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Thikra : Night of Remembering

Chorégraphie Akram Khan – conception visuelle, costumes et scénographie Manal AlDowayan – concept narratif Manal AlDowayan et Akram Khan – création au Théâtre de la Ville Sarah-Bernhardt.

@ Camilla Greenwell

Thikra/La Nuit de la souvenance, que proposent Akram Khan pour la chorégraphie et Manal AlDowayan pour la conception visuelle, est une cérémonie rituelle qui parcourt le mythe de l’humanité, fait référence au souvenir et relie le passé au présent.

Une communauté de femmes se réunit pour honorer sa doyenne disparue et s’apprête à nommer celle qui va lui succéder. Celle-ci sera mise à l’épreuve. Une grande prêtresse descend de son Olympe, hiératique et somptueusement vêtue de couleur pourpre, pour faire revenir l’esprit de la disparue. C’est sous les traits d’une élégante jeune femme – qu’interprète Ching-Ying Chien qu’elle réapparaît, tandis qu’Azusa Seyama Prioville – issue du Tanztheater de Wuppertal – assure le rôle de la jeune aspirante, en alternance avec Jin Young Won.

La narration appelle le spirituel et se construit en dialogue avec le chœur des femmes, plus tard avec un chœur d’hommes, sortes de prêtres vêtus de splendides tuniques lie-de vin qui dégage une grande énergie. Plusieurs séquences marquent cette histoire mythique qui repose sur la transmission. Thikra appelle la mémoire.

@ Camilla Greenwell

Le spectacle est d’une grande beauté visuelle, par la précision du geste et par les costumes toutes couleurs – signés de Manal AlDowayan, plasticienne saoudite qui en réalise aussi la scénographie. Elle a travaillé avec les artisans de sa région – la région d’Al-Ula, en Arabie Saoudite et réalisé les costumes avec les tisserands de la communauté, jusqu’au moindre détail des drapés, broderies, ceintures etc. Il y a un grand raffinement et un art du détail dans les costumes qui mettent en valeur les corps et épouse la chorégraphie. Manal AlDowayan a fait découvrir sa région à Akram Khan, une région traversée par différentes cultures et habitée par les Nabatéens, proches des Araméens. Il lui a été donné d’assister à certains rituels réservés aux femmes et gardés secrets, comme la danse des cheveux où les longues chevelures des femmes voltigent dans l’énergie de mouvements répétitifs des têtes, qui font des rotations avec intensité, et qu’il montre sur la scène.

Thikra s’est nourri de la coutume locale où la déclamation des poètes, hommes et femmes s’intègre dans un environnement naturel lié aux sites culturels millénaires. Le spectacle a été présenté en extérieur, dans le désert rocheux de la région, avant de l’être en intérieur au festival Montpellier Danse 2025. La ré-interprétation du paysage dans la scénographie donne la perception de l’environnement, la création lumières (signée Zeynep Kepekli) la met en valeur. La musique construit un travail savant entre instruments traditionnels – dont de superbes percussions et séquences vocales, un peu trop avalées par une composition moderne insistante, perdant la richesse et la subtilité des instruments traditionnels et donnant à l’ensemble une légère teinte bollywoodienne, (son Gareth Fry).

@ Camilla Greenwell

Présentées depuis plus d’une vingtaine d’années au Théâtre de la Ville, les chorégraphies d’Akram Khan s’inscrivent dans la veine du Kathak et du Bharata Natyam. Danseurs et danseuses, viennent de différents pays d’Asie, d’Europe et d’Australie et maitrisent magnifiquement ces alphabets de la danse. Le travail du chorégraphe, qui contribue au développement de la danse au Royaume-Uni et à son rayonnement international, rencontre ici avec bonheur le geste artistique de Manal AlDowayan qui vit et travaille entre Londres et Dhahran, et qui a représenté l’Arabie saoudite à la 60e Biennale de Venise

Des mouvements d’ensemble, somptueux, au féminin comme au masculin alternent avec les séquences narratives, dans un bel équilibre et une parfaite maîtrise, mêlant danse occidentale et tradition indienne du Bharata Natyam. Après avoir accompli sa mission et par cette cérémonie, facilité le passage de témoins entre les générations, la grande prêtresse remonte dans son Olympe.

@ Camilla Greenwell

À travers Thikra/La Nuit de la souvenance, Akram Khan et Manal AlDowayan montrent avec talent le pouvoir des femmes et développent une écriture du sacré qui s’inscrit comme un harmonieux contrepoint dans le monde d’aujourd’hui.

