Pouilles, conception d’Amedeo Fago

Photo © Pascal Victor

Photo © Pascal Victor

Tarente, dans les Pouilles, ce port de la mer Ionienne situé à l’extrême sud de l’Italie, entre Méditerranée et Adriatique, fait partie de la mythologie familiale du jeune Amedeo qui l’a fréquenté depuis l’âge de treize ans, quand son père pour la première fois l’y a amené. Il se souvient des voitures à cheval et du bruit des sabots sur les pavés mais avec l’industrialisation massive, peine aujourd’hui à le reconnaître. Son père lui avait fait aimer la ville, depuis sa mort il n’y est plus revenu.

Le spectacle est un récit de vie qu’Amedeo Fago écrit sur scène, assis à son bureau dans un coin du plateau, côté cour. L’homme est silencieux et interroge sa généalogie, essayant de mettre des noms sur des visages qu’il n’a jamais connus. Tarente 2011 le remplit de nostalgie, face à la maison le long du front de mer, aux cris des mouettes, au caveau familial dernière demeure du père, laissé à l’abandon depuis vingt-cinq ans.

Les photos projetées sur un écran en fond de scène remontent le temps et nous font entrer dans son panthéon. Avec lui nous feuilletons l’album des ancêtres, dans un compte à rebours partant du début XIXème quand l’Italie était royaume, gouverné par la dynastie de la Maison de Savoie et jusqu’à Mussolini, le fasciste. L’Histoire s’inscrit en filigrane tout en restant à distance, c’est de famille dont il s’agit : « C’était le cinquième enfant de mon arrière grand-père Nicola et il était né en 1841. Les trois lettres que j’avais trouvées se trouvaient dans un petit cartable de cuir écrites sur papier à entête de la Chambre des Députés du Royaume d’Italie… Angelo, le sixième des fils né en 1844, deviendra, quant à lui, mon grand-père…»

Au fil de la narration, l’auteur-acteur-metteur en scène fait une incursion de l’autre côté du plateau où se trouvent quelques mannequins qu’il habille des vêtements sortis d’une armoire ou qu’il plie avec soin, les empilant dans la malle en osier posée devant lui. Comme le linge, les souvenirs se rangent. Et la grande Histoire croise l’histoire familiale, la mémoire politique se teinte de mémoire sociale, dans ce travail d’identification et de recherche des racines. Habité des fantasmes du passé, Amedeo Fago ré-écrit son histoire et se raconte, passant par le filtre du récit enregistré, – c’est son parti pris de mise en scène – ce qui donne parfois l’impression, avec image et son, de suivre Arte à la télé.

Dans le dernier tableau et descendant du cadre, se détache le père. Nous entrons en théâtre, « espace intemporel » selon l’auteur . Un acteur, jeune, s’avance dans le rôle du père à la rencontre d’un fils aux cheveux gris, inversant les générations : « Qui es-tu ? » dit le jeune – «Je suis ton fils » dit l’ancien qui remet à son père le livre de la transmission. Un symbole du temps s’affiche, – une grande horloge – qui, pour quelques instants, devient le personnage principal de la scène.

On referme l’album de ce récit familial, archétype d’une région les Pouilles, et d’une Nation l’Italie, repassant son Histoire et sa géographie du pays, comme un lointain souvenir.

 brigitte rémer

Texte, conception et mise en scène : Amedeo Fago – Jeu : Amedeo Fago et Giulio Pampiglione – Traduction : Patrick Sommier – Costumes : Lia Francesca Morandini – Musique : Franco Piersanti – Effets spéciaux : Davide Ippolito et Luca Di Cecca – Montage vidéo : Daniele Carlevaro – Régie vidéo : Nicola Spagna et Valerio Cappelluti – Assistanat à la mise en scène Alberto Battocchi.

Présenté du 4 au 13 mars au Théâtre Gérard Philipe CDN de Saint-Denis par la MC93, dans le cadre du Festival Le Standard Idéal. (Programme détaillé : www.MC93.com – tél. : 01 41 60 72 72)

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Le sel de la terre, de Wim Wenders et Juliano Salgado

affiche

affiche

C’est un film où se croisent les regards de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado sur le parcours du grand photographe brésilien Sebastião Salgado. Les fils du récit tissé à la première personne nous plongent dans sa quête artistique et dans l’Histoire avec un grand « H », celle de l’humanité et de ses tragédies. Il rapporte des images des différents espaces géographiques qu’il traverse, ravagés par la famine et la guerre et qui ont valeur de témoignage. Face à cette mémoire collective s’inscrit son histoire de vie et les contours de la mémoire individuelle sous le regard de son fils, Juliano. « La photo dessine le monde avec des lumières et des ombres » pose-t-il, en introduction.

Avec quelques extraits de film, les premières images entrainent le spectateur au cœur de la Serra Pelada, gigantesque mine d’or en cours d’exploitation. Plus de cinquante mille personnes y travaillent comme dans une fourmilière, de façon très organisée et totalement folle dans l’espoir de trouver quelques précieuses pépites qui leur donneront un passeport pour l’indépendance.

