Archives mensuelles : juillet 2018

Italienne scène et orchestre

© Alain Dugas

Texte et mise en scène Jean-François Sivadier, à la MC 93 Bobigny. Dans le cadre du Festival Paris l’été.

Ce pourrait être un sévère pamphlet sur l’opéra, c’est avant tout un déchainement d’humour qui souffle le chaud-glacé, une tartine d’ironie bien assaisonnée, un pavé dans la mare des ego artistiques. Le spectateur assiste à l’élaboration de La Traviata, de Verdi, à des répétitions qui tiennent davantage de la bande dessinée et du feuilleton que de l’opéra. Il est engagé comme choriste dans la première partie du spectacle et se trouve sur la scène, face à une salle vide ; il est instrumentiste en seconde partie, devant un pupitre et la partition, dans la fosse d’orchestre d’où il suit l’action en contre plongée.

Protagoniste malgré lui, le public est accueilli par Jean-François Sivadier – auteur et metteur en scène de la pièce, Italienne scène et orchestre – au titre ici de chef de chœur, sa partition dans la première partie du spectacle ; par Nicolas Bouchaud, dans la pièce metteur en scène de La Traviata, qui a du fil à retordre avec les artistes pour faire passer ses messages et honorer son cahier des charges ;  par son assistante, Nadia Vonderheyden, avec qui il forme un pétillant duo.

L’adresse se fait en direct du chef de chœur, rude et provocateur, au spectateur/choriste – seul et dans un ensemble, comme au théâtre : « A quelle école étiez-vous ? J’en étais sûr, ils vous apprennent à jouer pour les abonnés. Vous devez jouer pour celui qui ne sait rien, qui vient à l’opéra pour la première fois… » Il est contredit par le metteur en scène, en recherche d’une théâtralité affirmée et mis sur le banc de touche. Chacun défend férocement son territoire.

Le spectateur assiste aux errements de la création, face aux acteurs-chanteurs interprètes de La Traviata, pris sur le vif des fausses belles idées qu’ils proposent au metteur en scène : une jeune chanteuse de bonne volonté (Marie Cariès) et un ténor sûr de lui, bien loin de la demande et de l’attente du metteur en scène (Vincent Guédon) ; une diva qui se fait attendre et se donne toutes les libertés (Charlotte Clamens) et sa doublure qui peine à trouver la juste chute (Nadia Vonderheyden).

Si la pièce interroge la création et ce que représenter veut dire, elle est aussi un superbe divertissement. Le rire est présent et l’humour, enchanteur plutôt que grinçant. C’est pur plaisir de voir Jean-François Sivadier en chef d’orchestre dans la seconde partie, face au dépit de Nicolas Bouchaud. Créée en 1996 au Cargo de Grenoble sous le titre Italienne avec Orchestre, reprise à différents moments dont en 2003 au Théâtre National de Bretagne et en 2006 à l’Opéra de Lille, la pièce, devenue emblématique de la compagnie, n’a cessé d’évoluer. Elle repose sur la notion de collectif à laquelle Jean-François Sivadier est sensible pour avoir cheminé aux côtés de Didier-Georges Gabily, comme d’ailleurs Nicolas Bouchaud avec qui il travaille depuis une vingtaine d’années.

Sivadier a monté Brecht, Shakespeare et Claudel, Büchner, Beaumarchais et Molière. Il connaît l’opéra et travaille régulièrement avec celui de Lille. Il a d’ailleurs mis en scène La Traviata au festival d’Aix-en-Provence, en 2011. Les relations entre metteurs en scène, musiciens, chefs d’orchestre et de chœur, ne semblent guère avoir de secret pour lui.

De cette expérience où la frontière entre acteurs et spectateurs s’efface, il y a le théâtre à travers l’opéra, la dérision et le rire. Et il y a le plaisir du spectateur.

