Archives mensuelles : octobre 2025

Une assemblée de femmes – diptyque

D’après Aristophane, Théâtre National Palestinien El-Hakawati, au Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes. Spectacle et film en langue arabe surtitré en français, film de Laurent Rojol et Roxane Borgna.

Une Assemblée de femmes avait été présentée par le Théâtre National Palestinien El-Hakawati à l’Institut de Monde Arabe, en octobre 2023 dans un autre format. Nous avions présenté ce travail par un article dans Ubiquité-Cultures, le 27 octobre 2023. *

L’adaptation de la pièce d’Aristophane est reprise sur le grand plateau du Théâtre du Soleil par le Théâtre National Palestinien El-Hakawati, invité d’Ariane Mnouchkine, qui le dirige. « Ce projet qui ne parle pas de la guerre mais de quelque chose de beaucoup plus grand, de beaucoup plus universel, rien de moins que de la moitié de l’humanité. Ce projet parle de la lutte parmi les luttes, celle des femmes. Celle de la moitié de l’humanité » dit-elle. La pièce s’inscrit aujourd’hui dans un diptyque et s’accompagne d’un film documentaire dont certaines séquences font partie intégrante de la représentation théâtrale, nous le présentons dans cet article.

© Laurent Rojol

L’ensemble de la soirée est un hommage à la femme palestinienne, à la femme en général, dans la fierté d’être Femme. Les mères parlent de leurs filles et parlent à leurs filles. « Vous êtes fortes et vous êtes uniques. » Même si le cœur n’est pas toujours à la fête, on les voit conviviales et solidaires, elles ont décidé de prendre la parole : « J’ai ma propre voix pour dire qui je suis » posent-elles parlant de leur société dans laquelle « l’homme a le pouvoir et où il n’y a pas d’égalité. » Leurs conditions de vie changent vu de la ville ou de la campagne, car partout dans le pays, la femme est sous contrôle, politiquement et religieusement. À la campagne, elle semble pourtant mieux armée, plus solide.

Le film parle du programme Adwar, un organisme d’aide internationale, qui accompagne les femmes au plan économique et social dans leur émancipation, et qui a mis en place un comité de protection. Les femmes palestiniennes mettent l’accent sur l’éducation de leurs enfants, elles savent qu’ils sont l’avenir. « Ma fille m’a fait avancer dans la vie » dit l’une. À l’hôpital de Naplouse une jeune fille brûlée à 65° a passé trois mois à l’isolement et va partir se faire soigner aux États-Unis. Sa mère l’accompagne et dit : « J’ai découvert que j’étais une femme forte. »

Dans le camp de Ein as-Sulṭān, la solidarité entre femmes existe et les enfants chantent. Des réseaux de solidarité se mettent en place. « Où réside la force des femmes ? » se demande-t-on et l’une répond : « les femmes réfléchissent, y compris celles qui n’ont pas étudié. On aime cuisiner, danser, on a besoin de parler et d’écouter l’autre… » Comme tout un chacun elles aiment la vie. Pourtant, elles ont subi de nombreux traumatismes, n’ayant pas au départ acquis la capacité de dire non, de s’opposer. L’une anime des ateliers sur le thème de la discrimination, une autre sur celui de l’occupation. La démolition de leurs maisons les hante et les images montrent par contraste une terre de toute beauté, rouge et chaleureuse. « Comme on respecte la terre, la femme doit être respectée » dit le film.

© Laurent Rojol

Le Théâtre Ashtar implanté à Ramallah participe aux ateliers et aide à la formulation de leurs combats pour exister. Au cours d’une représentation à Naplouse, le doyen s’est autorisé à arrêter la représentation mais l’actrice, imperturbable, a poursuivi son texte et la représentation, défendant la liberté d’expression propre au théâtre, ici comme ailleurs. Et le film se demande « pourquoi l’homme est-il roi ? » Le processus lancé par les femmes semble quasiment irréversible : « Mon choix, c’est mon droit… » disent-elles, même si leur statut reste fragile : la femme est très seule dans la société palestinienne, sans droit à l’avortement, soumise au tabou de la virginité – à Hébron des parents ont été jusqu’à tuer leur fille dont l’attitude leur avait déplu, en un geste d’autorité et de désespérance. Plus tard, c’est elle toujours qui est exposée au harcèlement sexuel et parfois au féminicide. Dans tous les cas les humiliations sont fréquentes.