A l’opposé de ces solitudes juxtaposées, en action, c’est l’image en suspend d’un touareg aveugle qui interpelle Sebastião Salgado et induit un peu plus tard son choix de photographier, avec un appareil acheté par son épouse Lélia, qu’il s’approprie. « Le sel de la terre, c’est l’homme », dit-il, et il fabrique son regard à travers l’immensité des paysages dont il se nourrit, dans l’enfance, autour de la ferme où il grandit avec ses sept sœurs, dans la région de Minas Gerais, point d’ancrage de la famille. « Ici je rêvais beaucoup… Ici j’ai une idée de la planète ».

Il s’exile avec Lélia en 1969 pour fuir la dictature au Brésil, part à Londres, puis en France où il s’installe avec sa famille. Il parcourt le monde et réalise des reportages aux quatre coins de la planète. Il se rend en Papouasie occidentale en 1971, d’où il rapporte des images de danse et de chants guerriers, de femmes en majesté, puis au Niger en 1973. Otras Americas, son premier grand projet mené de 1977 à 1984, lui permet de frôler son continent dont il a une forte nostalgie. Il y côtoie les Guajacas, au Mexique, une communauté de musiciens où chacun pratique un instrument, observe les croyances en Equateur à plus de 3400 mètres d’altitude. Sa définition du portrait parle de don et de contre don : « Les yeux racontent beaucoup… Un portrait, c’est la personne en fait qui t’offre la photo ». Plus tard, en région Arctique, il montre à Juliano la difficulté de la prise de vue, sans action ni arrière plan, sur fond d’ours blancs et de rendez-vous avec les morses.

De retour au Brésil à la fin des années 70 avec sa famille, il prend de plein fouet les changements du pays et a besoin de solitude. Il décide d’explorer le Nordeste qu’il ne connaît pas et découvre le fléau de la sècheresse, les paysans sans terre, une mortalité infantile qui fait des ravages. Sa région de Minas aussi s’est desséchée, elle a perdu sa forêt. Il peine à reconnaître la ferme paternelle entourée de déserts.

De 1984 à 1986, il témoigne de la famine au Sahel et de l’extrême détresse, du choléra qui décime, de la fuite des coptes vers le nord de l’Ethiopie, de l’exode vers le Soudan sous couleur de Médecins sans Frontières, de l’arrivée en terre fertile, près du Nil bleu. « On s’habitue à la mort » dit-il, face à d’immenses camps de réfugiés, plongés dans le froid et la mort. Le bout de la détresse est atteint en 1985, année de sécheresse intense, au Mali, « la peau ressemble à une écorce » et les tempêtes de sable se succèdent. Suivent en 1991, les champs de pétrole et cinq cents puits en feu au Koweit à deux pas de l’Irak, puis l’Afrique à nouveau en 1994, avec l’exil des Rwandais, les kilomètres de morts le long des routes, le génocide. « L’homme est un animal féroce, d’une violence extrême ». Et la même année, en Yougoslavie, il découvre la même violence. Trois ans plus tard au Congo, même destruction même errance pour des milliers de personnes cachés des mois dans la forêt. Plus de deux cent dix mille manqueront à l’appel, « Il n’y a pas de salut pour l’espèce humaine »

Après avoir engrangé tant de violence, Sebastião Salgado remet en cause son travail et se pose les questions fondamentales de la condition humaine, il a besoin de se ressourcer. Il commence à replanter, avec Lélia, quelques hectares d’arbres autour de la ferme familiale où il est retourné. Petit à petit émerge l’idée de retrouver les forêts de l’enfance, de recréer un éco système, et de 2004 à 2013 se développe le projet Génésis, véritable hommage à la planète, avec la création de l’Instituto Terra. « C’est l’histoire de ma vie, je laisse la forêt » conclut-il.

Derrière la dimension biographique et la manière dont Sebastião Salgado est possédé par son sujet, se joue le sort du monde. Son engagement passe par le témoignage, en noir et blanc, la photo est somptueuse et parle d’anéantissement, là est le paradoxe. L’espace critique n’est pas présent, tel n’est pas le propos du film qui pose les repères d’une vie d’artiste dans sa chronologie, mais qui n’interroge pas l’image sur les limites de ce qu’on peut montrer, ni les positionnements philosophiques et politiques du photographe. On en sort avec un fardeau en même temps qu’avec émotion et humanité.

 brigitte rémer

Film documentaire franco-italo-brésilien réalisé par Juliano Ribeiro Salgado et Wim Wenders, sorti le 15 octobre 2014, (1h49). Unifrance Films et Decia Films. Distribution en France, Le Pacte. Le film a obtenu plusieurs récompenses dont le Prix spécial Un certain regard au dernier Festival de Cannes.

Le cinéma, une affaire d’État 1945-1970

Ouvrage publié sous la direction de Dimitri Vezyroglou

cinema affaire dEtat_NLe Comité d’Histoire du ministère de la Culture et de la Communication, en partenariat avec l’Université Paris I avait réuni en 2013, au cours de journées d’études, des chercheurs en histoire du cinéma, historiens, économistes et personnalités engagées dans les politiques publiques du cinéma. L’idée était de débattre sur ce qui fonde intrinsèquement le cinéma, cette tension entre l’art cinématographique et son inscription dans le champ des industries culturelles.

