Archives mensuelles : octobre 2016

Les Damnés

© Jan Verswevyeld

© Jan Verswevyeld

D’après le scénario de Luchino Visconti, Nicola Badalucco, Enrico Medioli – Mise en scène Ivo van Hove – avec la troupe de la Comédie Française.

Oscar du meilleur scénario en 1969 et premier film de la trilogie allemande de Visconti – avant Mort à Venise tourné en 1971 et Ludwig, en 1972 – les Damnés est un film emblématique. Pour ce travail avec la troupe de la Comédie Française, Ivo Van Hove part du scénario écrit par Visconti lui-même en collaboration avec Nicola Badalucco et Enrico Medioli. Familier de l’univers du cinéaste, il avait réalisé le même exercice d’adaptation et de mise en scène avec le scénario de Ludwig, en 2012. Le défi est ici majeur car le spectacle ouvrait le Festival d’Avignon, dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, sur un immense plateau, avant d’être repris salle Richelieu avec une ouverture de scène nettement plus réduite.

Et le metteur en scène pousse les murs, ouvrant le cadre de scène au maximum pour libérer le plateau en créant plusieurs niveaux de jeu et différents espaces où se déroulent les rituels infernaux et les jeux de massacre – l’espace du dedans et celui du dehors -. Les acteurs se préparent à vue côté jardin où les maquilleuses opèrent et où se déroule une partie de l’action. D’un praticable, ils peuvent suivre les autres acteurs et restent en état de veille. On est alors entre l’acteur et le personnage. Bien pensée, la scénographie – signée de Jan Versweyveld, également créateur lumières –  donne de la liberté. Le sol orange est évocateur du feu : le Reichstag, l’Allemagne, une famille, l’industrie sidérurgique, flambent.

Au début du spectacle, en une sorte de prologue, tous les personnages de la tragédie remontent du fond de la scène et s’immobilisent face aux spectateurs, la salle reste allumée. Ce mouvement est repris plusieurs fois au cours du spectacle, semblable au flux et au reflux, celui de l’Histoire. Il y a de moins en moins de personnages au fil des marées – éliminés les uns après les autres, systématiquement -. Sur l’échiquier du pouvoir, économique et politique, un fou – Friedich Bruckman (Guillaume Gallienne) – et une reine – Sophie von Essenbeck ( Elsa Lepoivre) – font alliance.

L’action se passe en Allemagne, en 1933, au moment où les nazis prennent le pouvoir. Le spectacle débute par une fête familiale pour l’anniversaire du Baron Joachim, patriarche de la famille Von Essenbeck, à la tête d’un empire sidérurgique (Didier Sandre). Tout est prêt pour que la fête soit belle, les femmes sont élégantes, les petites filles chantent. Côté jardin, le jeune Martin von Essenbeck, petit fils du Patriarche, se travestit (Christophe Montenez). Dans les mains d’une mère, ambiguë et vénéneuse, Baronne Sophie von Essenbeck, il développe paranoïa, perversité et crises de régression infantile. Quand le politique s’invite dans la discussion entre frères et beaux-frères, très vite le ton et la tension montent, et la fête familiale tourne court. A l’annonce de l’incendie du Reichstag, chacun se dévoile et la famille vole en éclats. Le Patriarche annonce vouloir faire alliance avec les nazis, son neveu, Herbert Thallman, directeur adjoint des usines et contre le national-socialisme (Loïc Corbery), l’affronte, il fait également face à Konstantin von Essenbeck, second fils du Baron et membre des SA (Denis Podalydès). Herbert conserve son intégrité et défend ses idées, seul contre tous. Il démissionne et quitte la maison, après avoir fait ses adieux à sa femme, Elisabeth (Adeline d’Hermy) et à ses filles. Quand il reviendra, elles auront été exécutées, comme tant d’autres de la lignée. Le rouleau compresseur du pouvoir, de l’argent, de la puissance, de l’arrogance et de la destruction, est en marche.

La chute de la famille et de l’empire industriel commence par le meurtre du Patriarche. Après lui de nombreuses exécutions intra familiales déciment les Eissenbeck. Les cercueils s’aligneront côté cour, repris en gros plan sur écran par une caméra qui commente l’action (vidéo  Tal Yarden). Celle qui tire les ficelles n’est autre que la Baronne Sophie von Essenbeck qui détourne les biens de son fils et impose son amant, Friedrich Bruckman, à la tête de l’empire sidérurgique. Le couple sera de tous les complots, aussi machiavélique que le couple Macbeth shakespearien. Quand Martin reprend ses droits dans l’entreprise et pousse sa mère dans ses derniers retranchements, il se convertit au nazisme, ainsi d’ailleurs que son cousin Gunther qui, au début du spectacle, joue de la clarinette basse (Clément Hervieu-Léger) et qui cherche à venger son père tué par Konstantin. De manipulé qu’il fut – par sa mère – Martin devient manipulateur, et la situation se retourne contre les comploteurs. Sophie von Essenbeck et Friedrich Bruckman sont à leur tour exécutés. Dans l’ombre, deux anges noirs, délateurs et collaborateurs avec les nazis, tirent aussi les ficelles, Konstantin von Essenbeck et le très trouble Wolf von Aschenbach (Éric Génovèse).