Brigitte Rémer, le 15 juillet 2018

Avec Nicolas Bouchaud, Marie Cariès, Charlotte Clamens, Vincent Guédon, Jean-François Sivadier, Nadia Vonderheyden. Collaboration artistique Véronique Timsit – son Jean-Louis Imbert – lumière Jean-Jacques Beaudouin – assistante technique Léa Sarra – stagiaire à la mise en scène Djo Ngeleka.

 Du 9 au 28 juillet 2018, à MC93 Bobigny, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis – 9 boulevard Lénine 93000 Bobigny – Métro Bobigny Pablo-Picasso. Sites : www.mc93.com et www.parislete.fr – tél. : 01 44 94 98 00.

Akaji Maro. Danser avec l’invisible

Présentation, entretiens, traduction Aya Soejima – Ouvrage publié aux éditions Riveneuve/Archimbaud, en mars 2018.

Akaji Maro est acteur et danseur de butô, metteur en scène et chorégraphe, directeur artistique de la compagnie de danse Dairakudakan. Il est né en 1943 à Nara, à l’ouest du Japon, fut très impliqué dans les mouvements contestataires des années 60/70 et le théâtre underground. « Dans le théâtre underground, on était contre le système, la censure, on aimait la radicalité, ce qui sentait le soufre… » dit-il.

Maro participe avec Jûrô Kara à la création du Jôkyô Gekijô, troupe dans laquelle il débute et interprète les rôles principaux. Sa rencontre avec le maître du butô et amoureux de l’écriture de Jean Genêt, Tatsumi Hijikata, est pour lui fondatrice, c’est aussi la porte d’entrée qui lui donne accès à des intellectuels et artistes singuliers, comme l’écrivain Yukio Mishima et le photographe Nobuyoshi Araki. Il fonde sa compagnie en 1972, Dairakudadan, prenant de la distance avec le théâtre et s’oriente vers la danse. Autour de lui s’y produisent notamment Ushio Amagatsu, fondateur en 1975 de la célèbre compagnie Sankaï Juku, Kô Murobushi, danseur et chorégraphe de Butô très reconnu au Japon et qui a notamment travaillé avec Bartabas dans Le Centaure et l’animal, Carlota Ikeda qui crée la Compagnie Ariadone uniquement composée de femmes et qui explore une forme de butô libre. Sa troupe sillonne pays et continents, faisant découvrir le butô tant aux États-Unis qu’en Europe. Séduits par sa forte personnalité et son physique de yakusa – cette célèbre organisation du crime – Maro a intéressé de nombreux réalisateurs, ainsi Kô Nakahira qui l’a engagé en 1970 dans son film Une Âme au diable, présenté au Festival de Cannes.

Akaji Maro. Danser avec l’invisible donne la parole à l’artiste. Dans une première partie, Akaji Maro répond aux questions de son interlocutrice, Aya Soejima et se raconte. Suivent quatre pages de photos présentant l’artiste en majesté, visage peint, mi Nosferatu, mi guerrier à la Kurosawa, sorte de diva concentrée et inquiétante. Une seconde partie d’une quarantaine de pages livre ensuite ses réflexions sur les origines du butô né sur la vision fantomatique des irradiés par la bombe atomique ; sur sa pratique de la collecte des gestes ; sur ses fondamentaux et ses oscillations entre le théâtre et la danse ; sur sa conception du corps-espace et sur la signification du fard blanc ; sur ses liens avec l’invisible. Une courte postface signée du pionnier de la musique électronique, Jeff Mills, intitulée Maître du « monde réel » ferme cette danse avec l’invisible : « Je le considère comme un Maître qui exerce dans l’art de la Réalité. Il nous rappelle d’une façon constante d’autres voies du possible ou des chemins de traverse. »