La publication des actes, Le cinéma : une affaire d’État 1945-1970, en est le prolongement. Présenté au cours d’une table ronde animée par l’historien Jean Lebrun il y a un an, en présence de Frédérique Bredin, présidente du Centre national du cinéma et de l’image animée, et de Maryvonne de Saint Pulgent, présidente du Comité d’histoire, l’ouvrage replace dans son contexte les premiers pas d’une politique dite de qualité, pour le cinéma français : ses systèmes d’aide à la production et la création ; le mouvement des ciné-clubs et le développement de l’art et essai ; la question de la conservation et de la diffusion du patrimoine cinématographique. Il propose aussi certains éclairages sur la question de la censure et sur l’attitude de certains groupes vis-à-vis du cinéma – l’institution militaire, les catholiques, ou le parti communiste – illustrant sa place dans la société française à cette époque, et l’enjeu politique qu’il représente.

L’étude couvre une période de vingt-cinq ans et se compose de quatre parties : Mise en place d’une politique du cinéma – Quantité et qualité : le système d’aide à la production et l’économie du cinéma – Feux croisés : le cinéma entre culture et politique – Production et diffusion d’une culture cinématographique. Elle met particulièrement l’accent sur le moment charnière où le Centre national du Cinéma, sous tutelle du ministère de l’Industrie depuis sa création, en 1946, est transféré au ministère des Affaires culturelles, créé par le Général de Gaulle pour André Malraux, en 1959.

 Avant, le contrôle et la censure, le corporatisme et le poids des syndicats primaient, et la profession était divisée, car producteurs et exploitants avaient des intérêts divergents. A partir de 1959, le modèle du cinéma français bascule, avec toute sa complexité. Le Centre national du cinéma en devient le pilier et le bouclier, par l’instauration notamment de l’avance sur recettes, qui se substitue à l’avance sur scénario, distribuée de manière automatique et remboursée par son producteur si le film réussissait. Il cherchera à s’adapter, au fil des évolutions de la société et des mutations de la filière, notamment lors du passage aux chaines et au petit écran, puis lors du développement de la vidéo, en plus ou moins bonne harmonie avec l’administration de la Culture.

 Le projet de Malraux, de coupler les collections de la cinémathèque française aux maisons de la Culture, et le réseau des ciné-clubs aux antennes de la Cinémathèque française après exploitation, avait crispé les exploitants locaux même s’il aidait certaines salles, nées avant la seconde guerre mondiale, à programmer des films de qualité – ce fut le cas du Studio 28, du Vieux Colombier ou encore des Ursulines -.

 La crise du cinéma est endémique, et il lui faut s’adapter, c’est ce que montre l’ouvrage, pour ce qui est des années 1945 à 1970. La création de l’UGC, fondé en 1946, suite à la nationalisation des biens allemands saisis à la Libération, et sa privatisation en 1970 dans le droit fil de l’alliance entre Gaumont et Pathé au sein d’un Groupement d’intérêt économique, l’arrivée de la télévision en 1957, et le vieillissement des salles populaires, ont entrainé une chute spectaculaire de la fréquentation, passant de 450 millions d’entrées à 200 millions. L’apparition des multiplexes en 1967, la création de Canal + en 1984, ont eu les mêmes répercussions. Aujourd’hui, c’est en écho au tout numérique et à ses enjeux, qu’il doit s’adapter.

 La télévision et le cinéma se sont ensuite beaucoup fréquentés, dans des interactions complexes. La création de la taxe audiovisuelle, le pré-achat des films par la télévision, le rachat des studios de cinéma, la privatisation de la télévision, l’influence de la pénétration du cinéma américain et ses fluctuations, l’émergence des distributeurs nouvel intermédiaire entre producteurs et diffuseurs qui contribuent à la diversité de l’offre, ont marqué la structuration du paysage cinématographique.

 Le cinéma : une affaire d’État. 1945-1970, passionnant ouvrage historique réalisé sous la direction de Dimitri Vezyroglou, maître de conférences en histoire du cinéma à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne et membre de l’équipe Histoire culturelle et sociale de l’art, rassemble les contributions de Laurent Creton, Sébastien Denis, Pauline Gallinari, Frédéric Gimello-Mesplomb, Frédéric Hervé, Pascal Legrand, Mélisande Leventopoulos, Stéphanie-Emmanuelle Louis, Gaël Péton, Aurélie Pinto, Léo Souillés- Debats, Guillume Vernet. Une analyse des données économiques du cinéma français et de la transformation des rapports entre les acteurs publics et professionnels figure à la fin de l’ouvrage, ainsi que d’intéressantes annexes, comme autant de traces du passé.