Puissance, pouvoir, trahison, érotisme, cynisme, totalitarisme, haine et solitude, telle est la substance d’un spectacle magnifiquement porté par chaque acteur de la troupe, à travers la théâtralité de la mise en scène. Ivo van Hove synthétise le propos sur les Damnés, reprenant ce que Visconti lui-même disait : « Pour moi, c’est la célébration du Mal. » La mort rôde en permanence derrière les conventions sociales et l’intime se superpose à la dérive collective. En cela, l’Histoire récente – les années trente – croise celle d’aujourd’hui, avec d’autres totalitarismes. Une caméra capte les acteurs et pose sur l’écran les gros plans de leur intimité, ou parfois les images viennent d’archives comme celles de l’incendie du Reichstag, des autodafés et de Dachau, le lieu où périt la femme d’Herbert. La musique est tantôt baroque, tantôt issue de compositeurs ambigus ou collabos, tantôt pur métal allemand, en référence à la sidérurgie (musique originale et concept sonore Eric Sleichim). Herbert, à son retour, tous les crimes achevés, sera le seul porteur de la mémoire, familiale et collective.

Visconti s’était inspiré de la réalité de la famille Krupp, propriétaire d’aciéries dans la Ruhr, dont l’enjeu résidait dans les armes et les intérêts économiques. Le scénario s’inspirait de Buddenbrook de Thomas Mann, des Possédés de Fiodor Dostoïevski et de L’Homme sans qualité de Robert Musil. Dirk Bogarde était Friedrich Bruckmann et Ingrid Thulin Baronne Sophie von Essenbeck, le couple diabolique. Helmut Berger interprétait le rôle de Martin von Essenbeck. Directeur artistique du Toneelgroep d’Amsterdam, Ivo van Hove  travaille les différentes disciplines des arts de la scène et du cinéma, son répertoire est vaste, de Sophocle à Shakespeare, Molière, Koltès, Cassavetes, Arthur Miller… Il conduit aujourd’hui la troupe de la Comédie Française sur des sentiers dont on ne sort pas indemne. Le public, inclut dans le spectacle et tétanisé par l’Histoire, non plus.

Brigitte Rémer, 25 octobre 2016

Scénographie et lumières Jan Versweyveld – costumes An D’Huys – vidéo Tal Yarden – musique originale et concept sonore Eric Sleichim – dramaturgie Bart Van den Eynde – assistanat à la mise en scène Laurent Delvert – assistanat à la scénographie Roel Van Berckelaer – assistanat aux lumières François Thouret – assistanat au son Lucas Lelièvre.

Avec la Troupe de la Comédie Française : Sylvia Bergé la Gouvernante et la mère de Lisa (jusqu’au 7 novembre) – Éric Génovèse Wolf von Aschenbach – Denis Podalydès Baron Konstantin von Essenbeck – Alexandre Pavloff le Commissaire et le Recteur – Guillaume Gallienne Friedrich Bruckmann – Elsa Lepoivre Baronne Sophie von Essenbeck – Loïc Corbery Herbert Thallman – Adeline d’Hermy Elisabeth Thallman – Clément Hervieu-Léger Günther von Essenbeck – Jennifer Decker Olga – Didier Sandre Baron Joachim von Essenbeck – Christophe Montenez Martin von Essenbeck – Sébastien Baulain Janeck. Avec les comédiens de l’Académie de la Comédie-Française : Marina Cappe, la Gouvernante (à partir du 11 novembre) – Amaranta Kun, la Mère de Lisa (à partir du 11 novembre) – Tristan Cottin, Pierre Ostoya Magnin, Axel Mandron et Basile Alaïmalaïs, Thomas Gendronneau, Tom Wozniczka six hommes en noir…

24 septembre 2016 au 13 janvier 2017, Comédie Française, salle Richelieu, Place Colette. 75001. Métro : Palais-Royal – Tél. : 01 44 58 15 15 – Site : www.comedie-francaise.fr

Rêve et Folie

© Pascal Victor

© Pascal Victor

Texte Georg Trakl, traduction de l’allemand Marc Petit et Jean-Claude Schneider, mise en scène Claude Régy, avec Yann Boudaud, au Théâtre Nanterre-Amandiers – Avec le Festival d’Automne à Paris.

Claude Régy est le spécialiste de l’épure, de la densité obscure, de la pensée exigeante, des chemins singuliers. Il croise aujourd’hui la route de Georg Trakl, poète austro-hongrois, expressionniste, mort d’une overdose à vingt-sept ans, en 1914, soleil noir de la poésie allemande, poète maudit. L’auteur de Métamorphose du mal, des Corbeaux, de Crépuscule et Déclin a vécu dans un univers de drogues et de transgression qui l’a mené aux portes de l’autodestruction et de la folie, sa sœur, mythique et incestueuse comme port d’attache.

