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Le Théâtre palestinien et François Abou Salem

Texte de Najla Nakhlé-Cerruti, publié aux éditions Actes Sud-Papiers – Préface d’Olivier Py.

Actes Sud-Papiers a publié en juin dernier le texte de Najla Nakhlé-Cerruti sur Le Théâtre palestinien et François Abou Salem, juste remise sous les projecteurs du rôle tenu par cet auteur, acteur, metteur en scène et directeur de la troupe El-Hakawati puis du Théâtre National Palestinien/El-Hakawati, à Jérusalem-Est.

Elle retrace brièvement sa biographie avant d’analyser ce qui a sous-tendu sa démarche de création de la première troupe palestinienne, El-Hakawati. Né en 1951 à Provins, François Gaspar, devenu plus tard Abou Salem, est arrivé en Palestine à l’âge de trois ans, son père, de nationalité hongroise, médecin mais également poète, traducteur et photographe, étant nommé chirurgien des hôpitaux français de Jérusalem et Bethléem. Sa mère est peintre, sculptrice et scénographe. Élevé à Jérusalem-Est, François Abou Salem fait ses études secondaires chez les Jésuites de Beyrouth de 1964 à 1968, revient en France où il passe par l’école du Théâtre national de Strasbourg et le Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine, avant de repartir à Jérusalem-Est – que ses parents ont entretemps quitté pour raison d’instabilité politique, contrecoup de la Guerre des Six jours, en juin 1967, et de l’occupation israélienne -. Il commence à y travailler comme comédien et metteur en scène à partir de 1970, au moment où le pays est en pleine dépression et que certains écrivains, comme le grand dramaturge syrien Saadallah Wannous en perdent la parole et l’envie d’écrire. Il devient François Abou Salem, scellant ainsi son destin à celui de son pays d’accueil, la Palestine. Il mettra fin à ses jours en 2011, à Ramallah.

Najla Nakhlé-Cerruti est chercheuse, agrégée d’arabe, chargée de recherche au CNRS et actuellement à l’Institut Français du Proche-Orient où elle dirige l’antenne d’Amman, en Jordanie. Elle a publié en 2022 La Palestine sur scène. Une expérience théâtrale palestinienne de la décennie 2006-2016 et a puisé, pour cette nouvelle recherche, dans les archives de François Abou Salem, précieusement gardées par Amer Khalil au Théâtre national Palestinien/El-Hakawati qu’il dirige, poursuivant le combat pour que le théâtre vive, en Palestine. L’ouvrage est construit en quatre parties, un cahier de photographies est inséré au centre, une carte des lieux évoqués et des repères biographiques se trouvent en final. Olivier Py l’a préfacé. « Le théâtre est la salle d’attente du devenir politique, ce qui ne peut pas être – et pourtant ne saurait mourir – a pour lieu d’existence le théâtre. Il est alors plus nécessaire que tout, il fonde l’avenir, il nie l’impossible, il devient une Espérance. Un homme seul a tenté cela : donner lieu à l’espérance palestinienne par le théâtre », bel hommage rendu à François Abou Salem.

Dans la première partie du livre, Najla Nakhlé-Cerruti présente François Abou Salem et les débuts du Théâtre Palestinien : des troupes amatrices à l’institution, montrant ses tentatives de réalisation de film dans un premier temps, dans un pays sans production et sous contrôle israélien. Contraint de renoncer, il se dirige vers le théâtre en s’entourant de jeunes, passionnés mais assez inexpérimentés, pour former la troupe des Ballons. De fait il structure la troupe et apparaît très vite comme la figure fédératrice du groupe, donnant le coup d’envoi à une réelle dynamique autour de la création théâtrale. Certains fondent ensuite leurs propres troupes par scissiparité, les groupes se décomposent et recomposent dans une certaine effervescence de la création théâtrale. C’est à ce moment-là que François Abou Salem co-fonde avec sa compagne américano-israélienne, Jackie Lubeck, une nouvelle troupe, El-Hakawati, en 1977, s’entourant d’un groupe d’étudiants palestiniens de l’Université hébraïque – Hakawati faisant référence au conteur populaire et affirmant par-là l’identité arabe du théâtre, loin des modèles français. D’emblée il développe la dimension collective de la pratique théâtrale, et présente les spectacles dans les villages les plus reculés du pays – entre autres en 1980 Maḥǧūb Maḥǧūb, métaphore de la société palestinienne. En 1984 la troupe prépare L’Histoire de l’œil et de la dent et s’installe dans un cinéma désaffecté, Al-Nuzha, au coeur de Jérusalem-Est, soutenu financièrement par des fondations dont la Ford Foundation, des institutions locales et des particuliers.