Lieu de nombreux conflits et d’antagonismes, le cinéma associe la valeur talent en même temps que la valeur argent, mais au fil de son développement, la même question finalement demeure : qu’est-ce qui crée, pour le spectateur, la valeur d’un film, le choix que l’on fait, sa singularité, la proximité, ou encore la pulsion, c’est-à-dire l’acte d’aller au cinéma.

brigitte rémer

Edition La documentation Française et Comité d’histoire du ministère de la Culture et de la Communication – www.ladocumentationfrancaise.fr   (18 euros)

Renseignements : comitehistoire@culture.gouv.fr  

Saisir, texte d’Henri Michaux, mise en scène de Sarah Oppenheim

© Alain Richard

© Alain Richard

C’est le troisième spectacle de la metteure en scène Sarah Oppenheim, coproduit et présenté par la MC93, hors les murs cette année pour raison de travaux, après Le Paysan de Paris d’Aragon en 2013 et La Voix dans le débarras d’après le récit de Raymond Federman, en 2014.

Saisir, d’Henri Michaux, publié en 1979, n’est pas des plus simple à porter à la scène, le langage y est abstrait, poétique, impressionniste, comme des traits jetés sur une page. Pendant une cinquantaine d’années à partir de 1922, le poète a créé un langage spécifique composé de mots et de signes. Son message est codé. Ses poésies, comme L’Espace du dedans, Lointain intérieur ou La vie dans les plis ; ses récits d’initiation, comme Misérable miracle ou Connaissance par les gouffres ; les traces de ses voyages avec Ecuador publié dès 1929 et Un Barbare en Asie, quatre ans plus tard ; et enfin Par des traits, dernier ouvrage publié de son vivant en 1984, sont la synthèse de sa démarche graphique et de sa quête littéraire, atypiques. Michaux conjugue la pratique du dessin et celle de l’écriture, se situe aux frontières et teste les limites – par les drogues et l’approche de la psychiatrie – s’intéresse à la calligraphie et pratique le crayon, l’encre, la gouache, l’aquarelle et la gravure. C’est de cet univers dont se saisit Sarah Oppenheim, qui le traduit magistralement.

L’acteur-récitant, Yann Colette, debout dans un halo de lumière côté cour, porte le texte légèrement amplifié par un micro. « Homme mystère homme et la rage… » Enumérations. Côté jardin, Benjamin Havas façonne au violoncelle des lignes courbes et mélodiques, qui interpénètrent les mots. On s’habitue au noir quand une forme féminine à peine perceptible se révèle et s’imprime, sortant des limbes. Elle entre progressivement dans le dessin, point rouge interrogeant l’œuvre d’art jusqu’à devenir elle-même l’oeuvre, et prend possession de l’espace. Fany Mary se glisse dans ce jeu du dedans dehors, manipulant une corde blanche tombée du ciel, qui contraste avec la boîte noire de l’espace scénique (création lumières de Benjamin Crouigneau) et décline son alphabet. A certains moments, le texte se suspend. « Qu’est-ce que je fais ici ? J’appelle. Je ne sais qui j’appelle. Quelqu’un d’un autre monde… » Une ligne brisée s’écrit en bleu sur le tulle noir séparant le plateau de la salle, sorte de réplique de la corde posée au sol. Le dessin envahit l’écran, sur un travail graphique de Louise Dumas, très réussi. « Est-ce moi tous ces visages ? » Puis comme un retour en petite enfance, l’actrice personnage fait bruisser des poches plastique, avant de s’auto-mutiler de pansements qu’elle colle avec obsession sur son visage. « Je n’ai rien à faire, je n’ai qu’à défaire. J’aime défaire… »  Elle froisse ensuite le tulle de l’avant-scène qui tombe et dévoile un plateau recouvert d’une fine surface d’eau à peine visible, avec laquelle elle va jouer (scénographie et costumes d’Aurélie Thomas). « Enfant, mon regard traversait les gens sans s’arrêter… » S’affiche alors un visage meurtri qui nous dévore, bouche déformée comme une toile de Bacon, visage rayé comme une prison.

Une autre ligne blanche traverse le plateau le coupant en deux de cour à jardin : l’actrice se glisse dans ce fragile lien, comme dans une camisole de folie et se suspend dans la diagonale, en une crucifixion. « Echapper à ses semblables, désobéir à la forme, comme si, enfant, je me l’étais juré ». Reflets d’eaux, illusions, enroulements sur elle-même, elle est le maître de cérémonie servant l’univers des mots et des traits de Michaux. Et sur l’écran noir en fond de scène, une première balafre blanche, jetée comme un i sans point qui se transforme en v, en y, puis en x, enfin en signe. Métamorphoses du trait en homme, soleil, mante religieuse, fantôme, et, jusqu’au cauchemar, en une pluie d’images où hannetons et pieuvres se répandent.

Dans le tableau final, sur huit panneaux de métal suspendus, signes et traits apparaissent et se reflètent dans l’eau. L’actrice matériau se fond dans un dessin prolongeant ses gestes comme des ressassements, création d’un monde déréglé et bruyant, ponctué par la basse continue du violoncelle, telle un bourdon. On est dans le processus créatif, dans le débordement et la folie créatrice. « Un jour, bientôt peut-être, j’arracherai l’ancre qui tient mon navire loin des mers ». Au centre du plateau glisse un minuscule bateau de papier rouge qui, telle une luciole devient point lumineux ou feu de détresse. Il s’échoue dans un cercle de lumière, bientôt enseveli sous une pluie de sable blanc tombant des cintres. La ligne virtuelle entre le récitant et le contrebassiste s’efface.