Aya Soejima a longtemps observé son sujet à la personnalité contrastée, le regardant travailler, s’exprimer, rencontrer. « Tel un rituel désormais immuable, je me rends deux fois l’an au studio de Dairakudadan à Tokyo pour assister à la revue déglinguée de fin d’année ou pour interviewer Maro et ses danseurs… C’est dans ces moments d’intimité que Maro m’a raconté sa vie d’artiste vagabond des années soixante et soixante-dix avec son florilège d’anecdotes souvent truculentes. C’est dans ces moments qu’il m’a fait part aussi de ses doutes, des paris qu’il a gagnés, de ses échecs, de sa fidélité immuable vis-à-vis de ses danseurs, de sa vision de la vie. »

Dans cet ouvrage d’une bonne centaine de pages, il parle de son enfance, de ses racines, d’une mère chassée de la famille à la mort de son père alors qu’il a un an, de son éducation par sa vraie/fausse grand-mère paternelle, des petits boulots très tôt, des galères, du contexte socio-politique dégradé, du parcours artistique et personnel, des rencontres. Il raconte les numéros de kimpun show dans les cabarets, le corps enduit d’huile dorée, l’atelier de formation des danseurs créé avec Ushio Amagatsu, l’ancienne usine désaffectée rénovée par les vingt membres de la Compagnie, devenu lieu emblématique de création et de recherche avant de tomber en faillite en raison de la gestion douteuse du conseiller financier, sa manière de poursuivre les actions de création et de formation. Le livre suit les sinuosités et digressions de sa pensée et de sa parole.

Le livre Akaji Maro. Danser avec l’invisible a reçu le Prix de la Critique 2017-2018 remis le 18 juin par le Syndicat de la critique théâtre, musique et danse, dans la section Danse, prix partagé avec Isabelle Launay pour son ouvrage Poétiques et Politiques des répertoires, les danses d’après, I, édité par le Centre National de la Danse.

C’est une belle initiative des éditions Riveneuve qui mène le lecteur au cœur de la création artistique d’un moment donné – les années 1960/70 –  dans le contexte d’un pays qui tente de se relever de l’agression atomique, le Japon, pays qui a vivement intéressé les créateurs et le public français et qui fut plusieurs fois à l’honneur au Festival Mondial du Théâtre de Nancy créé et longtemps dirigé par Jack Lang, ainsi qu’au Festival d’Avignon.

Brigitte Rémer, le 3 juillet 2018

Akaji Maro. Danser avec l’invisible, édition Riveneuve/Archimbaud. Paris. Mars 2018. (117 pages) – 12 euros – Tél. : 01 45 42 23 85 – Site : www.riveneuve.com

55ème Prix de la Critique – Théâtre,Musique, Danse

Le Palmarès 2017-2018 des Grands Prix de la critique pour le théâtre, la musique et la danse, porté par le Syndicat de la Critique, a été dévoilé le 18 juin, au Théâtre Paris-Villette.

THÉÂTRE

GRAND PRIX (meilleur spectacle théâtral de l’année) : TOUS DES OISEAUX, texte et mise en scène Wajdi Mouawad  – (La Colline – Théâtre national).

PRIX GEORGES-LERMINIER (meilleur spectacle théâtral créé en province) : SAÏGON, texte et mise en scène Caroline Guiela Nguyen (Compagnie Les Hommes approximatifs / La Comédie de Valence – CDN Drôme-Ardèche / joué à l’Odéon-Théâtre de l’Europe).

MEILLEURE CRÉATION D’UNE PIÈCE EN LANGUE FRANÇAISE : LES ONDES MAGNÉTIQUES, texte et mise en scène David Lescot (Comédie-Française – Théâtre du Vieux-Colombier).

MEILLEUR SPECTACLE ÉTRANGER : TRISTESSES, texte et mise en scène Anne-Cécile Vandalem (Das Fräulein Kompanie, joué à l’Odéon-Ateliers Berthier).

PRIX LAURENT-TERZIEFF (meilleur spectacle présenté dans un théâtre privé) : SEASONAL AFFECTIVE DISORDER, de Lola Molina, mise en scène Lélio Plotton (Théâtre du Lucernaire).