Sur scène, dans une nuit profonde, l’acteur – Yann Boudaud – évoque par touches d’outre-noir à la Soulages et par bribes d’un phrasé légèrement heurté le mal, le viol, le sacrifice, la violence intérieure, la folie. Sa présence fantomatique et torturée glisse dans l’ombre et se fond dans une instabilité dense, l’ébauche d’un geste au ralenti, un déséquilibre en mouvement comme si la terre à chaque pas s’ouvrait devant lui pour l’avaler et comme s’il s’effrayait lui-même de ses propres pensées. L’innocence est détournée, perdue, le monde aux contours d’apocalypse n’est que souffrance et cauchemar. On reçoit la violence d’un tableau à la Francis Bacon, on est dans la tragédie, l’esquisse, l’énigme.

Claude Régy et Yann Boudaud ont travaillé ensemble de 1997 à 2001, puis se sont retrouvés en 2012 autour du texte de Tarjei Vesaas, La Barque le soir, proposition crépusculaire déjà, pleine de silence et de profondeur. Le metteur en scène avait auparavant monté Brume de Dieu, à partir des Oiseaux, de Vesaas et fait découvrir de nombreux auteurs – Gregory Motton, David Harrower, Jon Fosse, Sarah Kane, Arne Lygre, Walace Stevens etc – auprès desquels il a fait un bout de route. Il est devenu le spécialiste et virtuose du Norvégien Jon Fosse duquel il a présenté à Nanterre-Amandiers au début des années 2000, Quelqu’un va venir et Melancholia et, plus tard, à la Colline Variations sur la mort. Il a mis en scène en 2002 le dernier texte de Sarah Kane, 4.48 Psychose, au Théâtre des Bouffes du Nord, avec Isabelle Huppert.

Dans le parcours théâtral de maître Régy, puissant pédagogue au regard aigu, l’intime et l’absolu se côtoient, l’indicible est en clair obscur et l’absolu au rendez-vous. Le monde rimbaldien de Trakl lui permet, une fois encore, de travailler avec acuité sur l’interdit, de prendre place sur le seuil de la porte et de nous remplir de silence et de brumes, comme au petit matin.

Brigitte Rémer, 20 octobre 2016

Assistant, Alexandre Barry – scénographie, Sallahdyn Khatir – lumière Alexandre Barry – assistant lumière Pierre Grasset – son Philippe Cachia – administration de production Bertrand Krill – création Les Ateliers Contemporains – Le texte est publié dans le recueil Crépuscule et Déclin, suivi de Sébastien en rêve (nrf poésie Gallimard, 1990).

15 septembre au 21 octobre 2016, Théâtre Nanterre-Amandiers – Tél. : 01 46 14 70 00 – Site : www. nanterre-amandiers.com et www.festival-automne.com – Tél. : 01 53 45 17 17.

L’adieu à la scène

© Nathalie Mazéras

© Nathalie Mazéras

Texte Jacques Forgeas, mise en scène Sophie Gubri, compagnie Restons masqués, production Dominique Attal, au Théâtre du Ranelagh.

C’est une rencontre imaginée sur un mode assez loufoque entre deux grands Jean du XVIIème, Racine et La Fontaine, on ne peut plus opposés dans leurs genres littéraires. Le premier, costume classique gris anthracite est aussi taciturne que son vêtement, le second, bien dans sa peau bien dans la vie, blouson de daim couleur sable pantalon marron glacé, plutôt gai luron. Tous deux se présentent, par le vêtement, copie conforme à leurs univers respectifs, celui de la tragédie pour le premier, celui des fables et des élégies pour le second.

A la demande de La Fontaine, deux jeunes femmes servent d’appât pour provoquer une rencontre fortuite entre les deux écrivains, La Fontaine – ami de Racine malgré les remontrances de Port-Royal – voulant vérifier une information sur laquelle il bute : Racine aurait accepté de devenir l’historiographe du Roi, signant par là même son arrêt en écriture, il veut comprendre.

Les deux jeunes femmes acceptent de se prêter au jeu, même si l’une d’entre elle est au départ plus réservée que l’autre à l’idée de séquestrer Racine, ou tout au moins de le détourner de sa trajectoire. La première, Clarisse, actrice, est un chromo de l’élégance : bandeau dans les cheveux et ballerines rouges, robe noire au liseré de cuir et veste blanche imitation fourrure, elle adore le théâtre, a de l’expérience, elle relève le défi. La seconde, jeune fille d’aujourd’hui, pantalon marine et tennis blanc, haut seyant, à poids, est sur la réserve et finit par se laisser convaincre.

Le tandem vaille que vaille réalise le plan La Fontaine, détournant Racine dans une loge de l’Hôtel de Bourgogne où il avait obtenu de grands succès. Les souvenirs alors ressurgissent, autant de prétextes pour parler de la complexité du théâtre. D’abord sur la défensive, Racine se laisse aller aux confidences, parle de sa jeunesse orpheline – sa mère décède quand il a deux ans, son père quand il en a quatre – et de ses études strictes à Port-Royal-des-Champs, de ses amours déçus avec la Champmeslé pour qui il avait écrit les plus grands rôles féminins qu’elle interprétât – Atalide dans Bajazet, Monime dans Mithridate, Iphigénie dans la pièce du même nom, Phèdre dans Phèdre et Hippolyte -.