Dans la seconde partie du livre, Le parti pris esthétique au profit des territoires palestinien, Najla Nakhlé-Cerruti refait le parcours des spectacles présentés par François Abou Salem avant même la création de la troupe, comme par exemple en 1971 la pièce Une tranche de vie, et en 1972 L’Obscurité, textes porteurs de revendications au plan social, politique et des identités. Elle met l’accent sur ses innovations et recherches de nouveaux langages scéniques nés de l’improvisation, de la création collective, de l’ouverture à la danse, du travail sur le conteur. François Abou Salem se démarque du modèle européen, travaille sur la langue et l’écriture, montrant la difficulté d’une société où se côtoient divers registres de langue. Il s’appuie sur la littérature orale arabe, les proverbes, le chant et la musique et monte Ali le Galilée en 1982 et Les Mille et une nuits d’un lanceur de pierres, en 1983, renvoyant sa réflexion autour des identités. L’auteure évoque les différentes tournées d’El-Kakawati qui éloignent la troupe de Jérusalem au gré de ses moyens budgétaires et des Intifadas, ces périodes de violence israélo-palestinienne – la première de 1987 à 1993, la seconde de septembre 2000 à février 2005. Elle développe aussi l’objectif de François Abou Salem de former les jeunes générations à la pratique théâtrale et parle de la réception de ses pièces sur le public palestinien, et ailleurs. Et elle rappelle l’extrême difficulté pour El-Hakawati d’être programmé au Festival International de Théâtre de Nancy avec la pièce Au nom du père, de la mère et du fils – dans laquelle un fedaïs palestinien s’exprime sur son peuple et son combat politique – des actions de boycott étant organisés par les milieux israéliens. Le travail de François Abou Salem est pourtant repéré et trouve un bel écho dans le monde arabe et la troupe s’inscrit dans un réseau mondial de théâtres engagés.

La troisième partie : Le Théâtre palestinien de François Abou Salem en exil parle des dissensions qui se font jour au sein de la troupe et de l’obligation de recomposer le groupe. Pendant une tournée à l’étranger le conseil d’administration du lieu se réunit à Jérusalem-Est et décide de transformer son théâtre en Théâtre National Palestinien ce qui réduit considérablement la marge de manoeuvre de la troupe et ressemble à une dépossession du projet et du lieu bâtis par François Abou Salem. Il rebaptise la troupe Théâtre National Palestinien/El-Hakawati et décide, en 1990, après trente ans passés dans le pays, de quitter la Palestine. Il s’installe à Paris. La période est plutôt fructueuse en termes de rencontres avec d’autres artistes, dans les différents pays où se produit la troupe qui présente plusieurs spectacles dont À la recherche d’Omar Khayyam que François Abou Salem réécrit en prenant en compte le nouveau contexte de la Guerre du Golfe, et Rapport pour une nouvelle Académie à partir du texte de Kafka. Trois ans plus tard François Abou Salem se réinstalle en Palestine où il présente Jéricho, Année zéro, dans une polyphonie de voix et comme un recommencement après l’échec des Accords d’Oslo. Il monte une pièce quasi autobiographique, Motem, des textes d’une certaine violence comme Abou Ubu au marché des bouchers, adaptation d’Ubu Roi, et ce qui sera sa dernière pièce, Dans l’ombre du martyr où il évoque le suicide. Il se passionne pour les neuro sciences et tout ce qui parle du cerveau le captive. Mais petit à petit la solitude le cerne et il se donne la mort, en 2011. Le temps se suspend d’autant que la troupe est alors en France, présentant Antigone de Sophocle au Théâtre des Quartiers d’Ivry. Son assistant, Waseem Khayr, reprendra Dans l’ombre du martyr, mettant en scène son absence.