Spectacle installation, le croisement des langages artistiques est ici très réussi et Sarah Oppenheim en est maître le maître d’œuvre : « Nous cherchons dans nos spectacles à suivre non pas le résultat du texte en tant que produit fini, mais son mouvement d’écriture, révélant son sens au fur et à mesure de ses avancées et ratures, traces et effacements ». Michaux s’inscrit magnifiquement dans cette expérimentation.

 Brigitte Rémer

 Spectacle coréalisé et présenté du 16 au 22 févier 2015, au Colombier de Bagnolet, coproduit par Le Bal Rebondissant et la MC 93, théâtre de tous les ailleurs, dans le cadre de la programmation hors les murs de la MC93 maison de la culture de la Seine-Saint-Denis.

Les Nuits El Warsha et Zawaya-témoignages de la Révolution

El Warsha Théâtre, du Caire, présente en  tournée deux spectacles en langue arabe, sous titrés en français : Les Nuits El Warsha, du 1er au 20 mars et Zawaya-témoignages de la Révolution, du 21 au 28 mars. Conception et réalisation, Hassan El-Geretly.

©brigitte rémer

©brigitte rémer

Après son passage en France lors du dernier Festival d’Avignon, El Warsha Théâtre – L’Atelier – revient en France avec deux spectacles, Les Nuits El  Warsha et Zawaya-témoignages de la Révolution.

Son chef de troupe, Hassan El-Geretly, francophone et francophile, a créé en 1987 avec détermination cette première troupe indépendante d’Egypte. Il développe depuis, les problématiques égyptiennes contemporaines en repensant les formes théâtrales, et puise dans les expressions populaires. Excellent pédagogue, il est présent sur tous les fronts, toujours aux aguets, sillonne le pays et œuvre dans un esprit de conscientisation des jeunes et de démocratisation culturelle.

* Le premier spectacle présenté en tournée avec treize comédiens, conteurs, chanteurs et musiciens, Les Nuits El Warsha, s’inscrit dans la tradition du cabaret urbain, forme satirique et frondeuse qui avait émergé après l’indépendance du pays, en 1923. Dans cet entre-deux guerres, la liberté de parole avait entraîné une grande frénésie pour le théâtre chanté, l’opérette, le music-hall, le cabaret politique, en même temps que commençait à se développer le cinéma, dans toute sa légèreté.

Les Nuits El Warsha, sont une sorte de laboratoire expérimental toujours en mouvement où la troupe lance ses petites formes – contes populaires, sketchs, théâtre d’ombres, marionnettes à gaine, music hall, danse du bâton, et musiques populaires – qu’elle reconfigure en permanence et fait évoluer dans le contexte d’aujourd’hui.

. 2, 3 et 4 mars, le grand T (mardi 3 mars, la représentation sera suivie d’un débat, et précédée, à 18h30, d’un grand entretien avec Hassan El-Geretly). www.legrandt.fr

. 5 mars, Bonlieu, scène nationale, Annecy – www.bonlieu-annecy.com

. 6 au 10 mars, Théâtre Saint-Gervais, Genève – www.saintgervais.ch

. 12 et 13 mars, Théâtre l’Espal, Le Mans – www.theatre-espal.net

. 14 mars, Théâtre de la Halle aux grains, scène nationale, Blois – www.halleauxgrains.com

. 17, 18 mars, Théâtre-Maison de la Culture, Bourges – www.mcbourges.com

. 20 mars, L’Apostrophe, Cergy Pontoise – www.lapostrophe.net

*  Le second spectacle, Zawaya-témoignages de la Révolution, au ton plus grave, témoigne des événements de 2011 à l’heure de la révolte et de la révolution, Place Tahrir. La troupe a travaillé à chaud sur la mémoire immédiate, collectant les récits liés aux événements. Zawaya signifie angles, en quelque sorte angles de vue.

C’est une invitation à la réflexion, à partir de témoignages divergents qui mettent en scène les dix-huit jours ayant conduit à la chute de Moubarak, le 11 février 2011 : le récit d’un officier de l’armée, la mère d’un jeune martyr tué lors des événements, les provocations d’un Baltagui, – un voyou, qui est tantôt du côté du pouvoir, tantôt de l’autre côté -, le récit d’un groupe d’ultras d’un club de football, une représentante d’une ONG en visite à la morgue.

Collectés puis mis en forme par l’écrivain Shadi Atef, ces témoignages, complétés des poèmes de Mohamed El Sayed, Shadi Atef et Wael Fath, sont dépositaires de la mémoire collective et ont valeur de protestation. Portés par quatre comédiens et un musicien, ils sont devenus spectacle et interrogent le tragique.

. 21 mars, L’Apostrophe, Cergy-Pontoise, www.lapostrophe.net

. 23 mars, Théâtre Monty, Antwerpen/Anvers, www.monty.be

. 25 au 28 mars, Paris, le Tarmac, dans le cadre de (D)rôles de printemps, www.letarmac.fr

. 30 mars, Bozar Théâtre/Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, www.bozar.be

brigitte rémer

Des formes en mouvement

La_scene_mondiale_aujourdhui_batCoordonné par Françoise Quillet, responsable du Centre international de Réflexion et de Recherche sur les Arts du Spectacle (CIRRAS), cet ouvrage interroge les formes théâtrales dans de nombreux pays, en Asie et sur tous les continents.