MEILLEURE COMÉDIENNE : ANOUK GRINBERG dans Un Mois à la campagne d’Ivan Tourgueniev, mise en scène Alain Françon (Théâtre des nuages de neige / joué au Théâtre Déjazet).

MEILLEUR COMÉDIEN : BENJAMIN LAVERNHE dans Les Fourberies de Scapin de Molière, mise en scène Denis Podalydès (Comédie-Française – salle Richelieu).

PRIX JEAN-JACQUES-LERRANT (révélation théâtrale de l’année) : PAULINE BAYLE pour sa mise en scène d’Iliade / Odyssée, d’après Homère (Compagnie À Tire-d’aile / joué au Théâtre de la Bastille).

MEILLEURE CRÉATION D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES : EMMANUEL CLOLUS pour Tous des oiseaux, texte et mise en scène Wajdi Mouawad (La Colline – Théâtre national).

MEILLEURS COMPOSITEURS DE MUSIQUE DE SCÈNE : VINCENT CAHAY et PIERRE KISSLING pour Tristesses, texte et mise en scène Anne-Cécile Vandalem (Das Fräulein Kompanie / joué à l’Odéon-Théâtre de l’Europe).

MEILLEUR LIVRE SUR LE THÉÂTRE : QU’ILS CRÈVENT LES CRITIQUES ! par Jean-Pierre Léonardini (Solitaires Intempestifs).

 

MUSIQUE

GRAND PRIX (meilleur spectacle lyrique de l’année) : LE DOMINO NOIR, opéra-comique de Daniel-François Esprit Auber / Direction musicale Patrick Davin / Mise en scène Valérie Lesort et Christian Heck (Opéra Comique – Paris, Opéra Royal de Wallonie – Liège).

PRIX CLAUDE ROSTAND (meilleur spectacle lyrique créé en province) : WERTHER, opéra de Jules Massenet / Direction musicale Jean-Marie Zeitouni / Mise en scène Bruno Ravella (Opéra national de Lorraine à Nancy).

MEILLEURE CRÉATION MUSICALE : PINOCCHIO, opéra de Philippe Boesmans sur un livret de Joël Pommerat d’après Carlo Collodi / Direction musicale Emilio Pomarico à Aix-en-Provence, Patrick Davin à Bruxelles (Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, Théâtre royal de la Monnaie – Bruxelles).

MEILLEUR CRÉATEUR D’ÉLÉMENTS SCÉNIQUES : JEAN-PHILIPPE CLARAC et OLIVIER DELOEUIL, dans le cadre de leur résidence à l’Opéra de Limoges pour les spectacles suivants : Peer Gynt d’Edward Grieg en co-production avec l’Opéra de Montpellier / Schubert-Box sur des lieder de Schubert / Butterfly d’après Giacomo Puccini en co-production avec l’Opéra de Rouen.

PERSONNALITÉ MUSICALE DE L’ANNÉE : STÉPHANE DEGOUT, baryton. REVELATION MUSICALE DE L’ANNÉE : JULIEN MASMONDET, chef d’orchestre.

MEILLEURS LIVRES SUR LA MUSIQUE :
– Essai : LE VOYAGE D’HIVER DE SCHUBERT, ANATOMIE D’UNE OBSESSION, par Ian Bostridge (Actes Sud).
– Monographie : FRITZ BUSCH, L’EXIL 1933/1951, par Fabian Gastellier (Notes de Nuit/Collection la beauté du geste).

MEILLEURE DIFFUSION MUSICALE AUDIOVISUELLE : CLAUDE DEBUSSY – INTÉGRALE DE L’ŒUVRE (coffret de 33 CD comportant des pièces inédites – Warner classics) / Texte de présentation Denis Herlin.

ÏPRIX DE L’EUROPE FRANCOPHONE : ADRIANA LECOUVREUR, opéra de Francesco Cilea / Direction musicale Maurizio Benini / Mise en scène Davide Livermore (Opéra de Monte-Carlo, Opéra de Saint-Étienne, Opéra de Marseille).