Appelé auprès du Roi comme historiographe, Racine confirme à son ami La Fontaine suspendre le temps de l’écriture et comme le dit l’Histoire, après le succès de Phèdre, en 1677, il garda le silence pendant de nombreuses années.

La pièce de Jacques Forgeas, ni tragédie ni fable est une fantaisie à la manière de… qui superpose les époques. L’exaltation et les passions de Racine se sont éloignées, La Fontaine sert de maître de cérémonie et les actrices, dans ce monde d’homme prennent toute leur dimension. Une soirée qui transforme l’Histoire en un sympathique roman photo où chacun – acteurs, scénographe, création costumes, musique et lumière – est à sa place.

Brigitte Rémer, 20 octobre 2016

Avec Baptiste Caillaud (Racine), Clovis Fouin (La Fontaine), Katia Miran (Clarisse), Perrine Dauger (Sylvia). Création musicale Nicolas Jorelle – scénographie Camille Dugas – lumière Marie-Hélène Pinon – costumes Laurence Forgue Lockhart.

A partir du 15 septembre 2016, soixante représentations, du mercredi au samedi à 19h, dimanche à 15h – Théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes, 75016. Métro : La Muette – E-mail : www.theatre-ranelagh.com et www.cierestonsmasques.fr Tél. : 06 07 78 97 60.

Seuls

© Thibaut Baron

© Thibaut Baron

Texte, mise en scène et jeu Wajdi Mouawad, à La Colline-Théâtre national.

L’univers de Wajdi Mouawad mène aux confins du monde, de soi et de l’écriture. L’auteur, acteur et metteur en scène se présente au public du Théâtre de la Colline dont il est le nouveau directeur dans ce solo qu’il interprète. Il se dévoile. Seuls est un spectacle très personnel créé en 2008, qui travaille sur la narration et les arts visuels – audiovisuel et peinture – et se situe entre la fiction et l’autobiographie.

Après Littoral, Incendies, et Forêts, cherchant « une manière d’écrire différente », Wajdi Mouawad s’est lancé dans un cycle qu’il intitule Domestique. Seuls en ouvre la voie, parlant du Fils. Il sera suivi d’un autre solo – Sœurs – d’un duo – Frères – et plus tard, de Père et Mère. Sous couvert de relations interpersonnelles du fils au père, Mouawad tisse sa toile jusqu’à perdre le spectateur. Il superpose les géographies et les univers, le sien propre, celui de Robert Lepage, figure théâtrale sur la scène canadienne et internationale dont on connait les créations depuis les années quatre-vingts, révélateur pour lui de son envie de théâtre ; son pays d’enfance, le Liban ; ses utopies artistiques l’écriture, le théâtre et la peinture.

Le spectacle met en scène un étudiant montréalais d’une trentaine d’année sur le point de finir sa thèse de sociologie, sur le thème de L’espace identitaire dans les solos de Robert Lepage. Nous sommes dans sa chambre, il cherche sa conclusion, le fil du téléphone comme un cordon ombilical le relie au monde – à son directeur de thèse, à sa famille – et ses conversations nous renseignent. « Mesdames et messieurs, je tiens tout d’abord à vous remercier de me donner la parole. Cette soutenance est pour moi un moment important. » A partir de ce fil conducteur, simple en apparence, s’ouvrent des béances.

Wajdi Mouawad a passé son enfance au Liban, son adolescence en France et il a vécu au Québec : « Je m’appelle Harwan, mais ça n’a aucune importance et je pourrais bien m’appeler n’importe comment, comme n’importe qui. C’est comme ça. Ce n’est rien. » Il dessine les relations entre maître et élève, prétexte pour évoquer la complexité du lien père-fils : « A chaque fois, tu me rappelles que je n’ai pas vécu la guerre. Si je pose un geste, ce n’est pas le geste que tu aurais posé. Si je lève un bras j’aurais dû le garder baissé, si je pars, je dois rester, si je reste, je dois partir ! Je dis juste qu’il est difficile de poser un geste qui soit précisément à moi, tu vois ? Qu’est-ce qui est à moi ? »

Hanté par la toile de Rembrandt, Le Retour du fils prodigue, Mouawad passe de la narration à la performance, de l’espace théâtral à celui de la matière – de la peinture – et renvoie aux signes du tableau. L’exil est présent dans son écriture, la langue est précise et puissante sous couvert des mots du quotidien. Il mêle l’intime, le familial, la recherche, l’esthétique et l’artistique et sait inverser le cours des choses, emmenant le spectateur de surprises en interrogations quand tout vacille et bascule. La puissance dramatique de la seconde partie mène jusqu’à l’exil de soi et au travail de la mémoire, la parabole de Rembrandt pour toile de fond. Seuls est un spectacle qui invite à la réflexion et plonge au cœur des racines familiales et de la quête de soi, c’est simple et complexe à la fois, comme la vie.

