Essaimées, de Nicolas Frize

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Partant des enseignements existants, des outils et objets pédagogiques, des espaces du lycée Paul Éluard de Saint-Denis qui s’étend sur un vaste territoire, le compositeur Nicolas Frize a imaginé un événement musical et visuel nomade au cours de trois journées portes ouvertes, au mois de mai, après une résidence de plus d’un an.

Ce projet artistique a pris forme au sein de l’établissement à partir d’un travail au corps à corps avec les élèves de classes et de niveaux différents et les équipes pédagogiques, administratives et techniques du Lycée. Nous avions rendu compte d’une étape de répétition dans un article du 25 avril dernier. Au-delà des timidités, les élèves dialoguaient en s’exprimant chacun dans sa langue d’origine et se répondaient

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Découvrir les bâtiments, les lieux et les compositions musicales qu’ils ont inspirées dans ce lycée de plus de deux mille élèves et deux cent cinquante professeurs – du gymnase au réfectoire, des salles de chimie à celles des sciences et vie de la terre, de l’amphithéâtre à la cour -, est une belle aventure. Plus de deux cents interprètes participent à l’événement autour de partitions de courte durée – entre 4 à 6 minutes – regroupées en styles d’écriture aux noms échevelés : musiques virtuoses, éperdues – musiques parlées et presque – musiques de tous côtés, musiques paysages (spatialisation) – musiques joueuses, espiègles – musiques battantes, ou trépignantes – musiques sages… et pas sages musiques intimes, ou à peine – musiques hésitantes, ou accidentées – musiques indociles, rebelles.

Le programme est vaste, une trentaine de pièces, concerts et installations présentés de façon simultanée : créations musicales de Nicolas Frize composées pendant la résidence, plusieurs œuvres de répertoire – entre autres de John Adams et Philip Glass -, deux commandes à de jeunes compositrices – Megumi Okuda, du Conservatoire national supérieur de danse et de musique de Paris et Tania Cortès de l’Université Paris 8, une invitation faite à l’artiste numérique Isabelle Delatouche. Le public se répartit en groupes, identifiés par une couleur. Chacun trace son propre itinéraire, parfois se croise, chacun reçoit ondes et émotions dans l’ordre et la posture proposée à son groupe, debout, assis, étendu etc. On est à la fois très libre et très encadré.

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Dans cette flânerie artistique les instruments appellent. Entre silences, voix et tempêtes d’instruments de toutes catégories, on traverse avec plaisir  beaucoup d’espaces musicaux singuliers et captivants où on reconnaît certains élèves rencontrés en répétition : set de cloches et xylophones, percussions en tous genres, trombone et chœurs, contrebasses et flûtes, trompettes et jeux d’ombre, alarmes, bandes enregistrées, crépitements, violon, pianos pour quatre mains, guitares et violoncelles, harpe, cors d’harmonie qui claquent dans le jardin. Le public est invité à entrer dans la danse et adhère avec détente et plaisir aux propositions : jeux de ballon, respirations, claquements de mains, formules magiques/formules chimiques, stridences, train, harmonies/dysharmonies, chœurs, réverbérations, chuchotements, jeux de mots et de langues étrangères. Le final se passe dans la cour, sur podium, tous les jeunes entourent la scène et se produisent à tour de rôle pour un tour de piste en chant, instrumental, boite à rythme, micro, impro… Chacun y va de son envie.

Le maître d’ouvrage, Nicolas Frize, se fait discret, écartelé entre les différents points de rencontre et de concerts, tandis que le cœur du lycée Paul Éluard bat la chamade au rythme des compositions musicales inattendues. Au long du parcours, musiques et sons croisent l’écrit et la calligraphie des notes et partitions, celle de petits signes et mots adressés. Des plasticiens – professeurs d’arts plastiques – réalisent leur œuvre devant le public. Essaimées est une belle alchimie de la rencontre entre ce lieu d’apprentissage qu’est le Lycée devenu pour un temps lieu d’appropriation culturelle et les jeunes qui l’habitent avec leur capacité créatrice et leur participation sensible et pleine de vie. C’est un geste de transmission dans un lieu potentiel de création où l’art et la culture ont droit de cité. Une vibrante initiative !

Brigitte Rémer, le 5 juin 2022

Les 13, 14 et 15 mai 2022, Lycée Paul Éluard de Saint-Denis, avenue Jean Moulin, 93200 – Entrée libre, sur réservation – Site : www.museboule.free.fr et www.nicolasfrize.net

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