 

DANSE

FINDING NOW, Chorégraphie Andrew Skeels, Théâtre de Suresnes Jean Vilar/Festival Suresnes Cités Danses 2018.

GRANDS PRIX EX-AEQUO :– CROWD, chorégraphie Gisèle Vienne, DACM, Compagnie Gisèle Vienne.

MEILLEURS INTERPRÈTES : HOFESH SHECHTER II – SHOW, chorégraphie Hofesh Shechter, Théâtre des Abbesses 2018.

PERSONNALITÉ CHORÉGRAPHIQUE DE L’ANNÉE : BRUNO BOUCHÉ, directeur du CCN / Ballet de l’Opéra National du Rhin.

MEILLEURS FILMS SUR LA DANSE EX-AEQUO :
- LOUISE LECAVALIER-SUR SON CHEVAL DE FEU, réalisateur Raymond St-Jean, Ciné Qua non Média Production, Distribution Film Option International.
- MAURICE BÉJART, L’ÂME DE LA DANSE, d’Henri de Gerlache et Jean de Garrigues, Arte.

MEILLEURE COMPAGNIE : BALLET NATIONAL DU CANADA, direction artistique Karen Kain pour Nijinsky de John Neumeier, Transcendanses 2017-18, Théâtre des Champs-Élysées, 2017.

MEILLEURS LIVRES SUR LA DANSE EX-AEQUO :
- DANSER AVEC L’INVISIBLE, Akaji Maro, Riveneuve éditions.
- POÉTIQUES ET POLITIQUES DES RÉPERTOIRES, LES DANSES D’APRÈS, I, Isabelle Launay, Éditions Centre national de la danse.

Félicitations aux artistes !

L’éducation artistique dans le monde – Récits et enjeux.


Ouvrage collectif sous la direction d’Éric Fourreau publié aux éditions de l’Attribut.

Communiqué de presse – Si l’éducation artistique est désormais affichée comme une priorité politique en France, c’est loin d’être le cas ailleurs. Ce livre est le premier à retracer toute une série d’expériences conduites à travers le monde en matière d’éducation artistique, tout en faisant le point sur les politiques éducatives et culturelles mises en œuvre.

Il montre l’extrême diversité des politiques et des actions qui
 ont cours sur l’ensemble des continents : des engagements
 de la compagnie Teatro Trono dans les bidonvilles de La Paz,
 en Bolivie, jusqu’au projet Learning Through Arts du musée 
Guggenheim de New York, en passant par les initiatives des artistes du centre Koombi, au Burkina Faso, l’enseignement
du cinéma et des médias en Corée du Sud, l’énergie 
cathartique de l’École de cirque de Palestine ou la politique
 d’éducation artistique et culturelle du département de la Seine-Saint-Denis…

Autant d’études de cas illustrant des situations particulières, complétées par les analyses des plus grands spécialistes sur les enjeux de l’éducation artistique à l’heure de la globalisation, sur une alternative éducative mondialisée, ou encore l’éclosion des orchestres de jeunes à travers la planète.

Auteurs : Razan Al-Azzeh, Balázs Berkovits, Cecilia Björklund Dahlgren, Marie-Christine Bordeaux, Ralph Buck, Gemma Carbó, Francis Cossu, Claudine Dussollier, Emmanuel Ethis, Lígia Ferro, Éric Fourreau, Carlos Fragateiro, Luvel García Leyva, Souria Grandi, Teunis Ijdens, Giulia Innocenti Malini, Ivan Jimenez, Alain Kerlan, Jean-Marc Lauret, Myriam Lemonchois, François Matarasso, Nathalie Montoya, Hania Mroué, Iván Nogales Bazán, Nevelina Pachova, Giusy Pisano, Jean-Yves Potel, Maria Lúcia de Souza Barros Pupo, Brigitte Rémer, Christelle Renoux, María Inés Silva, Barbara Snook, Kouam Tawa, Luísa Veloso, Emmanuel Wallon, Aurélien Zolli.