Brigitte Rémer, 15 octobre 2016

Dramaturgie, écriture de thèse Charlotte Farcet – conseiller artistique François Ismert – assistante à la mise en scène Irène Afker – scénographie Emmanuel Clolus – éclairage Éric Champoux – costumes Isabelle Larivière – réalisation sonore Michel Maurer – musique originale Michael Jon Fink – réalisation vidéo Dominique Daviet. Les voix : Layla Nayla Mouawad – Professeur Rusenski Michel Maurer – La libraire Isabelle Larivière – Robert Lepage Robert Lepage – Le Père Abdo Mouawad – Le Médecin Éric Champoux. Musiques additionnelles Al Gondol Mohamed Abd-Em-Wahab Habaytak Fayrouz Una furtiva lacrima de Donizetti par Caruso – Texte additionnel Le Retour du fils prodigue, Luc 15-21 est tiré de la traduction de la Bible de Jérusalem. Seuls chemin, texte et peintures a été édité aux éditions Leméac/Actes Sud-Papiers en novembre 2008.

Du 23 septembre au 9 octobre 2016, La Colline Théâtre National, 15 rue Malte-Brun, 75020. Site : www.colline.fr Tél. : 01 44 62 52 52 – Tournée 2016/2017 : Festival théâtral du Val d’Oise Le Figuier Blanc, Argenteuil le 5 novembre – Théâtre des Salins Scène nationale, Martigues, les 9 et 10 novembre – The Wilma Theater, Philadelphie du 29 novembre au 11 décembre – Sortie Ouest, Béziers du 17 au 19 janvier 2017 – Le Manège, Mons les 28 et 29 mars – Le Maillon Scène nationale de Strasbourg du 27 au 29 avril – Théâtre national Populaire Centre dramatique national, Villeurbanne du 10 au 13 mai, puis les 20 et 21 mai 2017.

Secret (temps 2) et Architextures

© Philippe Cibille

© Philippe Cibille

Conception, mise en piste et interprétation Johann Le Guillerm – Cirque ici, à la Friche industrielle Babcock de La Courneuve

Dans une imposante halle de la Friche Babcock sont posées trois structures de bois, monumentales et légères à la fois – l’Amu, l’Indrique et Le Crisalide (prototype 1) réalisées par Johann Le Guillerm. Ce sont des sculptures autoportées sans clous ni vis qu’il nomme Architextures, par syncrétisme entre le mot architecture pour leur forme et le mot texture pour leur maillage. D’une grande élégance, elles introduisent au Secret, ce spectacle né de la recherche menée par l’artiste depuis plusieurs années, qu’il intitule Attraction et qu’il présente sous un chapiteau installé dans la même halle. «Je ne fais plus de nouveaux spectacles, je continue…» dit-il, présentant le temps 2 de ses réflexions en mouvement, dont le temps 1 avait vu le jour en 2003. Autant dire que Johann Le Guillerm est un coureur de fond et qu’il remet sur le métier l’ouvrage, expression de sa technicité de haute voltige, de sa philosophie et de son esthétique et que ses recherches s’inscrivent dans un véritable processus.

Son spectacle s’éloigne de l’univers classique des techniques du cirque auxquelles il est formé – il est issu de la première promotion du Centre National des Arts du Cirque, a travaillé avec Archaos, participé à la création de la Volière Dromesko et co-fondé le Cirque O avant de créer sa compagnie, Cirque ici, il y a vingt ans -. Il tient de la performance dans toute l’acception du mot : performance en termes de virtuosité, par l’organisation des planches et matériaux de bois que l’artiste déplace et organise, secondé par quatre assistants, et performance au sens des arts visuels. Johann Le Guillerm réalise sous les yeux des spectateurs des figures d’architextures, véritables miracles s’érigeant sous ses mains de magicien. Particulièrement concentré malgré la proximité du public, l’artiste élabore et construit son univers, physique et mental, et interroge l’équilibre, les formes et le mouvement. Au sommet des mâts qui soutiennent le chapiteau, la régie lumière et la régie son, pointues et attentives.

Johann Le Guillerm se fond dans le matériau noble qu’il utilise, le bois, s’enroule et se déroule avec, l’enjambe et glisse comme on marche sur l’eau, l’effleure, épouse ses formes. Il est aux aguets, construit ses plissés au sens où Deleuze parle des plis, les déconstruit, imagine de nouvelles structures, un autre monde, simple et sophistiqué, d’autres utopies élaborées à l’extrême de la mathématique, quand elle rejoint la philosophie. C’est de la matière, un équilibre, des flux et de la poésie à l’état brut qui tissent son univers et qu’il fait partager.

Brigitte Rémer, 5 octobre 2016

Interprétation musicale Alexandre Piques – création lumière Hervé Gary – création musicale Thomas Belhom – régie lumière Cyril Nesci – régie piste Franck Bonnot, Zoé Jimenez, Anaëlle Husein Sharif Khalil

24 septembre au 1er octobre Friche industrielle Babcock, La Courneuve, Secret (temps 2) et Architextures – 8 octobre, Cirque Jules Vernes, Amiens, La Transumante – 26 novembre, Tandem Hippodrome de Douai/Théâtre d’Arras, La Transumante et 29 novembre au 9 décembre, Attraction – 19 janvier au 19 février Biennale Internationnale des Arts du Cirque, Marseille, Attraction – 9, 10 et 11 mars, création au Cirque Théâtre d’Elbeuf et le 17 mars au CDN de Caen dans le cadre de Spring, Festival des nouvelles formes de cirque en Normandie, Le Pas Grand Chose – 21 mars au 1er avril, Le Monfort, Paris, Le Pas Grand Chose – 4, 5, 7 et 8 avril, Le Volcan, Scène nationale du Havre, Le Pas Grand Chose – 13 mars au 13 avril, Les Treize Arches, Scène conventionnée de Brive, Les Imperceptibles – 11 et 12 avril – Les Treize Arches Scène conventionnée de Brive, Le Pas Grand Chose – 3 et 4 mai Tandem Hippodrome de Douai-Théâtre d’Arras, Le Pas Grand Chose.

