludique sur des sons aigus, pépiements, flûtes et violons. Il y a quelque chose d’aquatique sur scène et des moments de suspension. Puis le tambour major ponctue la danse de deux femmes en duos, de manière vertigineuse, elles s’élèvent et virevoltent. Suit une montée musicale pour duo argenté, sur petites notes continues et un travail sur les cercles qui se font et se défont. Mouvement vif, marqué par les cloches. Tambour, accélération jusqu’à ce que l’un, puis tous, s’immobilisent. C’est à la fois riche et épuré, d’une grande beauté et correspondance entre la musique et le geste. La chorégraphie se fond dans la partition et le moment musical, et l’inverse, dans ce dialogue fécond entre deux artistes, Benjamin Millepied avec les danseurs du L.A. Dance Project et Nico Muhly avec la formation Le Balcon et son chef, Maxime Pascal qui entrent dans la danse. Il y a du monde sur le plateau.

Moving Parts © Antoine Benoit-Godet

Chorégraphe, réalisateur et danseur, Benjamin Millepied s’est formé au Conservatoire de Lyon avant de rejoindre la School of American Ballet de New York puis d’intégrer en 1995 le New York City Ballet dont il devient principal dancer en 2001 et où il interprète des ballets de George Balanchine et Jerome Robbins entre autres. Il a travaillé pour les plus grandes compagnies aux États-Unis et en Europe dont le San Francisco Ballet, le ballet de l’Opéra de Paris, le Mariinsky Ballet, le Staatsballett Berlin. Il a toujours collaboré avec d’autres artistes dont les compositeurs Nicholas Britell, David Lang, Bryce Dessner. En 2002 il fonde Danses Concertantes, un ensemble issu du New York City Ballet et c’est en 2012 qu’il cofonde la compagnie de danse, L.A. Dance Project, basée à Los Angeles. De 2014 à 2016 il prend la direction du ballet de l’Opéra de Paris et commande de nouvelles œuvres à de nombreux chorégraphes – William Forsythe, Justin Peck, Jérôme Bel, Wayne McGregor, Crystal Pite, Tino Seghal, Nico Muhly et James Blake. Côté cinéma Il signe la chorégraphie du film Black Swan de Darren Aronofsky en 2010, se trouve au cœur du documentaire Reset qui suit son travail au ballet de l’Opéra, en 2015, réalisee plusieurs courts métrages sur la danse. Carmen, son premier long-métrage, est sorti en France en 2023.

Compositeur américain, Nico Muhly est l’auteur d’œuvres orchestrales, de musique de chambre et de musique sacrée, il compose également pour la scène, et pour des bandes originales de films. Il collabore avec des artistes contemporains comme Maira Kalman et Oliver Beer, et avec des institutions comme la National Gallery de Londres et l’Art Institute de Chicago, pour lesquelles il a créé des pièces sur mesure. Son travail se nourrit de nombreuses collaborations, avec des chorégraphes comme Benjamin Millepied au ballet de l’Opéra de Paris, Bobbi Jene Smith à la Julliard School, Justin Peck et Kyle Abraham au New York City Ballet, des artistes musicaux comme Sufjan Stevens, The National, Teitur, Anohni, James Blake, Paul Simon. il est aussi cofondateur du label indépendant Bedroom Community, qui a édité ses deux premiers albums Speaks Volumes, en 2006 et Mothertongue, en 2008.

De g. à dte, Nico Muhly, Maxime Pascal, Benjamin Millepied, musiciens et danseurs © Antoine Benoit-Godet

A la direction d’orchestre, Maxime Pascal qui a fondé en 2008 le collectif Le Balcon, avec Florent Derex, ingénieur du son, Alphonse Cemin, pianiste et chef de chant et trois compositeurs : Juan Pablo Carreño, Mathieu Costecalde et Pedro García-Velásquez. Il explore un répertoire lyrique, symphonique et chambriste – avec une prédilection pour la période allant de 1945 à nos jours – en effectuant un travail ambitieux sur la spatialisation et la diffusion du son. Il est invité à diriger de nombreux orchestres en France – il a collaboré à plusieurs reprises avec l’Opéra national de Paris – en Europe, au Japon et en Amérique du Sud et défend aussi bien des créations lyriques de notre temps que des opéras du répertoire.

La conjugaison de leurs talents, la virtuosité en même temps que la liberté des danseurs de L.A. Dance Project interprétant les trois pièces du programme, de nature différente, sont un moment de grâce. La création, Me.You.We.They. apporte, dans sa simplicité et son amplitude, un certain magnétisme dont il est difficile de sortir en quittant la salle.