Il inaugure une série intitulée La Scène mondiale aujourd’hui, qui témoigne des travaux réalisés par les chercheurs, artistes et artisans du spectacle affiliés au CIRRAS.

Publication chez L’Harmattan : www.harmattan.fr

La Imaginación del futuro

mise en scène de Marco Layera,
texte écrit par el Teatro La Re-sentida

Crédit photos © La Resentida

Crédit photos © La Resentida

La représentation fut introduite par un échange sur le thème Ecrire le monde autrement, et suivie d’un débat sur La place du théâtre dans la société. Animée par Marie-Josée Sirach, rédactrice en chef Culture de l’Humanité, en présence de Nathalie Huerta directrice du Théâtre Jean Vilar, et de Frédéric Hocquard directeur d’Arcadi Ile-de-France, – la Région Ile-de-France ayant développé un partenariat avec le Festival Santiago a Mil, dans la capitale chilienne -, la soirée a permis à l’équipe artistique de parler de l’Histoire du Chili aujourd’hui, et de son positionnement au regard des quarante dernières années.

La imaginación del futuro traite en effet de la mémoire et de l’Histoire récente d’un pays resté blessé, le Chili des années soixante-dix. Conté sur le ton subversif de la provocation politique, le spectacle est une sorte de fable qui s’attaque à l’image charismatique et populaire de Salvador Allende et écorne quelque peu son icône. Par subversion, le metteur en scène Marco Layera entend : « Une capacité à modifier l’ordre établi ».

Ainsi voit-on le Président socialiste, sorti de son contexte, dormir et s’enfoncer dans des rêves plutôt que de gouverner, entouré de ses ministres et de communicants parasites qui le manipulent, sorte de marionnette entre leurs mains. Une série d’images et galerie de portraits nous sont livrés, allant d’une balle perdue à une plage sur toile de fond, de la traque et de la solitude à des mannequins pendus et cagoulés, de l’appel à collecte pour un adolescent dit malchanceux mettant le public à contribution, à l’image de la mort.

L’appel à démission : « Demain vous serez éternité, nous serons oubli », ainsi que le dernier discours d’Allende, – prononcé le 11 septembre 1973 quand il s’enferme dans le Palais de La Moneda et refuse de se rendre aux milices de Pinochet choisissant de se donner la mort -, sont des moments forts, traités ici sur un mode satirique. Cette séquence emblématique se déroule en haut d’une colonne à l’emblème Coca Cola, le symbole est lourd. Passent aussi sur scène des bannières aux effigies de Fidel Castro et du Che, et une rapide référence au Pape François originaire d’Argentine, et à deux extrémistes montrés du doigt, Marine Le Pen et Benyamin Netanhyaou.

La imaginación del futuro est une fiction et non pas un récit historiciste, précise le metteur en scène. C’est en 2007/2008 que la troupe La Re-Sentida – Le Ressentiment – présentait son premier spectacle, au moment où le Chili fêtait son bicentenaire, et alors qu’il était devenu le pays des inégalités “notamment dans la répression contre les Indiens Mapuche, plus forte encore que sous la dictature” dit l’équipe artistique. La Resentida cherche un théâtre qui interroge et dérange, et travaille sur la provocation. C’est à partir d’un matériau apporté par Layera, que s’est ici construit le spectacle, par improvisations et écriture collective, jusqu’à sa version finale, corrosive et féroce, cynique et drôle. La troupe aime à créer des spectacles basés sur la contradiction, et y déploie une énergie à toute épreuve.

Elle pose aussi la question du politique au théâtre. Au cours de la dernière édition du Festival d’Avignon où fut présenté le spectacle, son côté irrévérencieux fut sujet à caution, “certains spectateurs le rejetant, d’autres s’y ralliant en une véritable catharsis”, rapporte le metteur en scène. « J’aime et je déteste mon pays, c’est pour ça que je fais du théâtre » ajoute-t-il. Entouré de Luis Briceño réalisateur et producteur radio, coordinateur en France du mouvement Revolución Democrática, et de Pablo de la Fuente, scénographe et costumier du spectacle, ils s’expliquent : « Dans ce pays d’inégalités, il y a chaque jour une quinzaine de morts dans les manifestations et les accusations d’anarchisme ».

Quels comptes ont à régler ces jeunes générations qui ont suivi la véritable ascension et destruction d’Allende, quelles désillusions ont-ils subi, et pourquoi tant de radicalité ? « C’est un ressentiment envers ceux qui ont fait de notre pays un conclave bananier et envers ceux qui nous ont appris à rêver d’un pays plus juste et solidaire et qui nous ont trahis… Nous sommes loin d’être ce pays démocratique, divers et justement développé que quelques voix officielles annoncent à l’extérieur. Notre pays et le monde sont établis de telle façon que certains seulement en profitent » dit le metteur en scène, en déboulonnant la statue du commandeur.