Dom Juan, de Molière

Mise en scène Jean-François Sivadier, à l’Odéon Théâtre de l’Europe.

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

Il se glisse dans le public et dans la peau du personnage, papillonnant aux pieds des belles du premier rang. Dom Juan charme ce jour-là Nelly, Valentine et Sarah. Il offre à la première un bouquet, qu’il reprend aussi vite, lui abandonnant généreusement une rose ; à la seconde le même bouquet, avec le même empressement, et ainsi de suite. Fleurs et soupirs passent de mains en mains, au gré de ses conquêtes. Introduction au sujet, mélange des genres et des époques. Chez Molière, conquêtes, mensonges et abandons s’appellent Elvire, Charlotte et Mathurine, la pièce est provocante, pour l’époque.

La fabrication du mythe permet d’imaginer un jeune premier vif argent dans le rôle-titre. Jean-François Sivadier fait le choix d’un personnage à contre emploi, hâbleur et buriné, décalé et cynique – interprété par Nicolas Bouchaud qui tenait le rôle d’Alceste dans Le Misanthrope, monté par le metteur en scène, en 2013 -. Ce Dom Juan fait la politique de la terre brûlée et par son machiavélisme, gagne les batailles : « Quoi ? Tu veux qu’on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu’on renonce au monde pour lui, et qu’on n’ait plus d’yeux pour personne ? » lance-t-il à Sganarelle avec qui il forme un étrange duo. Vincent Guédon dans son interprétation déborde d’énergie et trépigne de devoir assister un tel maître. Sa fougue et ses étonnements, vrais ou d’artifice, font parfois tanguer la chaloupe : « Vertu de ma vie, comme vous débitez ! Il semble que vous ayez appris cela par cœur, et vous parlez tout comme un livre. » C’est Molière qui interprétait Sganarelle lors des représentations données en 1665, – avant la publication de l’œuvre qui ne se fera que dix-sept ans plus tard, -. Comme Tartuffe et comme Le Misanthrope, la pièce traverse divers registres, du burlesque au grotesque, du comique au tragique.

La scène ressemble à un cosmos et nous plonge dans un monde interstellaire. Des globes semblables à des mappemondes ou à des instruments scientifiques de mesure tombent des cintres. On se croirait chez Galilée – le metteur en scène a d’ailleurs monté La Vie de Galilée de Brecht, en 2001 – et, par les lumières, proche de la voie lactée ou du septième ciel. Avec Sivadier, la gravité n’existe pas et tout est décentré dans une scénographie de guingois – signée Daniel Jeanneteau, Christian Tirole et Jean-François Sivadier – où les lignes droites ressemblent à des obliques. Elvire – Marie Vialle – fait une entrée remarquée, remontant de la salle, elle porte la coiffe à plumes des indiens navajos et, guerrière, semble déterrer la hache de guerre, attendant Dom Juan de pied ferme. « Me ferez-vous la grâce Dom Juan, de vouloir bien me reconnaître… » Charlotte est dans tous ses états à la vision de Dom Juan et Pierrot court derrière, le créancier Monsieur Dimanche a le look d’un rond de cuir tatillon et le Commandeur un air de robot dans un musée imaginaire habité de femmes de pierre, de statues.

Les rebondissements de la pièce entraînent de l’étrangeté dans la partition des acteurs et dans la mise en scène parfois proche de la bande dessinée. Un compteur tourne à rebours, des chiffres lumineux s’affichent à chaque fois que le mot ciel est prononcé, il s’allumera soixante-trois fois. Sur terre Dom Juan poursuit ses ravages, simulant son rachat et sa conversion auprès de son père et jouant de tous les subterfuges avant d’être précipité dans les flammes de l’enfer. A la question : « Vous n’avez pas peur de la vengeance divine ? » Il répond avec habileté : « C’est une affaire entre le Ciel et moi. »

Au-delà du texte de Molière Jean-François Sivadier ajoute quelques citations personnelles, notamment une séquence où Dom Juan se met à chanter Herbie Hancock, une autre extraite de La Philosophie dans le boudoir, du Marquis de Sade, ouvrage publié en 1795 avec cette même logique libertine et ce sens de la transgression, avec des thèmes similaires traitant de sexualité et de religion. Il avait approché le mythe de Dom Juan en 1996, reprenant la mise en scène de Dom Juan/Chimères laissée inachevée à la mort de Didier-Georges Gabily, auteur, metteur en scène et directeur du Groupe T’chang avec lequel il avait fait un bout de route. Il en a gardé l’esprit de troupe. Il est depuis une quinzaine d’années artiste associé au Théâtre National de Bretagne. Ses mises en scène sont attendues et remarquées.