Brigitte Rémer, le 7 avril 2024

Danseurs du L.A. Dance Project © Antoine Benoit-Godet

Avec les danseurs, compagnie L.A. Dance Project : Courtney Conovan, Jeremy Coachman, Lorrin Brubaker, Daphne Fernberger, David Adrian Freeland Jr, Eva Galmel (danseuse invitée), Shu Kinouchi, Audrey Sides, Hope Spears, Nayomi Van Brunt – direction de la production, Nathan Shreeve-Moon – régie, Betsy Herst – création lumière associée Venus Gulbranson – création costumes associée Aliénor Figueiredo – organisation des tournées Alisa Wyman. Direction artistique, Benjamin Millepied – direction exécutive, Lucinda Lent – Benjamin Millepied, chorégraphie – Nico Muhly, musique – Le Balcon, Maxime Pascal, direction d’orchestre – Alexis Grizard, orgue – coréalisation La Villette, Philharmonie de Paris – coproduction L.A. Dance Project, Philharmonie de Paris – avec le généreux soutien d’Aline Foriel-Destezet, Grande Mécène Fondatrice de Musique en Scène.

Collectif Le Balcon, musiciens – et danseurs

Triade, tribute to Jerome Robbins, pour 4 danseurs – chorégraphie Benjamin Millepied – musique Nico Muhly, avec l’aimable autorisation de Première Music Group – costumes Camille Assaf – création lumière Masha Tsimring – création le 20 septembre 2008, à l’Opéra Garnier, Paris – Maxime Delattre, tromboneSébastien Gonthier, trombone basse – Alphonse Cemin, piano  (21 minutes environ) – Moving Parts, pour 6 danseurs – commande Glorya Kaufman Presents Dance at the Music Center, Los Angeles (CA) – chorégraphie Benjamin Millepied – musique Nico Muhly, avec l’aimable autorisation de Première Music Group – costumes Camille Assaf – création lumière Masha Tsimring – installation visuelle Christopher Wool – création le 22 septembre 2012, au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles (CA) – musiciens Hélène Maréchaux, violon – Iris Zerdoud, clarinetteAlexis Grizard, orgue, (25 minutes environ) – Me.You.We.They, pour 10 danseurs – chorégraphie Benjamin Millepied, en collaboration avec les danseurs de L.A. Dance Project – musique : One Speed, Many Shapes de Nico Muhly, avec l’aimable autorisation de Première Music Group – costumes Camille Assaf – création lumière : Masha Tsimring – création le 29 mars 2024, à la Philharmonie de Paris – musiciens : Hélène Maréchaux, violon – Laura Vaquer, violon – Elsa Seger, alto – Askar Ishangaliyev, violoncelle – Héloïse Dély, contrebasse – Claire Luquiens, flûte – Quentin d’Haussy, hautbois – Ghislain Roffat, clarinette – Julien Abbes, basson – Joël Lasry, cor – Henri Deléger, trompette – Maxime Delattre, trombone – François-Xavier Plancqueel, percussions – Akino Kamiya, percussions – Alphonse Cemin, piano, (23 minutes environ).

Vendredi 29 et samedi 30 mars 2024, à 20h, dimanche 31 mars à 16h et 19h, à la Philharmonie de Paris-Cité de la Musique/La Villette, 221 avenue Jean-Jaurès. 75019. Paris – métro : Porte de Pantin – tél. : +33 (0)1 44 84 44 84 – site : philharmoniedeparis.fr.

Roméo et Juliette

© LA Dance Project

Chorégraphie de Benjamin Millepied avec le Los Angeles Dance Project, musique Sergueï Prokofiev, collaboration artistique Olivier Simola, à la Seine Musicale.

Sur un tapis de danse rouge vermeil placé au centre de la grande Seine de quatre mille places, à la Seine Musicale et surmonté d’un écran, scénographie magnifiquement dépouillée, le danseur et chorégraphe Benjamin Millepied – ancien danseur-phare du New York City Ballet puis directeur de la danse au Ballet de l’Opéra national de Paris, de 2014 à 2016 – revient en France.  Il présente en création mondiale avec sa compagnie fondée il y a une dizaine d’années, Los Angeles Dance Project, sa lecture de Roméo et Juliette. Pendant deux ans le spectacle a été différé en raison de l’épidémie de covid, Benjamin Millepied l’a enfin donné aux Nuits de Fourvière, à Lyon, à la fin du mois de juillet, avant de le présenter à la Seine Musicale, coproductrice de l’événement.