© Alice Sidoli – Théâtre National Palestinien, à l’IMA

Spécialiste des méthodes du Théâtre Forum, le théâtre Ashtar travaille aussi avec les hommes pour les amener à réfléchir sur leur attitude, à se poser la question de l’égalité et des droits humains. Elle, s’est mariée à seize ans, lui est chrétien, elle bédouine. Une autre s’est mariée à vingt ans. Lui, contrôle… « C’est une société du faire semblant en ce qui concerne les femmes » constatent les réalisateurs dans leurs échanges avec les femmes.

Dans une autre séquence la haine s’exprime autrement, et l’on regarde, consternés, ces oliviers volés et arrachés par la colonisation israélienne : « Mon arrière-grand-père avait tout planté, c’est mon pays. » Alors comment guérir et apprendre à se supporter mutuellement quand tant de tourmentes traversent la société ? C’est ce que pose le film de Laurent Rojol et Roxane Borgna, tourné en 2021/2022 à Bethléem, Naplouse, Jérusalem, Hébron, Ramallah, à travers les multiples interviews rapportés et qui prolongent le propos qu’Aristophane avait lancé dans son Assemblée des femmes.

La comédie grecque satirique dont s’est emparé le Théâtre National Palestinien El-Hakawati mettant en miroir la vie des Athéniennes au IVème siècle avant J.C. et celle des Palestiniennes d’aujourd’hui permet d’ouvrir le débat sur le statut de la femme en général, a-fortiori de la femme en temps de guerre et du respect qui lui est dû dans sa recherche d’émancipation, loin des réflexes du patriarcat et des considérations religieuses. Une belle leçon de vie !

Brigitte Rémer, le 28 octobre 2025

Avec : Ameena Adileh, Iman Aoun, Mays Assi, Firas Farrah, Nidal Jubeh, Amer Khalil, Shaden Saleem, Yasmin Shalaldeh – un spectacle de Roxane Borgna, Jean-Claude Fall, Laurent Rojol.

Les 11 et 12, 18 et 19 octobre 2025 – les samedis 11 et 18 octobre, spectacle à 15h suivi du film à 16h30, et à 19h30, suivi du film à 21h – les dimanches 12 et 19 octobre, spectacle à 13h30 suivi du film à 15h00 – Théâtre du Soleil, Cartoucherie de Vincennes, 75012. Paris – métro : Château de Vincennes – site : www.theatre-du-soleil.fr – tél. : 01 43 74 24 08.

*Article du 27 octobre 2023, sur Une assemblée de femmes, présenté par le Théâtre National Palestinien à l’Institut du Monde Arabe :  https://www.xn--ubiquit-cultures-hqb.fr/une-assemblee-de-femmes-et-me-and-my-soul/

Thikra : Night of Remembering

Chorégraphie Akram Khan – conception visuelle, costumes et scénographie Manal AlDowayan – concept narratif Manal AlDowayan et Akram Khan – création au Théâtre de la Ville Sarah-Bernhardt.

@ Camilla Greenwell

Thikra/La Nuit de la souvenance, que proposent Akram Khan pour la chorégraphie et Manal AlDowayan pour la conception visuelle, est une cérémonie rituelle qui parcourt le mythe de l’humanité, fait référence au souvenir et relie le passé au présent.

Une communauté de femmes se réunit pour honorer sa doyenne disparue et s’apprête à nommer celle qui va lui succéder. Celle-ci sera mise à l’épreuve. Une grande prêtresse descend de son Olympe, hiératique et somptueusement vêtue de couleur pourpre, pour faire revenir l’esprit de la disparue. C’est sous les traits d’une élégante jeune femme – qu’interprète Ching-Ying Chien qu’elle réapparaît, tandis qu’Azusa Seyama Prioville – issue du Tanztheater de Wuppertal – assure le rôle de la jeune aspirante, en alternance avec Jin Young Won.

La narration appelle le spirituel et se construit en dialogue avec le chœur des femmes, plus tard avec un chœur d’hommes, sortes de prêtres vêtus de splendides tuniques lie-de vin qui dégage une grande énergie. Plusieurs séquences marquent cette histoire mythique qui repose sur la transmission. Thikra appelle la mémoire.