La quatrième partie du livre de Najla Nakhlé-Cerruti présente L’héritage de François Abou Salem et le Théâtre palestinien contemporain. Sont évoqués la diversité des lieux et l’adaptabilité nécessaire dans un pays où l’infrastructure n’existe pas, la création d’un collectif transnational en 2016, le travail d’acteurs seuls en scène au départ par manque de ressources mais aussi porteurs de leurs exils. Plusieurs noms d’auteurs palestiniens émergent comme Taher Najib, avec sa pièce À portée de crachat, Amer Hlehel avec Taha, ou encore le Théâtre Ashtar avec Les Monologues de Gaza. La jeunesse raconte ses histoires de guerre et de siège. Bashar Murkus qui vient de créer l’Ensemble Khashabi présente Le temps parallèle et D’autres lieux. Amer Khalil, directeur du Théâtre National Palestinien/El-Hakawati lui demande de mettre en scène un spectacle retrouvé dans les cartons de François Abou Salem et qu’il avait monté en 1993, La Conférence des oiseaux de Farid ud-Din Attar. La pièce est présentée en 2013 au Théâtre National Palestinien/El-Hakawati devant un nombreux public et marque comme une renaissance du lieu. Pour Najla Nakhlé-Cerruti, Bashar Murkus serait l’héritier naturel de François Abou Salem : « Par une diversité de styles et un travail sur la langue arabe destinée à la scène, son théâtre se veut capable de s’adresser aux communautés locales, comme le faisait François Abou Salem. » Connu des réseaux internationaux, Bashar Murkus a présenté plusieurs spectacles au Festival d’Avignon dont Le Musée en 2021, Milk en 2022 et cette année, en 2025, Yes, Daddy ! (cf. Ubiquité-Cultures du 29 juillet 2025).

Aujourd’hui, Amer Khalil continue à défendre l’action de François Abou Salem et du Théâtre National Palestinien/El-Hakawati, malgré toutes les embûches – le manque de moyens et des libertés, les interdictions israéliennes de tout rassemblement de plus de cinquante personnes etc. – À l’heure du génocide de Gaza et de la colonisation à outrance, il reste le gardien du temple de la création à Jérusalem-Est, où plane la figure de François Abou Salem et de tous les artistes qui ont participé à cette aventure, humaine et professionnelle et fait vivre le lieu. Il poursuit le combat. C’est ce que montre au fil des pages et de son enquête, Najla Nakhlé-Cerruti, reconstituant le parcours de l’auteur, acteur, metteur en scène et directeur de la troupe El-Hakawati qui a marqué le Théâtre National Palestinien de son empreinte et dont les jeunes créateurs ont repris le flambeau. Pour son travail, Najla Nakhlé-Cerruti a reçu le Prix du Meilleur livre sur le Théâtre attribué par le Syndicat de la critique Théâtre, Musique et Danse.

Brigitte Rémer, le 11 août 2025

Le Théâtre palestinien et François Abou Salem, de Najla Nakhlé-Cerruti est publié aux éditions Actes Sud-Papiers / collection Apprendre – Préface d’Olivier Py – (115 pages, 14 €) – Les visuels ci-dessus sont issus de l’ouvrage.

 

Une Assemblée de femmes et Me and my soul

© Alice Sidoli

Soirée en deux temps : présentation du spectacle Une Assemblée de femmes, d’après le texte d’Aristophane, par le Théâtre National Palestinien-Al Hakawati, (direction Amer Khalil), adaptation Jean-Claude Fall, co-mise en scène Roxane Borgna, Jean-Claude Fall et Laurent Rojol – précédé de Me and my Soul, performance et chorégraphie de Raïda Adon – Vu le 22 septembre à l’Institut du Monde Arabe/Paris, dans le cadre du cycle Ce que la Palestine apporte au monde.

C’est une soirée exceptionnelle présentée par l’Institut du Monde Arabe, avec le Théâtre National Palestinien-Al Hakawati. François Abou Salem, directeur de la compagnie El-Hakawati l’avait fondé en 1984 à Jérusalem-Est, et la troupe est venue à plusieurs reprises au Théâtre des Quartiers d’Ivry, invitée par Elisabeth Chailloux et Adel Hakim qui le dirigeaient. Ce dernier a mis en scène avec la troupe plusieurs spectacles : Antigone, en mars 2012, repris en novembre de la même année (cf. notre article du 15 novembre 2012, dans Le Théâtre du Blog) puis repris en 2017 pour l’inauguration de la Manufacture des Œillets (cf. notre article du 12 janvier 2017, dans Ubiquité-Cultures) ; Chroniques de la vie palestinienne co-mises en scène avec Kamel El Basha, un hymne à la vie, à la création, aux rêves qui avaient force de témoignage, comme les photos de Nabil Boutros rapportées des territoires palestiniens et présentées dans le hall du théâtre (cf. notre article du 27 mars 2012, dans Le Théâtre du Blog) ; Des Roses et du Jasmin une traversée de l’histoire contemporaine et du conflit israélo-palestinien de 1944 à 1988, spectacle présenté en 2017 (cf. notre article du 30 janvier 2017, dans Ubiquité-Cultures).