Brigitte Rémer, 4 octobre 2016

Avec Marc Arnaud Gusman, Dom Carlos, Dom Louis – Nicolas Bouchaud Dom Juan Tenorio – Stephen Butel Pierrot, Dom Alonse, Monsieur Dimanche – Vincent Guédon Sganarelle – Lucie Valon Charlotte, Le Pauvre, La Violette – Marie Vialle Elvire, Mathurine. Collaboration artistique Nicolas Bouchaud Véronique Timsit – scénographie Daniel Jeanneteau, Christian Tirole Jean-François Sivadier – lumière Philippe Berthomé – costumes Virginie Gervaise – maquillages, perruques Cécile Kretschmar – son Eve-Anne Joalland – suspensions Alain Burkarth – assistant à la lumière Jean-Jacques Beaudouin – assistante aux costumes Morganne Legg – assistants à la mise en scène Véronique Timsit Maxime Contrepois (dans le cadre du dispositif de compagnonnage de la Drac Île-de France) – assistant de tournée Rachid Zanouda.

Du 14 septembre au 4 novembre 2016 à 20h, le dimanche à 15h, relâches les 18 septembre et 30 octobre – Théâtre de l’Odéon, Place de l’Odéon, 75006. Tél. : 01 44 85 40 40 – Site www.theatre-odeon.eu En tournée : Lausanne (Suisse), Théâtre Vidy du 23 novembre au 3 décembre – Nantes, le Grand T du 7 au 17 décembre – Strasbourg, TNS du 3 au 14 janvier 2017 – Grenoble, MC2 du 19 au 28 janvier 2017.

 

Faust I & II

© Lucie Jansch

© Lucie Jansch

Texte de Johann Wolfgang Von Goethe – Direction, mise en scène, lumières Robert Wilson – Adaptation Jutta Ferbers – Musique et chansons Herbert Grönemeyer – avec le Berliner Ensemble, en allemand surtitré en français.

Poète à l’esprit encyclopédique, passionné de sciences occultes, de dessin et d’opéra, Goethe fut habité par le mythe de Faust dont il livra deux versions monumentales, drames en partie versifiés où le magique le dispute au fantastique : Faust I est publié en 1808 et reprend une première recherche, Faust, fragment, qu’il avait faite une vingtaine d’années auparavant. Faust II, plus complexe, est publié un an après sa mort, en 1832. Goethe s’inspirait d’un conte populaire médiéval et de la pièce de Christopher Marlowe – première adaptation littéraire de la fin du XVIème – faisant du célèbre Docteur Faust un ténébreux compagnon, son double. De fait divers, l’histoire s’est élevée au rang de mythe universel, elle traverse le temps et fascine : Gérard de Nerval l’a traduite, Eugène Delacroix l’a illustrée, Berlioz, Gounod et d’autres l’ont mise en musique, Méliès en a tourné trois versions, Murnau une et René Clair s’en est inspiré avec La Beauté du diable.

Robert Wilson lui aussi se penche depuis longtemps sur la figure emblématique de Faust. Il avait monté en 1989 l’opéra de Giacomo Manzoni, Doctor Faustus ; plus tard, Black Rider en collaboration avec Tom Waits, et Doctor Faustus lights the lights de Gertrud Stein et Hans Peter Kuhn. Il s’empare aujourd’hui de cette grande œuvre nationale allemande inscrite dans la sensibilité du Sturm und Drang – mouvement politique et littéraire qui se définit par deux mots : Tempête et Passion – et la présente pour la première fois en France, à l’invitation du Théâtre de la Ville, complice artistique depuis plusieurs années. L’adaptation de Jutta Ferbers – qui donne toute la poésie – ouvre sur quatre heures de spectacle tissées de nombreuses prouesses techniques en termes de lumière et de machineries à vue. Féru d’optique, Goethe a lui-même travaillé sur la perception visuelle, il a écrit un Traité des couleurs. L’univers plastique de Robert Wilson lui va bien, de même que l’univers musical d’Herbert Grönemeyer.

C’est la troupe du Berliner Ensemble – fondée par Bertolt Brecht et Hélène Weigel en 1949 après le succès de Mère Courage – avec laquelle Robert Wilson travaille depuis une bonne dizaine d’années, qui porte le spectacle avec virtuosité. Elle plonge le spectateur dès la porte de la salle franchie, au cœur d’un Prologue où un metteur en scène donne ses directives, et fait référence à la nuit de Walpurgis, cette fête profane et clandestine qui brave les interdits : « Faites tomber du ciel le plein feu, la pénombre… A l’étroit entre les planches de cette baraque, parcourez le vaste cercle de la création. Allez, marchez d’un pas rapide et mesuré. Allez du Ciel au Monde et du Monde à l’Enfer. »