@ Camilla Greenwell

Le spectacle est d’une grande beauté visuelle, par la précision du geste et par les costumes toutes couleurs – signés de Manal AlDowayan, plasticienne saoudite qui en réalise aussi la scénographie. Elle a travaillé avec les artisans de sa région – la région d’Al-Ula, en Arabie Saoudite et réalisé les costumes avec les tisserands de la communauté, jusqu’au moindre détail des drapés, broderies, ceintures etc. Il y a un grand raffinement et un art du détail dans les costumes qui mettent en valeur les corps et épouse la chorégraphie. Manal AlDowayan a fait découvrir sa région à Akram Khan, une région traversée par différentes cultures et habitée par les Nabatéens, proches des Araméens. Il lui a été donné d’assister à certains rituels réservés aux femmes et gardés secrets, comme la danse des cheveux où les longues chevelures des femmes voltigent dans l’énergie de mouvements répétitifs des têtes, qui font des rotations avec intensité, et qu’il montre sur la scène.

Thikra s’est nourri de la coutume locale où la déclamation des poètes, hommes et femmes s’intègre dans un environnement naturel lié aux sites culturels millénaires. Le spectacle a été présenté en extérieur, dans le désert rocheux de la région, avant de l’être en intérieur au festival Montpellier Danse 2025. La ré-interprétation du paysage dans la scénographie donne la perception de l’environnement, la création lumières (signée Zeynep Kepekli) la met en valeur. La musique construit un travail savant entre instruments traditionnels – dont de superbes percussions et séquences vocales, un peu trop avalées par une composition moderne insistante, perdant la richesse et la subtilité des instruments traditionnels et donnant à l’ensemble une légère teinte bollywoodienne, (son Gareth Fry).

@ Camilla Greenwell

Présentées depuis plus d’une vingtaine d’années au Théâtre de la Ville, les chorégraphies d’Akram Khan s’inscrivent dans la veine du Kathak et du Bharata Natyam. Danseurs et danseuses, viennent de différents pays d’Asie, d’Europe et d’Australie et maitrisent magnifiquement ces alphabets de la danse. Le travail du chorégraphe, qui contribue au développement de la danse au Royaume-Uni et à son rayonnement international, rencontre ici avec bonheur le geste artistique de Manal AlDowayan qui vit et travaille entre Londres et Dhahran, et qui a représenté l’Arabie saoudite à la 60e Biennale de Venise

Des mouvements d’ensemble, somptueux, au féminin comme au masculin alternent avec les séquences narratives, dans un bel équilibre et une parfaite maîtrise, mêlant danse occidentale et tradition indienne du Bharata Natyam. Après avoir accompli sa mission et par cette cérémonie, facilité le passage de témoins entre les générations, la grande prêtresse remonte dans son Olympe.

@ Camilla Greenwell

À travers Thikra/La Nuit de la souvenance, Akram Khan et Manal AlDowayan montrent avec talent le pouvoir des femmes et développent une écriture du sacré qui s’inscrit comme un harmonieux contrepoint dans le monde d’aujourd’hui.

Brigitte Rémer le 25 octobre 2025

Avec : Pallavi Anand, Ching-Ying Chien, Kavya Ganesh, Nikita Goile, Samantha Hines, Jyotsna Jagannathan, Mythili Prakash, Azusa Seyama Prioville, Divya Ravi, Aishwarya Raut, Mei Fei Soo, Harshini Sukumaran, Shreema Upadhyaya, Jin Young Won, Kimberly Yap, Hsin-Hsuan Yu. Composition musicale et environnements sonores Aditya Prakash – son Gareth Fry – créations lumières Zeynep Kepekli – assistant à la création Mavin Khoo – dramaturgie Blue Pieta –
répétitions Angela Towler et Chris Tudor.

Du 22 au 30 octobre 2025, à 20h, samedi 14h et 20h -Théâtre de la Ville-Sarah-Bernhardt, 2 place du Châtelet – 75004. Paris – tél. : 01 42 74 22 77 – site : www.theatredelaville-paris.com

Vous n’aurez pas ma haine

Récit d’Antoine Leiris, interprétation Mickaël Winum, création musicale et sonore en live, Moone – spectacle présenté par L’Avant-Scène productions dans une mise en scène d’Olivier Desbordes,  au Théâtre Actuel La Bruyère.