En vente (20 €) en librairie et sur www.editions-attribut.fr (320 pages) – Courriel : info@editions-attribut.fr – Pour tout renseignement : 06 82 95 26 73.

 

Elle s’écoule

© Bernard Baudin

Composition et direction artistique Nicolas Frize, production Les Musiques de La Boulangère, à la Maison des Sciences de l’Homme – Paris Nord/ La Plaine St-Denis – Dispositif inclus comme projet de recherche dans le Labex Arts H2H des universités Paris 8 et Paris 13, et dans la programmation du contrat de ville 2018.

La nouvelle expérimentation du compositeur Nicolas Frize après deux ans de résidence et d’enracinement sur le territoire de Seine-Saint-Denis, mise en musique, en espace et en traduction graphique sur le thème du désir, dans le sens de désir d’être, est présentée au public. L’expression de la relation, les résistances, le choix, l’attente, l’abandon sont nés des échanges entre les élèves de collèges et de lycées, ceux du conservatoire, les interprètes professionnels et les non musiciens qui se sont en même temps attachés à un instrument. Le chemin initiatique se fait en huit stations, huit tempos, dans les espaces de la Maison des Sciences de l’Homme. Plusieurs groupes de spectateurs se constituent et le suivent en un mouvement différent, avant de converger à l’unisson sur le parvis de la MSH, pour le final.

Mon parcours a commencé par Idéal idéaux présenté dans l’auditorium, pièce pour deux violons, piano en double, deux pianos et guitare électrique. Les instruments s’éveillent les uns après les autres dans une grande liberté de mouvement, la guitariste est au sommet d’une tour-échafaudage. Chacun à tour de rôle mène la danse et dirige. Seconde étape, Ourlet rêvé, se déroule dans la salle panoramique d’où l’on domine la ville en construction et ses grues. Le violoncelle est dans une cabine de verre qui ressemble à un studio d’enregistrement, la guitare et les percussions agissent jusqu’au vocal final. On est dans le noir et le rouge et les traitements numériques interrogent. Des mains gantées de lumière s’approchent des spectateurs et déclenchent des sons et des musicalités. Sur les vitres se dessinent des arabesques à la peinture blanche. La troisième station, En secret, nous mène au sous-sol dans une immense pièce carrée, harmonieuse dans ses dimensions. Au centre, une imposante kora africaine en double sur un podium répond à la soprano, au ténor, au baryton, et au trio vocal qui se déplacent dans une salle qui prête à la méditation. Intimes élans pour harpe, harpe troubadour et viole de gambe est le quatrième check point où s’inscrivent sur les murs des mots et expressions énigmatiques au fusain et à la craie, comme ouvrir cette porte… La cinquième halte, Dans son sillage, se fait à la Bibliothèque que le public surplombe. Une voix de basse profonde, très profonde, accompagnée d’un basson, erre parmi les livres en écho à des sons enregistrés et monte jusqu’à la galerie supérieure. Atouts trèfle, carreau, cœur, pique, des cartes déposées par une jeune femme-elfe en rouge, ouvre les paris. Entre deux eaux/deux (z)hauts, se passe dans le hall d’accueil où là encore le public suit les événements en surplomb. La pièce est ludique. Tantôt sage tantôt effrontée, le piano disjoncte et joue seul, sans son pianiste, certains « tubes » comme Les Gymnopédies ou La Sonate au clair de lune. Diverses interventions, toutes teintées d’humour, mettent en action des grelots, crécelles, hochets, jouets en tous genres, une flûte de pan, des cymbales jusqu’à ce que les musiciens engagent entre eux une course poursuite. Le huitième rendez-vous, Pris dans les flots, a lieu dans le jardin où se déploie le grand chœur, soprano, baryton, orgue, guitare et sons enregistrés, dirigé par Nicolas Fehrenbach placé en hauteur, face au chœur et derrière le public. C’est une pièce en majesté, tonique et joueuse entre bruits d’abeille, mouvements de foule et claquement de langues, avec un vocal très précis qui apporte différents contextes et ambiances, accompagné d’un orgue et d’une guitare. La dernière station, Troubles, pour deux saz, quatre flûtes et récitante se déroule dans l’amphithéâtre où le rapport entre maître et élève, est net. Paysage sonore rassemble tous les spectateurs sur le parvis de la Maison des Sciences de l’Homme, à la fin du parcours, au rythme des  guitares électriques.