Quel héritage idéologique reste-t-il aujourd’hui et comment se construit la réalité ? C’est la question que se pose le spectateur en sortant de la salle. Quel est le rôle de l’art au Chili et le rôle de l’artiste ? Comment parler des atrocités, en remettant en question le spectacle et le rôle du théâtre ? Comment interroger l’ambigüité d’une période historique, et où commence la fiction ? « Sur certains sujets, le rire est difficile, dit un ancien exilé » dans le débat qui suivait la représentation. Le théâtre, comme outil de réflexion et de critique, tend un miroir à l’Histoire.

Brigitte Rémer

Vu au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine
Tournée en France, notamment à Montpellier, Douai, Paris/Théâtre des Abbesses)
et à l’étranger (Belgique, Chili, et divers pays d’Amérique Latine)

Lecture :
. No pasaran suivi de Le peuple doit se défendre : message radiodiffusé de Salvador Allende, 11 septembre 1973. (Paris, Points-Seuil).
. Chili, 11 septembre 1973, la démocratie assassinée, récits témoignages de Eduardo Castillo (Arte Editions/Serpent à plumes).

Clameur des Arènes

Conception et chorégraphie de Salia Sanou, avec huit danseurs et quatre musiciens. Compagnie Mouvements perpétuels. Au Tarmac – La Scène internationale Francophone.

DSC5093 Clameur...

Crédit photos © Marc Coudrais

Danseur et chorégraphe engagé depuis une vingtaine d’années dans la recherche de langages chorégraphiques singuliers, Salia Sanou travaille à partir de sa terre d’origine le Burkina Faso, et de ses expériences françaises.

En France, il a notamment participé comme danseur, puis comme chorégraphe, aux créations du Centre chorégraphique national de Montpellier dirigé par Mathilde Monnier, il a été artiste associé à la Scène nationale de Saint-Brieuc, puis en résidence au Centre national de la Danse. Au Burkina-Faso où il a été formé à la danse et au théâtre, il dirige avec Seydou Boro la biennale Dialogues de Corps de Ouagadougou, qui propose des résidences d’écriture, des ateliers et des rencontres autour d’une programmation internationale de danse. Puis ils fondent tous deux en 2006, à Ouaga, le premier Centre de développement chorégraphique africain, Termitière. En 2011, il crée sa Compagnie, Mouvements Perpétuels, implantée à Montpellier et chorégraphie Au-delà des frontières, pour le Festival Montpellier Danse, l’année suivante. Son implication pour le développement de la danse dans le monde est régulièrement saluée et récompensée.

Avec Clameur des Arènes, sa démarche s’inscrit dans une proximité entre l’art de la danse et la lutte, sport qui le fascine, très populaire au Sénégal car emblématique de la position sociale autant que du combat pour la vie. Il est entouré de trois danseurs et cinq lutteurs, graves et sculpturaux, qui mènent le spectateur sur un chemin initiatique et jusqu’au cœur du sujet, l’arène, qui sera ce moment de lutte finale où ils s’affronteront avec puissance et grâce. Il est porté par la création musicale d’Emmanuel Djob – dont la voix de gospel aux profondeurs ancestrales marque les différentes séquences de la chorégraphie – interprétée en direct par quatre musiciens chanteurs, sensibles et à l’écoute.

Quand danseurs et lutteurs prennent lentement possession du plateau, tout est concentration et gravité, rituel et gestes sacrés. L’environnement scénographique de Mathieu Lorry Dupuy construit une installation en fond de scène, composée de coussins aux formes pulpeuses, couleur carmin, soigneusement alignés dans une structure de bois. Elément vivant, il devient aussi mur d’entraînement dans lequel se fondent les danseurs.

Des jeux d’étoffe de même couleur donnent de la grâce et de la maitrise aux mouvements d’ensemble – visages cachés, puis voilés – jusqu’à la confection d’un pagne qui se superpose au premier, et s’ajuste en dansant. Les musiciens aux aguets accompagnent finement les différents moments chorégraphiques, laissant des respirations et des silences : ensembles, quadrilles, dialogues, gestuelles en décalage, l’individualité s’écrit avec le collectif. L’énergie évoque Béjart dans sa Messe pour le temps présent, elle conduit à la danse traditionnelle, avec son ancrage à la terre et l’écoute de la forêt. Les bras s’ouvrent comme chauves-souris aux ailes de grande amplitude sous les lumières crues d’Eric Wurtz qui accompagnent glissements, déhanchements, croisements, jeux rituels et guerriers. Puis un cercle s’élabore, avec des sacs que les danseurs déposent, délimitant ainsi l’aire des lutteurs, savamment agencée.

Alors deux clans s’affrontent, soutenus chacun par ses supporters, ainsi que par les musiciens entrant dans l’espace de jeu, pour les porter. Echauffement, mise en spectacle, arrêt, reprise, conciliabule, intimidation, parade, passage de témoin, coups de griffes, pattes de velours, tête contre tête, espace de liberté du corps, de l’expression, de la sensualité. Il n’y a aucune agressivité. Nous sommes au coeur des pratiques magiques et de la liberté des corps. Danseurs et lutteurs remontent ensuite lentement le plateau, masqué d’un tissu blanc où se dépose l’empreinte de leur sueur, puis ils sortent, un à un, comme ils sont venus.