Écrire, dit-il… deux jours après l’attentat du Bataclan où sa bien-aimée, Luna-Hélène Muyal, sa femme et mère de leur petit Melvil âgé de dix-sept mois, a été emportée par un concert de mitraillettes. Ni clémence ni miséricorde ce soir-là, juste la lueur froide et cruelle de ceux qui frappent à l’aveugle.

Hélène aimait les concerts, la musique, celle qu’elle était venue entendre vendredi 13 novembre 2015, celle qui l’avait portée dans la vie, celle de l’amour. Journaliste, Antoine a posté son message, Vous n’aurez pas ma haine, trois jours plus tard, sur face book. Écrire, dit-il… Il a repris ce même titre pour la publication de son premier livre, et pour le film documentaire qu’il a tourné peu après. C’est le texte intégral qui est aujourd’hui porté à la scène, dans toute la palette des émotions – stupeur, pudeur, incompréhension, amour – que l’acteur Mickaël Winum transmet, accompagné de la musique douce de Moone qu’on ne voit pas, juste signalée par un discret faisceau de lumière côté jardin, dans une niche qui pourrait être le tombeau d’Hélène.

Le texte nous ramène dix ans en arrière. Rewind !  Au cœur d’un événement certes collectif mais tellement personnel quand on est frappé de plein fouet. Ce soir-là Antoine est à la maison et garde son fils. Elle, joyeuse, est au concert avec un de leurs amis. Premier coup de fil, il reçoit l’information sur le Stade de France où il est question d’attentat. Antoine aimerait que sa femme rentre et soit en sécurité. Il l’écrit. Second coup de fil, il est informé par un ami de la réplique d’attentat, au Bataclan. Il vérifie fébrilement le lieu du concert, puis se suspend, veille sur l’enfant, ouvre et ferme la télévision essayant de faire taire les mots de ce récit de nuit. L’attente est terrifiante. Troisième coup de fil, l’ami qui était avec Hélène appelle. Lui est blessé mais vivant, pour elle, il ne sait pas. L’étendue du désastre sur place est indescriptible.

Antoine court à la recherche d’Hélène, d’hôpitaux en hôpitaux dès l’arrivée de la mère et de la sœur de son épouse, à la maison. Puis très vite il sait. L’absence s’installe tant pour l’enfant qui a sa perception des événements et réclame sa maman, que pour lui, à la maison où tout parle d’elle. Un silence sidéral s’étend, les fous rires se font rares, les objets restés à leur place laissent penser qu’elle va rentrer d’un moment à l’autre, le manteau, l’odeur des vêtements, les chemins dans la maison, tout est en place. Antoine Leiris nous mène dans ce mouvement désaccordé entre le passé, sa rencontre avec elle, leur joie de vivre, l’arrivée de leur fils et leur vie à trois, le passé qui défile, le présent dans sa terrible absence.

Dès le lundi Melvil est à la crèche, la vie doit s’appliquer à continuer, l’enfant est « le chef des horloges. » Pour Antoine tout devient blessure, la bienveillance et la compassion de tous, difficile à supporter, comme le banal comment ça va ? Le texte nous mène de la crèche à l’Institut médico-légal, redouté, suivi de la cérémonie des obsèques, redoutables, et sans leur fils, trop petit pour être présent. Il aurait voulu être seul pour lui parler, encore, et s’étendre auprès d’elle. Il trouve un bien court moment en tête à tête, pour cet adieu, personnel et anachronique.

L’homme qui écrit cette lettre d’une grande puissance le 16 novembre 2015, Vous n’aurez pas ma haine, et qui aime les mots, est devenu silence. Son récit est un hymne à Hélène, sa femme, à l’amour qu’il lui portait, sans emphase ni pathos, dans la simplicité de leur maison secrète. Soudain, le théâtre se rallume, pleins feux sur le public. L’acteur est en bordure du plateau et s’adresse en direct aux agresseurs, prenant le public à témoin. « Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils, mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes… » Il donne à sa tristesse et son chagrin les mots de la géographie, violent séisme magnitude 9 et au-delà, lui, à l’épicentre. En vis-à-vis, il dit la lettre que l’enfant adresse à la douceur perdue, « Tu me manques maman ! »

Le lendemain des funérailles le père emmène leur fils au cimetière Montmartre, sur la tombe d’Hélène, comme il en avait fait la promesse, tous deux y déposent une photo. Au son d’une boîte à musique l’enfant piétine les fleurs, comme s’il dansait pour elle. La lune, Luna-Hélène, est couchée là mais ils sont trois. Et ils font serment, secrètement, de rester trois.

