Spectacle des collectifs tg STAN, de Koe et Maatschappij Discordia – de et avec Matthias De Koning, Damiaan De Schrijver, Peter Van den Eede – au Théâtre de la Bastille, en co-réalisation avec le Festival d’Automne à Paris.
Les spectateurs s’installent de chaque côté de l’espace scénique, espace bricolé de type entrepôt où sont entassées de hautes piles de caisses bleues en plastique. Un vieux tapis, un seau, traînent par-là, des étagères pleines de bimbeloterie semblent couvertes de poussière. Les trois acteurs vont et viennent dans ce no man’s land et attendent, une passerelle de bric et de broc suspendue au-dessus de leurs têtes.
Pendant le premier quart d’heure, ils s’attachent à faire disparaitre les caisses et construisent, planche après planche et sur plusieurs couches entrecroisées, un sol qui restera accidenté et étouffe la lumière des néons posés au sol. La soirée est muette et les acteurs se dépassent en inventivité appliquée, avec bonhommie, construisant l’absurde en une succession de gags et d’objets : du tuyau de poêle au rabot, du rouleau de nappe en papier au transistor-violon, des tréteaux aux sabots. Ils créent des espaces, dessinent une porte puis la découpent, repeignent un mur de plastique, passent des obstacles, se peinturlurent le crâne, enduisent de colle le papier peint, déballent leurs chemises, passent leurs chemises, salissent leurs chemises, s’installent dans des fauteuils et préparent le thé de cinq heures. L’air de pince-sans-rire chacun s’occupationne et se crée des accidents de parcours. Bricoleurs du dimanche ils détruisent autant qu’ils construisent, pastichent le théâtre shakespearien et la mise à mort au Golgotha, surprennent, avec l’image finale du retournement des morts. Il y a un humour corrosif, de l’arrogance et du burlesque, pourtant le propos flotte. On fait collection d’instants dont les premiers effacent les suivants, et les acteurs ne sont ni Groucho Marx ni Chaplin, ni Keaton ni Grock.
Trois collectifs se sont fédérés pour cette polyproduction : les compagnies tg STAN et de KOE venant d’Anvers, le collectif néerlandais Maatschappij Discordia, Le programme parle de fabrique de théâtre et origine du geste créateur. Le geste semble pourtant venir de la protohistoire et de l’ante-diluvien. Le collectif pose ses questions : « Les créateurs de théâtre disposent- ils d’un atelier – tout comme les sculpteurs et les peintres – et, si oui, à quoi ressemble-t-il ? Qu’y font-ils comme travail, où, comment, quand et pourquoi travaillent-ils ? Est-ce du travail ? » Du radeau dont ils parlent ne reste que la méduse des mangroves catégories scyphoméduses aux formes opaques et massives, assimilée dans la mythologie grecque aux monstres. Mais en croisant leur regard le spectateur n’est pas même changé en pierre. Et poussé par les vents, il repart.
Brigitte Rémer le 13 octobre 2018
De et avec Matthias de Koning, Damiaan De Schrijver et Peter Van den Eede – costumes Elisabeth Michiels – technique Pol Geussens Bram De Vreese Tim Wouters – www.stan.be www.discordia.nl – En tournée : 14 au 17 avril 2019, Comédie de Genève.
Du 1er au 12 octobre 2018 à 20h, dimanche à 17h, relâche le jeudi 4 et le mardi 9 octobre – Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette 75011- Métro Bastille – Tél : 01 43 57 42 14 – Site www.theatre-bastille.com et www.stan.be/deroovers.be – www.dekoe.be –