© LA Dance Project

Guidé par la foisonnante composition de Sergueï Prokofiev écrite en 1935 pour le Kirov puis le Bolchoï dont Benjamin Millepied extrait les moments-clés, le chorégraphe fait récit en danse, théâtre et images du mythique duo-duel entre les Montaigu famille de Roméo et les Capulet famille de Juliette, rivalité qui les mènera l’un et l’autre de l’amour à la mort. Il n’est pas simple dans sa proposition d’identifier les personnages, certains soir deux hommes tiennent les rôles titres, d’autres soirs ce sont deux femmes, parfois un homme et une femme. Le soir de la représentation à laquelle j’ai assisté David Adrian Freeland Jr. était Roméo et Mario Gonzalez, Juliette et à entendre quelques commentaires à la sortie du spectacle, certains spectateurs ont cherché pendant tout le spectacle qui pouvait bien être Juliette. Nous sommes à Vérone dans une intrigue relativement simplifiée pour ne pas dire pointilliste, une partie de l’action se passe hors plateau, filmée en direct et nous revient via l’écran. Frank Castorf pour Les Frère Karamazov en 2016 avait par cette technique, créé une nouvelle et passionnante écriture scénique. L’image a donc le statut de narrateur.

Nous suivons les danseurs en coulisses où entre autres se déroule, lointainement, le bal, symbolisé par des masques posés sur les visages ; nous les suivons dans les couloirs du théâtre, s’entrechoquant et jusqu’à l’extérieur, où se joue la scène de déclaration d’amour entre Roméo et Juliette, suivie par la caméra sur la dalle, devant le théâtre, les corps entremêlés avec gros plan sur leur baiser hollywoodien. Au loin, dans la nuit, les phares des voitures.

© LA Dance Project

Le principe du spectacle repose sur ce va et vient entre le plateau – où l’on discerne à peine, de part et d’autres, les pentes douces permettant la libre circulation des danseurs et du caméraman – et l’image captée au plus près puis projetée, sous la direction du danseur et créateur vidéo, Olivier Simola, apportant à la fois de l’intime et du réalisme, de la modernité et de l’émotion. Certains effets montrent sur un mode loufoque des objets à l’envers, comme ce canapé renversé dans lequel le danseur est assis, par un jeu de miroir et de vis-à-vis entre le plateau et l’écran. Les images sont particulièrement réussies pour les ensembles, prises du dessus et donnant sur écran l’impression de danseurs « tombés du ciel » selon l’expression de Jacques Higelin, avec les jupes noires des femmes qui volent.

Dans notre recherche du personnage, Tybalt, cousin de Juliette (Vinicius Silva), provoque Roméo en duel, qui décline la proposition. Son ami Mercutio (Shu Kinouchi) décide de le remplacer mais se fait tuer lors du duel. Roméo venge sa mort en exécutant à son tour Tybalt. Banni et contraint de s’exiler, on connaît le tragique enchaînement des faits qui suivent : pour repousser un mariage arrangé précipitamment par le père de Juliette, avec l’aide de frère Laurent elle boit un philtre qui lui donne l’apparence de la mort durant quarante heures. Retrouvée inanimée par sa nourrice, tout le monde la pleure et on la place dans le tombeau des Capulet. Frère Laurent n’a pas le temps de prévenir Roméo du stratagème. Informé directement de la mort de sa bien-aimée il se précipite à Vérone bien décidé à la rejoindre dans la mort et boit, à ses pieds, le poison dont il s’est saisi. Quand Juliette se réveille et découvre à ses côtés son bien-aimé sans vie, elle prend sa dague et se perce le cœur. La fin, comme l’ensemble du déroulé de l’histoire, est, dans la version Millepied, relativement esquivée.

Au demeurant les moments dansés sont d’une grande fluidité, dans un vocabulaire plutôt classique. Les solos, duos, trios, mouvements d’ensemble alternent avec grâce et perfection entre sauts et battements, jetés et cabrioles, arabesques. Les tableaux se succèdent, sur écran ou sur scène, certains ensembles dans leur modernité font aussi penser par un côté ludique, sensuel et vivant, à West Side Story. Vives ou sépulcrales, les lumières voyagent par des néons nomades et offrent ces jeux de reflets miroirs dans la salle.

S’affronter à Roméo et Juliette fait partie pour les chorégraphes du parcours initiatique. Benjamin Millepied  y cultive son originalité en dé-genrant les rôles et en introduisant de manière massive des images en direct, laissant à de nombreux moments le spectateur devant un plateau déserté. Il apporte en revanche un angle de vue saillant en tant que chorégraphe et son regard de chef opérateur. C’est un pari singulier, mais réussi.

Brigitte Rémer, le 24 septembre 2022

du 15 au 25 septembre 2022, à la Seine Musicale, Île Seguin, Boulogne-Billancourt. Métro : Pont de Sèvres – site : www. laseinemusicale.com – tél. : 01 74 34 53 53.