Dans sa quête du savoir et ses recherches ésotériques, Faust brûle les années et se met à douter. Méphistophélès lui propose, en échange de son âme, de lui rendre jeunesse et enthousiasme. Faust pactise et devient son alter ego : Méphistophélès s’engage à réaliser tous ses désirs en échange de son âme dès qu’il se dira satisfait et heureux, dans un délai maximum de vingt-quatre ans. Illusion. Dans Faust I tout n’est qu’illusion et mirage, les personnages se dédoublent comme dans des jeux de miroirs et de reflets – il y a cinq figures de Faust (cinq acteurs) – et trois Marguerite parées des bijoux de la séduction et de l’attente amoureuse ; il y a des archanges au sourire comme coulés dans le stuc, des sorcières, des esprits, un grand caniche obséquieux, des gorgones. E la nave va pourrait-on dire car Wilson fait parfois penser à Fellini, dans sa démesure aux pleins et déliés de lumières – verticalités, obliques, horizontalités, jeux de contre-jour et ombres chinoises – aux rangées de projecteurs qui descendent et qui montent dans des machineries réglées au cordeau devenant pure magie.

Dans la seconde partie du spectacle, Faust II, il n’y a plus qu’un Faust épousant Hélène de Troie loin du Palais de Ménélas, la Grèce antique apparait. Suite des fantasmes et de l’illusion pour Faust de vouloir ne faire qu’un et se fondre dans Méphistophélès ; et quand ce dernier essaie de prendre l’âme de Faust qui lui est due, c’est Marguerite – morte dans Faust I – et ses prières, qui le sauvent de l’enfer. Le dernier vers de Faust II rend hommage à l’éternel féminin, qui, dit Goethe, nous élève. Sur le cyclorama tendu en fond de scène, l’illusion passe par l’image et présente en arrière-plan la puissance et la grâce d’un léopard dans sa course, pris au ralenti, puis un troupeau de bovidés qui chargent au galop, avec force, rapidité et élégance « Le pouls de la vie bat, vif et frais. Avec douceur, il salue l’aube éthérée. Et toi, Terre, cette nuit aussi tu es restée toi-même. Rafraîchie, tu respires à mes pieds et déjà tu me presses de désir. Tu excites en moi la ferme résolution de tendre sans cesse vers l’existence suprême. »

L’univers faustien de Robert Wilson fait d’esprits, de reines et d’anges déchus prend toute sa mesure avec l’œuvre du compositeur et chanteur Herbert Grönemeyer qui l’accompagne. Ses compositions et citations musicales élaborent ici un style très personnel où se côtoient folk, pop, rock, flamenco… Musiques et chansons d’une bande-son très élaborée et/ou magnifiquement jouées de la fosse d’orchestre par d’exceptionnels solistes, sous la baguette de Christopher Nell portent cette même démesure.

Faust I & II est un spectacle éblouissant d’intelligence et de malice, ludique et imaginatif, fait de théâtre, de musique et de danse, un opéra. Tous les acteurs y sont exceptionnels. Depuis Le Regard du sourd Robert Wilson nous séduit par son talent insolent. Sa rigueur architecturale, ses costumes, maquillages, jeu, gestuelle, chants et danses, lumière et son, tout y est maitrisé, chacun assurant sa partition avec tempête et passion, avec virtuosité.

Brigitte Rémer, 29 septembre 2016

Avec : Krista Birkner, Christine Drechsler, Claudia Graue, Friederike Maria Nölting,  Marina Senckel, Gaia Vogel, Anna von Haebler, Raphael Dwinger, Winfried Goos, Anatol Käbisch, Hannes Lindenblatt,Matthias Mosbach, Christopher Nell, Luca Schaub, Sven Scheele, Felix Strobel, Fabian Stromberger, Felix Tittel – Voix : Stefan Kurt, Angela Winkler – Avec les musiciens : Stefan Rager, Hans-Jörn Brandenburg,  Joe Bauer, Michael Haves, Ilzoo Park, Sophiemarie Yeungchie Won, Jinyoung Maeng, Hoon Sun Chae – costumes Jacques Reynaud – codirection Ann-Christin Rommen – collaboration musicale & sound design Alex Silva – dramaturgie Jutta Ferbers, Anika Bárdos – collaboration décor Serge von Arx – collaboration costumes Wicke Naujoks – direction musicale Hans-Jörn Brandenburg, Stefan Rager – arrangements musicaux Herbert Grönemeyer, Alex Silva – arrangements additionels pour orchestre Hans-Jörn Brandenburg, Alfred Kritzer, Lennart Schmidthals – lumières Ulrich Eh – projections vidéo Tomek Jeziorski – rédaction des surtitres Michel Bataillon.

Du 23 au 29 septembre 2016, Théâtre de la Ville, au Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet. 75001. Site : www.theatredelaville-paris.com Tél. : 01 48 87 87 39, 01 42 74 22 77 et 01 40 28 29 30 – Prochains spectacles de Robert Wilson présentés par le Théâtre de la Ville : L’Opéra de quat’sous, du 25 au 31 octobre au Théâtre des Champs-Elysées, avec le Berliner EnsembleLetter to a Man, du 15 décembre au 21 janvier 2017 à l’Espace Pierre Cardin, avec Mikhail Baryshnikov.