Accompagné d’Olivier Desbordes pour la mise en théâtre de ce récit de vie, Vous n’aurez pas ma haine, l’acteur, Mickaël Winum dessine ce parcours du deuil et de l’indicible avec la même justesse et intensité que les mots posés sur le papier par Antoine Leiris. Les lumières dessinent avec subtilité les espaces de vie et de mort qui désormais se chevauchent (création lumière Simon Lericq). L’homme est devenu ombre, son double sur le mur. La musique – petite musique de nuit – donne sa couleur et les reliefs d’un paysage inhospitalier dans lequel il faut marcher longtemps et se perdre pour trouver des directions, des raisons, le goût d’une nouvelle vie que se promet de tisser Antoine, avec et pour Melvil. « Nous marcherons » dit Antoine Leiris à son fils dans son ode à la vie toute de résilience, et ce long chemin qu’ils entreprennent ensemble, à trois, pour l’éternité.

Brigitte Rémer, le 8 octobre 2025

Récit d’Antoine Leiris, interprétation Mickaël Winum et la musicienne en live Moone – mise en scène Olivier Desbordes – création musicale et sonore, Moone – création lumière Simon Lericq -assistant à la mise en scène Jérémy de Teyssier – L’Avant-Scène productions – Le texte est publié aux éditions Fayard (2016).

Du 29 septembre au 30 décembre 2025, les lundis et mardis à 21h. au Théâtre Actuel de La Bruyère, 5 rue La Bruyère. 75009. Paris métro : Pigalle, Saint-Georges – tél. : 01 48 74 76 99 – site : wwwww.theatrelabruyere.com

Affaires familiales

Conception, écriture et mise en scène Émilie Rousset, dans le cadre du Festival d’Automne 2025, au Théâtre de la Bastille

© Martin Argyroglo

Théâtre documentaire sur le droit de la famille, ou théâtre-journal, les acteurs font fonction d’enquêteurs interrogeant des justiciables et des avocats. Ils rapportent des témoignages sur les blessures de la société dans le domaine des Affaires familiales. Les sujets sont ardents, sensibles, intimes, vastes et vibrants. Des fragments d’images se superposent à la réalité, en écho à l’acteur, et s’inscrivent sur un petit et un grand écran situés côté cour et côté jardin, selon la position des gradins des spectateurs placés face à face (conception du dispositif scénographique Nadia Lauro). La caméra se pose sur les mains, les yeux, la bouche qui rappelle la loi, un mouvement esquissé, des bribes de souffrance, d’analyse et de réflexion, (dispositif son et vidéo, Romain Vuillet).

Neuf chapitres composent le spectacle qui met en jeu le juge aux affaires familiale pour arbitrer les dysfonctionnements en termes de droit de la famille. Les chapitres se succèdent et s’affichent : L’amour et la loi – Les limbes – La petite Madonne – Les petits cailloux – L’empilement des décisions – L’association – La Generalitat de Catalunya – Napoléon à la cour européenne. Le chapitre C’est génial ferme le spectacle, c’est en effet génial que les femmes puissent disposer de leur corps, mais le combat n’est pas fini, confirme le texte.

© Nadia Lauro

Pour espérer gagner un procès il faut une conjugaison de facteurs : « un bon justiciable, une bonne cause, un bon avocat et un bon juge » autant dire des oiseaux rares sur ces sujets de vulnérabilité. La restitution de l’enquête, qui s’est déroulée dans plusieurs pays d’Europe se fait en langue originale, italien et portugais, avec une traduction consécutive qui en donne la synthèse. La loi est différente et différemment interprétée d’un pays à l’autre, ajoute Émilie Rousset.