« Le projet illustre pour moi une confrontation passionnante du spectaculaire en Afrique » dit Salia Sanou. « Qu’il s’agisse des conseils de famille, des cérémonies rituelles, des enterrements, des baptêmes, des fêtes pour les mariages. L’espace délimité est le cercle, c’est-à-dire le Fogo qui définit en soi l’espace du dedans vers le dehors. C’est, d’une certaine manière, la configuration de l’arène qui contient l’espace émotionnel, et, de façon tout à fait inconsciente, rassemble de façon collective. » Il y a tant de fluidité dans la gestuelle et de délicatesse qu’on ne sait plus qui est lutteur et qui danseur. La disparité des techniques s’efface et la présence de tous et de chacun participe d’une sorte de chant choral.

Brigitte Rémer le 21 février 2015

Avec, en alternance, les danseurs : Ousséni Dabaré, Jérôme Kaboré, Ousséni Sako, Ousséni Dabaré, Jérôme Kaboré, Romual Kaboré, Konan Jean Kouassi, Jean-Paul Mehansio, Nicolas Mombounou, Pape Ibrahima Ndiaye, Ousséni Sako, Marius Sawadogo, Marc Veh –  Les musiciens : Emmanuel Djob, Bénilde Foko, Elvis Megné, Séga Seck musique créée et interprétée par Emmanuel Djob – création sonore et mix live Hughes Germain – scénographie Mathieu Lorry Dupuy – lumière Eric Wurtz – régie Générale Rémi Combret – administration de production Stéphane Maisonneuve

Vu au Tarmac, scène internationale francophone, 159 avenue Gambetta. 75020. Paris – métro : Gambetta – Tournée en France de février à avril 2015 : Hivernales d’Avignon, le 23 février – Scène nationale de Narbonne, le 27 février – Scène nationale de Chambéry, le 3 mars – Arsenal Metz en scène le 2 avril – Théâtre de Grasse, les 10 et 11 avril – Le Moulin du Roc Scène nationale de Niort, le 14 avril.

(D)rôles de Printemps, au Tarmac

A l’affiche, du 11 au 29 mars 2015

zawaya - Tamer EISSA

crédit photo © Tamer EISSA

Six artistes du Monde Arabe venant d’Egypte, du Liban et de Tunisie, présenteront performances, spectacles de danse et de théâtre, au cours des (D)rôles de printemps programmés au Tarmac, du 11 au 29 mars. Ils ont leur Art pour liberté et nous prennent à témoin :

Sawsan Bou Khaled, de Beyrouth, propose Alice, performance théâtrale où l’image vidéo et les jeux de lumières élaborent un monde fantasmagorique peuplé de hantises venues de l’enfance, de la guerre et des peurs installées dans le quotidien (11 au 14 mars).

Ahmed el Attar, directeur du Théâtre El-Falaki au Caire, se met en scène et parle en je pour traiter de la vie d’un Egyptien – la sienne propre – dans l’Egypte d’aujourd’hui. Pour On the importance of being an Arab, il a créé un canevas dramaturgique, sonore et visuel, à partir d’heures de conversations enregistrées, et nous livre des instants de vie où l’intime croise la grande Histoire (11 au 14 mars).

Aicha M’Barek et Hafiz Dhaou, danseurs et chorégraphes tunisiens, présentent, en écho à Stravinsky, Sacré Printemps ! accompagnés de cinq danseurs. A la recherche d’un nouveau langage et à travers leurs choix musicaux affirmés, ils parlent de la Tunisie d’aujourd’hui (18 au 21 mars).

Hassan El-Geretly, directeur du Théâtre El-Warsha, au Caire, première troupe indépendante d’Egypte créée à la fin des années quatre-vingts, présente Zawaya, témoignages de la Révolution. Cinq acteurs et un musicien travaillant dans cet esprit de troupe, portent cinq récits de tragédie et le texte de trois poètes. Le spectacle offre « huit angles de vue – Zawaya signifie angles, au pluriel – huit regards sur ce qui s’est passé… À quoi s’ajoutent les ambiguïtés, les hésitations et les non-dits » confie le chef de troupe et metteur en scène (25 au 28 mars).

Meriam Bousselmi, dramaturge tunisienne, accueille le spectateur à sa manière. Elle présente une installation nommée Truth Box, confessionnal où chaque spectateur viendra, à son tour, recevoir le péché d’un personnage… (11 au 28 mars).

« Autant d’artistes qui chacun à leur façon subvertissent les genres esthétiques, interrogent les formes, questionnent la place et la responsabilité de l’artiste face au monde. Autant de propositions artistiques qui jamais ne réduisent la complexité du monde et de nos sociétés et qui revendiquent le rêve comme le premier et incontestable chemin vers la liberté » dit Valérie Baran, directrice du Tarmac, annonçant l’événement.

Brigitte Rémer

Le Tarmac, la scène internationale francophone
159, avenue Gambetta. 75020 – M° St Fargeau
Tél. : 01 43 64 80 80 – Site : www.letarmac.fr