Nicolas Frize aime à surprendre et met en place des processus singuliers basé sur une longue immersion dans un territoire. Il métisse musiciens professionnels et jeunes apprenants, l’instrumental, le vocal et l’électroacoustique, pose un geste politique en même temps que poétique qu’il traduit à travers l’œuvre composée, l’œuvre graphique et la réflexion intellectuelle. Depuis 1975, il dirige Les Musiques de la Boulangère, association qui diffuse la musique contemporaine dans les lieux culturels et ceux de la vie quotidienne et du travail. A travers ses nombreuses compositions et concerts il trace trois axes et met en exergue les interprètes amateurs et professionnels ; l’instrumentation, avec la recherche de nouveaux  instruments et sonorités adaptés aux lieux et aux circonstances, les scénographies inventées et réalisées dans des lieux non conventionnels. En 2014 il avait œuvré chez PSA Peugeot et donné une symphonie fantastique de sa composition dans l’usine de Saint-Ouen et divers établissements de la ville dont l’église et l’école.

« Le désir prend la lumière et l’enfouit dans la nuit, fait jaillir de cette nuit ses rayons les plus vifs… » Avec Elle s’écoule, cent quarante interprètes ont porté ce désir jusqu’à son terme, la représentation. Qu’ils soient remerciés.

Brigitte Rémer, le 23 juin 2018

Avec les interprètes professionnels – Antoine Berquet : basson
- Laurent Bourdeaux : voix baryton –  Jean-Christophe Brizard : voix basse profonde
Pauline Buet : violoncelle
- Laurent David : voix ténor
- Sophie Deshayes : Flûte – Amaya Dominguez : voix alto – Pierre-Jean Gaucher : Guitare basse – Paul Goussot : Orgue
- Ariane Granjon : violon – Claire Gratton : Viole de Gambe – Alice Gregorio : Voix mezzo soprane  – Anne-Marie Jacquin : Voix soprane – Céline Roulleau : Piano
- Thomas Roullon : Voix baryton – Christophe Saunière : Harpe – Christelle Séry : Guitare -
Boubacar, dit Babene, Sissoko : Kora – Huseyin Ucürum : Saz
- Yi-Ping Yang : Percussions – et la dessinatrice Pascale Evrard.

Avec les interprètes non professionnels – les élèves : du collège Jean Lurçat de Saint-Denis, du lycée Henri Wallon d’Aubervilliers, du lycée Jacques Amyot de Melun, du conservatoire de musique de Saint-Denis du CRR d’Aubervilliers/La Courneuve, de l’Université Paris 8 Vincennes/ Saint-Denis – et avec plus de 90 choristes amateurs, fidèles du travail du compositeur ou nouveaux venus, dirigés par Nicolas Fehrenbach – Pour l’accueil et l’accompagnement du public : les étudiants du BTS tourisme du Lycée Feyder d’Epinay-sur-Seine, entre autres.

Les 7 et 8 Juin à 20h, samedi 9 Juin à 15h et 18h, dimanche 10 Juin à 15h et 18h – Maison des Sciences de l’Homme/Paris Nord, 20 avenue George Sand, La Plaine St-Denis – Entrée Libre –  Les Musiques de La Boulangère/ siège social : 91 rue du Faubourg saint-Martin. 75010 – Bureau : 15 rue Catulienne. 93200 Saint Denis – Téléphone : 01 48 20 12 50 – Site www.nicolasfrize.com