Le spectre des sujets abordés autour du droit familial est large et le spectacle en traverse une bonne partie : l’inégalité de la loi face à la gestation pour autrui et à la procréation médicalement assistée, ainsi qu’à l’adoption dans les couples homosexuels ; l’homophobie ; la violence dans les couples – mariés ou non et la solitude des femmes quand ils explosent ; le divorce pour faute quand la femme se retire des relations sexuelles et le code napoléonien qui l’enjoint à garder communauté de vie ; les conflits en termes de garde des enfants nés de parents de nationalités différentes, quand ils se séparent. Des exemples précis sont donnés en termes de séparation et de conflits de loyauté pour les enfants dont le récit est souvent différent de celui des parents, et qui aiment leurs deux parents ; l’indicible de l’inceste, les visites médiatisées et le lien qu’on oblige parfois à garder.

© Nadia Lauro

Créé lors de la dernière édition du Festival d’Avignon, en juillet 2025, le spectacle Affaires familiales rapporte la langue du droit, écrite et orale et ouvre sur une série de réflexions sur la justice, les avocat(e)s qui accompagnent les familles, la militance et/ou le métier, la victime et/ou le bourreau, le lien mère/enfant.

Émilie Rousset travaille l’écriture de montage et décale dans sa mise en scène le document collecté et les paroles portées par les acteurs. Elle avait déjà eu maille à partir avec la justice, sur scène s’entend, en présentant notamment Reconstitution : Le Procès de Bobigny sur le choix d’une jeune femme de seize ans, d’avorter après avoir été violée, jeune femme défendue par Gisèle Halimi. Elle explore l’archive et l’enquête documentaire et se glisse dans les grands débats de société en s’ancrant dans le réel. Elle est, depuis un an, directrice du Centre Dramatique National d’Orléans où elle poursuit ses recherches théâtrales et croise l’émotion l’histoire et la réflexion.

Brigitte Rémer, le 30 septembre 2025

© Nadia Lauro

Avec : Saadia Bentaïeb, Antonia Buresi, Teresa Coutinho, Ruggero Franceschini, Emmanuelle Lafon, Núria Lloansi, Manuel Vallade et pour la dernière représentation au Théâtre de la Bastille Aymen Bouchou remplacera Saadia Bentaieb – conception du dispositif scénographique Nadia Lauro – musique Carla Pallone – collaboration à l’écriture Sarah Maeght – création lumière Manon Lauriol – cheffes opératrices Alexandra de Saint Blanquat et Joséphine Drouin Viallard – cadreur additionnel Italie Tommy – cadreuse additionnelle Espagne Maud Sophie – montage Carole Borne, avec le renfort de Gabrielle Stemmer – assistante à la mise en scène Elina Martinez – dispositif son et vidéo Romain Vuillet – costumes Andrea Matweber – régie plateau et régie générale Jérémie Sananes –

Le texte de la pièce est écrit à partir d’entretiens réalisés avec des avocates, justiciables, responsables associatifs et parlementaires, notamment Fabíola Cardoso, Davide Chiappa, Anne Lassalle, Caroline Mécary, Lilia Mhissen, Isabel Moreira, Pauline Rongier, Hansu Yalaz, Marco Zabai, Neus Aragonès, Alice Bouissou, Véronique Chauveau, Michele Giarratano, Agnès Guimet, Montse Martí, Diodio Metro, Joana Mortaga, Luca Paladini, Morghân Peltier, Jennifer Tervil, Agathe Wehbé, les équipes du Parloir Père-Enfants ARS95, des associations Adepape95-Repairs!95, Protéger l’enfant, de la Oficina de comunicació de la Policia de la Generalitat – Mossos d’Esquadra.

Du 19 septembre au 3 octobre 2025, à 19h30, les samedis à 17h, relâche le mercredi 24 septembre et les dimanches, au Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette, 75011 Paris – métro Bastille – tél : 01 43 57 42 14 – www.theatre-bastille.com – En tournée : 7 et 8 octobre 2025, Lieu Unique, Scène nationale de Nantes – 3 au 12 décembre 2025, Centre Dramatique National Orléans – 11 et 12 février 2026, Communs, Nouvelle scène nationale de Points Cergy-Pontoise (Val d’Oise), 12 et 13 mars 2026, Le Volcan, Scène nationale, Le Havre – 18 au 20 mars 2026, Scène nationale de l’Essonne, Agora-Desnos / Evry-Courcouronnes (France)