© Alice Sidoli

Une Assemblée de femmes, autrement dit celles qui siègent à L’Assemblée, est issue de L’Assemblée des femmes, comédie grecque antique d’Aristophane composée vers 392 avant Jésus-Christ : les Athéniennes se rassemblent à l’aube pour décider de leur sort et prendre les décisions qui s’imposent pour sauver la cité, en lieu et place des hommes. Pour ce faire elles se travestissent en empruntant à leurs maris et derrière leur dos, pantalons et vestes, chapeaux et chaussures, se collent barbes et moustaches postiches. « Tâche de parler comme un homme, sois comme un homme, pense comme un homme » se disent-elles entre elles, s’encourageant les unes les autres. En soi la situation est déjà des plus comiques, d’autant quand les hommes se réveillent et qu’ils se retrouvent sans vêtements, se souvenant avoir rendez-vous à l’Assemblée, et pour cause, ils sont payés. Ils revêtent alors les robes de leurs épouses.

© Alice Sidoli

La pièce est une satire politique autant qu’une ode à la femme, à la justice, aux droits humains. Les femmes font corps et se regroupent pour faire pression et dire non à l’oppression et à la violence. Elles sortent et se battent comme des lionnes, relèvent des défis à commencer par celui du patriarcat et de l’autocratie. Plusieurs draps tendus artisanalement et posés côte à côte, forment des écrans derrière lesquels, éclairées par des falots, elles projettent leurs ombres et envoient une multiplicité de messages, complément au texte et aux actions qui se déroulent sur scène. Une échelle et un porte-voix pour accessoires, des projecteurs pour éblouir la salle et s’adresser au peuple, le public. On est entre le théâtre de tréteaux et le théâtre-forum.

« Vous avez bien fait tout ce qu’on a décidé ? s’inquiète l’une d’elle, qui s’inscrit comme leader. » C’est par le burlesque qu’elles font passer leurs messages et abolissent le rapport scène-salle. On les retrouve prenant place dans le public, au premier rang, jouant avec les espaces scéniques et les espaces de la salle, avec le public. « Les femmes ont plus d’idées que les hommes » profèrent-elles avec décontraction et conviction, « elles font les choses de façon plus sensible, elles ont la responsabilité de la famille. »  Ces femmes poussent très loin le jeu, montent un programme politique, l’une se verrait bien présidente, tout en déclarant que « chacun de nous est capable de changer le monde. »

© Alice Sidoli

Le télescopage hommes-femmes prête à une cacophonie attendue, souligné par des cris, des sirènes hurlantes, des gesticulations, de la provocation. « Qu’est-ce qui a été décidé ? » se risque à demander l’une d’elle. « De leur donner le pouvoir » répond un homme. Et toutes de lancer leurs vêtements empruntés pour partir travailler. Un homme questionne sa femme, avec démagogie, la réponse est une scène de ménage et la déclaration d’une urgence absolue. « Nous allons proposer tout cela… » dit une autre. « Et toi, tu en penses quoi ? » demande une troisième à la salle. Un écran s’illumine des mots de Mahmoud Darwish : « Nous avons tout sur cette terre pour que ça vaille le coup de vivre… » et toutes se tournent vers le public pour le questionner. S’engage un débat avec la salle, qu’elles réussissent à maitriser : « Nous voulons entendre de vous. C’est le moment de… Donnez-nous vos idées. » Quelques questions fusent autour de l’impérialisme occidental, de l’éducation, de la violence conjugale, des religions, de l’apartheid vécu en Palestine.

Leur programme est annoncé, telle une belle utopie : « tout est à tous, on partage les terres et l’argent, les biens et les ressources et on fait communauté ; c’est la fin des puissants, personne ne pourra voler personne, tout le monde travaillera la terre… Il nous faut essayer. » Et chacune y va de son paradoxe : « Qui s’occupera de la maison ? Je peux vivre sans eux, oui mais qui nous remontera le moral ? » Et l’un apporte ses trois valises, pleines de ses affaires personnelles, pour partager : « Tu es fou, un peu de bon sens… » le reprend-on. Un autre attend de voir ce que fait le voisin. Deux autres semblent sceptiques et expriment leurs doutes et les choses se diluent, « il y a tant de choses qu’on a décidé de faire et qu’on ne fait jamais… » Et les Palestiniennes et Palestiniens présents sur scène, constatent leur capacité d’adaptation : « En Palestine, on change le monde tous les jours. »