Brigitte Rémer le 25 octobre 2025

Avec : Pallavi Anand, Ching-Ying Chien, Kavya Ganesh, Nikita Goile, Samantha Hines, Jyotsna Jagannathan, Mythili Prakash, Azusa Seyama Prioville, Divya Ravi, Aishwarya Raut, Mei Fei Soo, Harshini Sukumaran, Shreema Upadhyaya, Jin Young Won, Kimberly Yap, Hsin-Hsuan Yu. Composition musicale et environnements sonores Aditya Prakash – son Gareth Fry – créations lumières Zeynep Kepekli – assistant à la création Mavin Khoo – dramaturgie Blue Pieta –
répétitions Angela Towler et Chris Tudor.

Du 22 au 30 octobre 2025, à 20h, samedi 14h et 20h -Théâtre de la Ville-Sarah-Bernhardt, 2 place du Châtelet – 75004. Paris – tél. : 01 42 74 22 77 – site : www.theatredelaville-paris.com

Outwitting the Devil

© Théâtre de la Ville

Chorégraphie de Akram Khan, dramaturgie Ruth Little – Au 13ème Art/Théâtre de la Ville.

Danseur et chorégraphe anglo-bangladais, Akram Khan tente de parler de biodiversité à travers le récit épique et fondateur de Gilgamesh, qui se compose de douze tablettes sumériennes rédigées en akkadien. C’est l’une des œuvres littéraires les plus anciennes de l’humanité. Pourtant le chorégraphe n’en donne guère les clés.

Par son désir de gloire et d’immortalité, Gilgamesh, roi de la ville d’Uruk en ancienne Mésopotamie, s’attire la colère des dieux. Au titre de représailles ils lui envoient Enkidu, pour le combattre. Mais Gilgamesh et Enkidu scellent entre eux une puissante amitié et triomphent du géant Humbaba et du Taureau céleste. A la recherche d’actes héroïques, Gilgamesh entraine Enkidu dans un long et périlleux périple à l’issue duquel ce dernier trouve la mort, plongeant Gilgamesh dans le désespoir. Celui-ci part à la recherche de la fleur de l’immortalité et son errance solitaire le mène jusqu’aux confins du monde et de l’enfer.

Akram Khan part dune des tablettes sumériennes retrouvée en 2011, en Irak pour construire sa chorégraphie, « Outwitting the Devil » (Tromper le diable, se jouer de lui). La scénographie aux murs noirs parsemée de tablettes calcinées l’évoque, mais la destruction par le vieux roi d’Uruk de l’emblématique forêt de cèdres, telle qu’annoncée, n’est guère lisible. Six danseurs, quatre hommes et deux femmes de cultures différentes, portent le mythe. Pourtant les intentions du chorégraphe restent floues, la dramaturgie incertaine et le récit discontinu du vieux Gilgamesh revenant sur sa vie, inaudible. Seule Mythili Prakash, danseuse de Kathak qui témoigne magnifiquement de cette danse classique indienne qu’Akram Khan affectionne et à laquelle il a lui-même été formé très jeune, émerge. Dans son sari or, la beauté et la justesse du geste parfaitement accompli de cette déesse de la nature porte une partie du spectacle.

Akram Khan inscrit sa chorégraphie, comme il sait le faire, dans l’interculturel et cherche, entre tradition et geste contemporain, mais on s’enfonce ici dans la complexité de la légende dont on perd le sens. Par ailleurs la musique en dolby stéréo dans cette ancienne grande salle de cinéma high tech circule avec un peu trop de puissance et souligne fortement l’action, lui donnant un côté grandiloquent. Mais qu’est-il venu faire en cette galère ? On sort déçu du côté de la légende, autant que de l’écologie annoncée (!) et de la chorégraphie.

Brigitte Rémer, le 20 septembre 2019

Avec Ching-Ying Chien, Andrew Pan, Dominique Petit, Mythili Prakash, Sam Pratt, James Vu Anh Pham – dramaturgie Ruth Little – lumières Aideen Malone – conception visuelle Tom Scutt – musique originale, son Vincenzo Lamagna – costumes Kimie Nakano – texte Jordan Tannahill – direction des répétitions Mavin Khoo

Du 11 au 20 septembre 2019, à 20h – au 13ème Art, Place d’Italie, 75013. Paris – métro : Place d’Italie – Site : theatredelaville-paris.com – Tél. : 01 42 74 22 77. Et aussi, du 12 au 22 décembre 2019, reprise de Xénos, à La Villette.