Avec : Roméo David Adrian Freeland Jr., Juliette Mario Gonzalez, Tybalt Vinicius Silva, Mercutio Shu Kinouchi – et avec Doug Baum, Marissa Brown, Lorrin Brubaker, Jeremy Coachman, Courtney Conovan, Daphne Fernberger, Oliver Greene-Cramer, Sierra Herrera, Leo Hishikawa, Payton Johnson, Peter Mazurowski, Nayomi Van Brunt. Collaboration artistique Olivier Simola –

Scénographie et lumières François-Pierre Couture – directrice lumières Avery Reagan – costumes Camille Assaf – opérateur Steadicam Sébastien Marcovici – musique Sergei Prokofiev interprétée par le London Symphony Orchestra sous la direction de Valery Gergiev.

et aussi du 13 au 16 octobre, au Théâtre du Châtelet, Paris, Programme I et II de Benjamin Millepied, dont Be Here Now – site : www.chatelet.com

Ballet de l’Opéra de Lyon

Steptext, de William Forsythe, Ballet de l’Opéra de Lyon
© Théâtre de la Ville/Paris

Sarabande, de Benjamin Millepied – Critical Mass, de Russell Maliphant – Steptext de William Forsythe, au Théâtre de la Ville/Espace Cardin.

Une belle soirée de danse en trois chorégraphies est proposée par le Ballet de l’Opéra de Lyon, invité du Théâtre de la Ville, comme chaque année, à l’Espace Cardin. De formation classique mais tournée vers la danse contemporaine, la troupe est virtuose. Son entrainement avec des chorégraphes extérieurs représentants différents courants l’a ouverte à une variété de techniques et lui permet de jouer dans la diversité des styles.

Sarabande, pour quatre interprètes masculins sur des extraits de la Partita pour flûte seule et des Sonates et Partitas pour violon seul, de Jean-Sébastien Bach, dans une chorégraphie de Benjamin Millepied, fut créé en 2009. Légère, avec ses chemises à carreaux ou à raies verticales vertes ou rouges qui donnent le ton, la Sarabande se conjugue en solos, duos, trios ou quatuors avec décontraction, efficacité et musicalité. Il y a de la fluidité et du ludique dans l’art de disparaitre et d’apparaitre des danseurs.

Critical Mass, pièce créée en 1998, par le britannique Russell Maliphant, sur une musique signée Andy Cowton et Richard English, présente un duo-duel d’hommes vêtus de combinaisons bleu de chauffe. Dans un clair-obscur ou la brume d’un rêve, ils s’expérimentent et se calent l’un dans l’autre, puissants et sensuels et déclinent des figures par glissements et tensions qui pourraient évoquer Music lovers de Ken Russell.

Créé en 1985 Steptext, de William Forsythe, met en danse une femme – en justaucorps et collant rouge – et trois hommes en noir, sur la Chaconne de la Sonate n° 4 pour violon seul en ré mineur, de Jean-Sébastien Bach. Les danseurs en duos font preuve d’une tonicité et technicité éblouissantes, dans la pureté du geste qu’ils déconstruisent. La danseuse est sur pointes. La musique se suspend. Précision et émotion sont au rendez-vous.

Depuis plus de vingt ans le Ballet de Lyon s’est constitué un important répertoire d’une centaine de pièces dont la moitié sont des créations mondiales, puisant dans tous les alphabets, du post-modern américain aux écrivains du mouvement, des explorateurs de territoires nouveaux aux représentants de la jeune danse française. Les danseurs sont d’une éblouissante technicité et d’une belle simplicité, et développent leur art avec sensualité et majesté.

Brigitte Rémer, le 14 mai 2018

Vu le 8 mai 2018 : Sarabande – chorégraphie Benjamin Millepied, avec Sam Colbey, Alvaro Dule, Marco Merenda, Raul Serrano Nunez –  musique Bach, extraits de la Partita pour flûte seule & des Sonates et Partitas pour violon seul – costumes Paul Cox – lumières Roderick Murray – pièce pour 4 danseurs créée en novembre 2009 par la Cie Danses Concertantes. Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon en décembre 2011. Critical Mass – chorégraphie Russell Maliphant, avec Albert Nikolli , Leoannis Pupo-Guillen – lumières Michael Hulls – musique Andy Cowton, Richard English – pièce pour 2 danseurs créée en avril 1998. Commande de la Thamesdown National Dance Agency avec l’aide du British Ballet Organisation, Londres, et Die Werkstatt, Düsseldorf. Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon le 22 juin 2002.  Steptext chorégraphie William Forsythe, avec Julia Weiss, Tyler Galster, Marco Merenda, Roylan Ramos – musique Jean-Sébastien Bach, Chaconne de la Sonate n°4 pour violon seul en ré mineur, pièce pour 4 danseurs créée en janvier 1985 par l’Aterballetto, à Reggio Emilia/Italie. Entrée au répertoire du Ballet de l’Opéra de Lyon le 15 mars 1987.

Du 2 au 12 mai 2018, à l’Espace Cardin/Théâtre de la Ville, 1 avenue Gabriel. 75008 – métro : Concorde – site : www.theatredelaville – tél. : 01 42 74 22 77