La chute du spectacle leur donne du courage et des slogans : « Vous êtes fortes et vous êtes uniques. Femmes du monde, soyez fières d’être femmes. » On ne sait si, dans son Assemblée des femmes, Aristophane tournait en dérision l’utopie sociale et politique du pouvoir des femmes, ou les admirait, mais on peut lire la pièce comme un plaidoyer sur le vivre ensemble et la place des femmes, tant dans la société qu’en politique. Le Théâtre National Palestinien-Al Hakawati, et particulièrement les actrices, qui, le temps de la pièce, prennent le pouvoir, sont remarquables de causticité et de mobilité dans leur prise de parole publique et dans le langage théâtral qu’elles élaborent. On ne sait plus vraiment où l’on est : Athènes, Paris ou Jérusalem-Est dans sa tradition du Hakawati, le conteur arabe.

R. Adon, Me and my soul © A. Sidoli

Précédant une Assemblée de femmes, une performance et peinture vidéo signée de Raida Adon, Me and my soul, était présentée, dans une chorégraphie de Renana Raz. La forme mêle design vidéo et projection live réalisé par Asia Nelen, la danse est interprétée par Raida Adon. Une intervention proche du théâtre d’ombres où l’artiste dialogue avec son ombre, avec elle-même, et commente un texte poétique par ses dessins. Elle apporte un univers onirique face à la guerre, parle de résilience et d’espoir. Des oiseaux meurent en plein vol et se transforment en avion, des corbeaux de mauvais augure rôdent. Raida Adon mène un jeu à deux, basé sur le dédoublement et le face à face. Elle se relève et tombe, efface de sa jupe quelques signes qui se répètent et se déforment. Elle marche, puis se couche le long de l’écran qui affiche une croix, des cloches, les pleureuses. Elle grave ses dessins sur l’écran, s’allonge contre un corps mort, donne la main à une forme humaine-un squelette, puis son mouvement se suspend, elle chante et se fond au végétal. L’écran s’éteint, on entend le bruit de la mer qui se retire, au loin, et dont les couleurs se délavent et s’épuisent. Artiste palestinienne multimédia, Raida Adon lie ses œuvres – présentées dans plusieurs galeries et musées internationaux – à sa biographie, évoquant les nations en conflit et les relations entre les sociétés interdépendantes.

Le cycle proposé par l’IMA Ce que la Palestine apporte au monde a débuté au mois de mai et se poursuit jusqu’à la mi-novembre. Son objectif était d’évoquer la Palestine à l’heure où elle semblait quelque peu délaissée et de la montrer telle qu’elle inspire le monde, dans sa complexité et sa richesse, d’explorer, « comment vit, s’exprime et se perçoit la Palestine aujourd’hui. » Dans la crise du pire qui s’est invitée depuis le 7 octobre dernier et à laquelle elle fait face, et avec elle le monde, qu’en sera-t-elle demain ?

Brigitte Rémer, le 27 octobre 2023

Une Assemblée de femmes, avec :  Fatima Abu Alul, Ameena Adilehn, Iman Aoun (comédienne et directrice du Théâtre Ashtar), Mays Assi, Firas Farrah, Nidal Jubeh, Shaden Saleemn,  Amer Khalil (comédien et directeur du Théâtre National Palestinien-Al Hakawati) – adaptation,  Jean-Claude Fall – co-mise en scène Roxane Borgna, Jean-Claude Fall et Laurent Rojol – interprète Dana Zughayyar – traduction de la pièce d’Aristophane en arabe palestinien Ranya Filfil – Création franco-palestinienne par le المسرح الوطني الفلسطيني/ الحكواتي The Palestinian National Theatre, coproduite par le TNP, la Manufacture/compagnie Jean-Claude Fall, l’Institut Français de Jérusalem-Chateaubriand, avec le soutien du Consulat Général de France à Jérusalem – Me and my soul, Performance et peintures vidéo, Raida Adon – chorégraphie, Renana Raz – design vidéo et projection live, Asia Nelen.

Exposition Ce que la Palestine apporte au monde, du 31 mai au 19 novembre 2023, du mardi au vendredi de 10h à 18h, samedi et dimanche de 10h à 19h. Fermé le lundi – Institut du Monde Arabe, 1 Rue des Fossés Saint-Bernard, Place Mohammed-V, 75005 Paris – métro : Jussieu – site : www.imarabe.org – (cf. notre article du 30 juin 2023, dans Ubiquité-Cultures).